Tout s’avèrera utile pour conjurer le spectre d’une éventuelle violence, fruit d’une colère proportionnelle aux frustrations engendrées par ce qui est en passe de devenir un dialogue de sourds mortifère et pour écarter les dérapages dangereux, fréquents dans ce type de conflits frontaux qui s’enkystent…
Les acteurs politiques de ce drame en gestation peuvent se rejeter la responsabilité de cette situation délétère en s’accusant mutuellement d’obstruction par voie d’amendements excessifs ou de procédures biaisées, en s’invectivant à l’envi, ils auront tous des comptes à rendre à leurs mandants qui, eux, défilent dans la rue avec une seule boussole, le retrait pur et simple du projet dans sa configuration présente.
Toutes les récupérations et dérives sont possibles en pareille configuration.
La violence installée dans le débat, observée ces derniers jours à l’Assemblée nationale, reflet il est vrai du mauvais état du pays, mérite plus d’attention et de vigilance car c’est un très mauvais signal dans un environnement critique et il ne faudrait pas qu’elle se déplace dans la rue aujourd’hui plus tempérée que l’hémicycle du Palais Bourbon. Obstination n’est pas détermination en matière de gouvernance mais peut plus souvent s’apparenter à une imprudence coupable et fatale si on veut bien se référer à l’histoire nationale riche en épisodes où l’exaspération des tensions a fini souvent par balayer toute raison pour le plus grand malheur des populations. Comme un écho dans ce climat de chienlit en perspective, les habitants de la capitale ont pu se réveiller et passer le 16 février devant un Hôtel de ville pavoisé de grandes banderoles bleues affichant la solidarité de la Mairie de Paris avec le mouvement social en cours, alors que c’est bien loin de là que battait le cœur de la contestation à Albi…
On pourra toujours arguer que dans le passé, il y a eu bien des joutes d’une violence tout aussi spectaculaire que celles observées ces derniers jours à l’Assemblée sous la IIIe et la IVe Républiques par exemple, elles ont sans doute été oubliées trop vite. Triste et étrange spectacle que l’image d’un ministre visiblement épuisé, rappelé à l’ordre par un député pour avoir cherché à s’évader de la dure réalité de sa tâche de porteur d’un projet de réforme sur le gril du moment, dans la résolution de mots fléchés à la vue de tous, comme pour mieux souligner le côté dérisoire et fastidieux des postures politiciennes qu’elles qu’en soient les motivations, car mieux vaut ne pas y voir une désinvolture coupable dans la gravité de la situation…
L’actualité n’offre malheureusement aucune forme d’évasion du marasme présent à l’intérieur et à l’extérieur du Royaume hexagonal, en dehors de la clémence inhabituelle mi février des températures diurnes ou des images de carnaval sur fond de cueillette d’agrumes et de mimosas en fleurs dans le sud.
Effroi de la découverte du cadavre démembré d’une mère de famille en plein cœur du parc des Buttes Chaumont à Paris… Tragédie d’une famille meurtrie dans ses chairs et endeuillée par la mort d’une enfant, brisée à travers un terrible et violent accident de la route et entraînée sans autre raison qu’un hasard affreux irrémédiablement dans la descente aux enfers d’un humoriste qui ne fera plus jamais rire personne par l’horreur des conséquences de son addiction coupable à une drogue, qui doit faire comme toutes les autres, l’objet d’une guerre sans merci en incitant tous ceux qui préconisent encore des dépénalisations à méditer plus avant ou mieux, à se taire définitivement. Il est des faits divers qui ébranlent la conscience collective au delà de ce que l’on pourrait imaginer dans cette sorte d’accoutumance ou de complaisance vis à vis des fausses libertés que sont les déviances et transgressions chères à ceux qui ne respectent plus aucune borne dans le respect que tout individu devrait à lui-même et aux autres, l’apanage de ces fausses élites qui s’abritent derrière une fausse conception de la vie tout court et qui encombrent les allées sinueuses du monde « nouveau »… Il y a aussi des détresses qu’on ne peut pas mettre en balance les unes avec les autres, et, espérons le, des leçons à tirer pour tenter d’éviter que de telles tragédies se reproduisent…
La Turquie et la Syrie, non loin du champ de guerre en Ukraine, font face à une épreuve indicible qui ramène notre humanité à ses limites devant le déchaînement périodique des forces telluriques, avec parfois des miracles lorsqu’une survie miraculeuse dans les décombres vient contrebalancer le bilan macabre qui enfle au fil des jours. Près de 41 000 morts à ce jour dans une terre qui a été le berceau de riches civilisations…
L’ONU a très récemment commémoré la tragédie de même nature survenue le 12 janvier 2010 en Haïti, 13 ans avant le 6 février 2023 : 280 000 morts, 300 000 blessés, 1,3 million de sans abris… Un des pays les plus pauvres du monde, premier à se libérer héroïquement des chaînes de l’esclavage en 1804, et qui sombre dans l’indifférence générale depuis bien trop longtemps…
La condition humaine est terriblement fragile, exposée aux colères de la nature et à la folie de tous ceux qui croient imposer par la force leur vision du monde.
Cette observation est valable aussi dans toute forme de conflit guerrier ou social. L’avenir proche nous le rappellera peut-être à nos dépens aux ides de mars au bord du gouffre à moins que d’ici-là notre « cher et vieux pays » n’ait retrouvé sa boussole?
Eric Cerf Mayer
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