Option incertaine s’il en ait car il eut été plus logique d’attendre le résultat des élections européennes au mois de juin avant de se relancer dans un grand meccano de l’exécutif, en usant encore pendant quelques mois Madame Borne. Cette précipitation traduit une fausse maîtrise à vrai dire et bien plus une sorte d’improvisation, synonyme de panique à peine dissimulée, après l’adoption d’une loi immigration dont le pouvoir aura été perçu bien plus comme l’accompagnateur malgré lui que l’initiateur.
Certes Emmanuel Macron pourra toujours arguer avoir fait voter un texte, sans recourir au 49.3, mais à des conditions qui lui ont été imposées de telle manière que son étiage parlementaire et gouvernemental en a subi des secousses pour le moins déstabilisatrices.
Défaite politique, psychologique, culturelle que le vote d’une loi qui soutenue par l’opinion et les oppositions de droite aura apporté la démonstration in vivo que sur un enjeu aussi essentiel qu’existentiel que l’immigration le macronisme est minoritaire tant sociologiquement que politiquement.
Tout le drame du macronisme est de cristalliser la représentation d’un système de gouvernement d’où le peuple est devenu le grand absent. Ce qui en démocratie sur la distance constitue un vice rédhibitoire.
Conscient et acteur conscient de cette dépossession qui a commencé bien avant lui mais qui s’est intensifiée de manière décomplexée sous son mandat, le Président Macron cherche à colmater comme il peut la brèche dont il est tout autant le produit que le continuateur actif. Tout est fait pour illusionner l’opinion, mais l’opinion dans ses profondeurs reste au mieux indifférente, au pire hostile. Et ce n’est pas l’hypothèse d’un remaniement qui suffira à résorber la béance qui ne cesse de s’accroître entre des segments entiers de la société et les gouvernants. Le plus inquiétant dans le processus dans lequel nous sommes entrés est qu’il use de manière hypertrophiée des ressources les plus verticales des institutions, lesquelles néanmoins avaient été pensées par leurs initiateurs avec les adjuvants d’un recours au peuple dès lors que l’écart entre ce dernier et le pouvoir tendait à déplacer le curseur de telle façon que la question de la légitimité se posait. C’est l’esprit de la Constitution voulu en son temps par le Général de Gaulle qui est hélas par trop oublié, un oubli qui fait entrer le pays dans une période de très grande incertitude…
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne