La bataille parlementaire engagée pour ou contre le texte sur les retraites n’est pas en soi une mauvaise chose, quand bien même serait-elle perçue au travers du seul prisme de ses excès et autres incidents de séances.
Elle conforte même, à première vue, sur un enjeu de solidarité indissociable de notre contrat social, le rôle d’un Parlement dont la fonction de contre-pouvoir n’a peut-être jamais été aussi forte depuis un demi-siècle. Le gouvernement, de son côté, s’efforce de pénétrer par « la porte étroite » entre l’exigence d’adoption du texte qu’il entend mener tambour battant et la nécessité de ne pas paraître brusquer la représentation nationale pour s’éviter l’accusation d’un passage en force alors que des segments entiers des opinions sont entrées en opposition à cette réforme.
La majorité crie à l’obstruction, à la « bordelisation », là où les oppositions de la Nupes et dans une moindre mesure du RN dénoncent la brutalité de l’exécutif.
Chacun en quelque sorte est dans son registre. Rien pourtant d’un côté comme de l’autre ne justifie forcément les critiques des uns à l’encontre des autres. Après tout les oppositions usent d’un droit fondamental, le droit d’amendement sans au demeurant que l’usage de celui-ci soit pour l’occasion exceptionnel.
En 2006, faut-il le rappeler, lors de la privatisation de GDF, environ 130 000 amendements furent déposés et 40 000 en 2019 lors de la discussion concernant le précédent texte sur les retraites.
Parallèlement la Première ministre peut toujours arguer qu’à ce stade elle évite d’user du vote bloqué, même si l’utilisation pour le moins inédite de l’article 47-1 de la Constitution, par ailleurs non sans risque sur le plan de la constitutionnalité, n’est pas sans susciter une évidente tension sur la procédure parlementaire. Le problème n’est pas tant au demeurant dans le recours que majorité et opposition font des ressources institutionnelles autorisées par la Constitution, mais dans l’impact suscité par des débats survoltés où les comportements en séance suscitent inévitablement l’impression d’un désordre peu conforme au fonctionnement d’une démocratie mature. Le comble serait que cette assemblée, qui ressemble pour une fois à l’image politique réelle du pays, en vienne à raviver le vieux fond antiparlementariste d’un pays…
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne