Par-delà les péripéties inévitables qui sont le lot de tout remaniement ministériel, le gouvernement Attal, désormais au complet, reflète bien l’état de la majorité en ce début 2024.
La capacité d’attractivité d’Emmanuel Macron, malgré l’entrée de Rachida Dati dont l’impact parait bien plus médiatique que politique, est aujourd’hui consommée. La liste complémentaire annoncée hier soir le confirme. C’est à partir du noyau central de la macronie et de ses alliés du MoDem et d’Horizons que se sera construit le deuxième banc gouvernemental. On le comprend : d’ici les élections européennes la mission du jeune Premier ministre sera de faire tenir une majorité soumise à rude épreuve depuis qu’elle n’est que relative à l’Assemblée nationale, de légiférer le moins possible afin de contourner un hémicycle imprévisible et de tenter de limiter les dégâts à l’occasion des prochaines échéances européennes.
Ces dernières s’annoncent peut-être comme les élections européennes les plus importantes depuis que les Européens sont appelés à élire au suffrage universel direct leurs représentants au Parlement de Strasbourg.
Le résultat de ce scrutin devra être analysé tant dans son verdict national que continental. En France un trop grand écart entre la liste du Rassemblement national et celle de la majorité, ce qu’a ce stade annoncent tous les sondages ainsi qu’un score cumulé au-delà de 40 % de toutes les listes qui aujourd’hui en appellent de facto à une Europe des Nations contre un dessein fédéraliste qui ne dit pas son nom mais qui avance comme tel ainsi qu’en témoigne le rapport sur l’avenir des institutions européennes, constitueraient non seulement un camouflet pour l’exécutif mais lui compliqueraient forcément la tâche pour les trois ans à venir. Trois longues années. Emmanuel Macron aura beau faire comme si, la réalité du rapport de forces s’imposera à lui, rendra encore plus difficile la manœuvrabilité de l’Assemblée, et ne manquera pas de fragiliser une majorité entrée mentalement déjà, pour nombre de ses responsables, dans l’après 2027.
Mais c’est surtout à l’échelle européenne que la matrice pourrait être encore plus bousculée. Partout ou à tout le moins dans de nombreux Etats-membres la poussée des partis populistes est en passe de bousculer l’échiquier des rapports de forces tels qu’ils se sont sédimentés depuis des décennies. En France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas et ailleurs aussi en Europe centrale, les intentions de votes indiquent une montée en puissance de ces forces qui ne partagent pas forcément une vision identique sur l’ensemble des sujets mais qui toutes sont rétives, voire opposées à la vision d’une souveraineté européenne plus intégrée.
Si les résultats du 9 juin en venaient à confirmer cette tendance, voire à les amplifier, ce serait là un coup de semonce qui réinterrogeraient nécessairement la trajectoire de la construction européenne.
Et comme Emmanuel Macron lie de manière indissociable, à l’instar de ses derniers prédécesseurs élyséens, l’avenir de la France à celui de l’Europe, il serait dès lors confronté à un défi majeur qui ne serait pas sans impact sur la suite de son quinquennat. C’est dire si depuis 1979, date de la première élection européenne, cette consultation est capitale tant pour la France que pour l’UE. Une croisée des chemins en quelque sorte.
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne