
Dans le moment la stratégie syndicale, assez habile au demeurant, consiste à préparer l’esprit public à l’acceptation d’un durcissement du ton et du registre de l’action collective quand le pouvoir parie sur un essoufflement.
Quand les uns visent 1995, les autres espèrent 2010… C’est dire que l’impasse risque néanmoins d’être entière en cas d’adoption d’un côté, et de poursuite de la mobilisation de l’autre. Les syndicats ont prévenu : le 7 mars ils jetteront toutes leurs forces dans la bataille. Leur objectif : réussir le stade 1 du blocage du pays, une sorte d’ “extension du domaine de la lutte” dont les leaders du mouvement social espèrent qu’il atteindra un double but, à savoir un blocage opérationnel massif le jour J et un soutien majoritaire des Français. Encore faut-il que blocage et soutien s’installent dans la durée, incarnent une colère profonde apte à renverser le rapport de forces que le gouvernement, minoritaire dans le pays au sujet de cette réforme, entend imposer à un corps social rétif à l’allongement de l’âge légal du départ en retraite.
Si jamais cette configuration se dessinait, nous entrerions alors dans une séquence des plus incertaines ou dos au mur les acteurs respectifs et opposés s’engageraient dans l’une de ces montées en tensions dont l’issue ne peut se solder que par une victoire par KO d’une des parties.
C’est toute la difficulté du moment où chacun sait qu’il joue plus que sa face, mais également son crédit au regard de ses capacités d’actions futures.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne