Voici quelques jours notre collègue Patrick Gérard produisait dans ces colonnes une excellente analyse à propos de l’anniversaire de l’entrée en vigueur effective de la Constitution de 1958 (Il y a 65 ans débutait la Cinquième République). Qu’il nous soit permis de renchérir un peu sur lui.
En effet, au fond, tout cela n’aurait pas été possible si ab initio il n’y avait pas eu un cap, une vision, des choix. Et même comme nous le disait Raymond Janot, premier président de la région Bourgogne, conseiller d’Etat, et inspirateur méconnu du Général sur le pouvoir exécutif, « de la passion ». Car ces hommes qui ont écrit notre Constitution furent des passionnés. Comment ne pas l’être lorsque se jouait, sous l’égide de l’Homme du 18 juin, le sort de notre pays ? « Il y avait un côté commando dans tout ça ! » nous confie toujours R. Janot qui restera, toute sa vie, fasciné par ces moments inoubliables. On savait où on allait nous dira-t-il aussi. Cap, vue, choix. Visitons cette trilogie.
1. Alors le cap ? Redresser la France ! Le général est aussi rappelé pour cela par René Coty. Le gouvernement en place, craignant à Paris une tentative de coup d’état militaire inspiré par l’armée d’Algérie, démissionne. René Coty, président de la République, fait appel « au plus illustre des Français » le 29 mai 1958. Le cap est clair : former un gouvernement et réformer les institutions. De Gaulle se présente donc devant l’Assemblée qui lui accorde sa confiance le 1er juin et les pleins pouvoirs pour six mois. Il forme aussitôt un gouvernement d’union nationale où les quatre ministres d’Etat sont Guy Mollet (SFIO), Pierre Pflimlin (MRP), Félix Houphouet-Boigny (UDSR) et Louis Jacquinot (Indépendant). Le lecteur aura bien lu, il y eut un gouvernement d’Union Nationale. Rarissime dans notre vie républicaine. Et plus jamais réalisé. En ce printemps 2022 le président Macron aurait bien aimé ! Mais n’est pas de Gaulle qui veut et les leaders politiques de l’époque avaient une autre allure que ceux que l’on a maintenant…. On peut dire que toute sa vie politique le général a pratiqué avant l’heure l’ouverture ! « Le fait que les partisans de droite et les partisans de gauche déclarent que j’appartiens à l’autre côté prouve […] que je ne suis pas d’un côté, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France. »
Lors de la passation de pouvoir Coty déclare : Fier de remettre la charge de la maison au premier des Français devenu le premier en France. – C’est toujours lorsque la patrie est au bord de l’abîme que le général de Gaulle est appelé et qu’il réalise L’Union. Et le général va s’employer à faire aimer à nouveau la France aux Français. Toute sa vie il s’est fait une certaine idée de la France qu’il a essayé de faire partager aux Français.
Pour stabiliser le pays il va lui donner une nouvelle Constitution. En moins de 6 mois elle va être faite. Là encore le cap est clair. En finir avec l’instabilité des républiques précédentes. Le général de résumer les choses dans ses Mémoires : « Tout de même qu’à bord du navire l’antique expérience des marins veut qu’un second ait son rôle à lui à côté du commandant, ainsi dans notre nouvelle République, l’exécutif comporte-t-il après le président voué à ce qui est essentiel et permanent, un Premier ministre aux prises avec les contingences ». Le président de la République devient « la clef de voûte des institutions » (M. Debré). Pour avoir trop sévi par le passé, le pouvoir législatif est donc relégué dans l’édifice institutionnel. Et, hormis les périodes de cohabitation (1986, 1993,1997) voire de majorité relative (1988, 2022), le président est bien celui qui « décide ce qu’il convient de décider » (F. Mitterrand).
A la suite du général, les successeurs vont essayer de maintenir le cap. Il aura impulsé une marque et ils suivront plus ou moins sa trace. Cela va être le cas jusqu’à J. Chirac. Le premier G. Pompidou va d’emblée déclarer : « je maintiendrais ». Cela va être le cas notamment en matière diplomatique (hormis l’erreur sur l’entrée de la Grande-Bretagne en 1972) et de défense. Mais le natif du Cantal veut aller plus loin en matière industrielle : « Nous avons un objectif qui doit dominer tous les autres : faire de la France une grande nation industrielle […] le reste sera donné de surcroît. ». Ce sera une véritable obsession chez lui. Quant à sa pratique présidentielle c’est Chaban-Delmas qui la décrit le mieux ( pour l’avoir subi) : « il suivait de très près les affaires gouvernementales quand il ne les précédait pas ». Pompidou, à plusieurs reprises, s’est défini comme « arbitre et premier responsable national ».
V. Giscard d’Estaing a, lui aussi, maintenu le cap gaullien. Ce fut le cas en matière internationale (sauf à être, là encore, bien plus européiste) et de défense. En politique intérieure il a d’abord été un président interventionniste. Ce qui a conduit à la démission volontaire de J. Chirac en 1976 : « Je ne dispose pas des moyens que j’estime aujourd’hui nécessaires pour assurer efficacement mes fonctions de Premier ministre et dans ces conditions, j’ai décidé d’y mettre fin ». Puis avec Barre les relations deviendront bien plus conventionnelles. L’ancien maire de Lyon souligna combien il travaillait en confiance avec le président. Chacun ayant son domaine de responsabilité.
Mitterrand, l’éternel opposant, l’auteur du Coup d’état permanent, va mettre le cap sans coup férir sur le mode présidentialiste. Peut-être encore plus gaullien que ses prédécesseurs. Alain Duhamel l’a bien démontré dans La marque et la trace (Flammarion, 1991). Hormis sur l’Europe pour laquelle Mitterrand va (trop) loin avec cette erreur historique qu’est Maastricht, il va recentrer les pouvoirs à l’Elysée comme ils ne l’avaient pas été depuis longtemps. Dès 1981 le cap est fixé : « J’exercerai dans leur plénitude les pouvoirs que me confère la Constitution. ». Seules les cohabitations (1986 et 1993) le contraindront à un rôle plus arbitral mais vigilant.
Alors après Mitterrand ? Quel cap ? Au crépuscule de son dernier mandat l’homme de Latché aura cette phrase : « Je suis le dernier des grands présidents, après moi il n’y aura plus que des financiers et des comptables ».
J. Chirac n’a finalement été président que 2 ans durant son premier mandat. Le cap qu’il a fixé aux Français en 1995 s’est envolé en 1997 lorsqu’il a prononcé la dissolution la plus inopportune de la Ve.
Après s’en est suivie pour cinq ans une cohabitation où le gouvernementalisme tournait à plein régime. Seules les maladresses de Jospin et son manque d’ambition, l’ont empêché de remporter l’Elysée en 2002 (battu au premier tour). Quant au second mandat de Chirac, s’il est revenu à une conception plus présidentialiste, il a achoppé sur l’Europe (le rejet du Traité de 2005 est une sorte de réponse à Maastricht), sur l’absence de réformes structurelles et, il faut le dire, sur son état de santé car il peinait à se remettre d’un AVC. On pourrait aussi mettre en exergue le syndrome d’hubris de N. Sarkozy qui parasita le second mandat chiraquien.
On pourra dire tout de même qu’en matière de politique étrangère Chirac a maintenu un cap gaullien. C’est là qu’il a par ailleurs le mieux réussi. Jusqu’à devenir une autorité morale sur l’échiquier international. Poutine n’a pas hésité à dire en 2017 que « jusqu’ici, les meilleures relations ont été avec Jacques Chirac ». Ce dernier étant pour le chef du Kremlin le dirigeant occidental qu’il admirait le plus.
C’est après Chirac que l’on aura à faire à des financiers, des comptables et même un avocat. En tout état de cause des locataires de l’Elysée qui n’auront pas la capacité à fixer un cap pour le pays et à s’y tenir le plus possible. Quel cap ont eu M. Sarkozy et à un degré pire MM. Hollande et Macron ?
2. Une vision
“Être visionnaire n’est pas à la portée de tous. Cela révèle une âme, un être qui n’est pas limité à ses sens.” (Elizabeth Gaskell).
- Gérard Bardy a parfaitement décrit le visionnaire de Gaulle (De Gaulle avait raison, le visionnaire ; Éditions Télémaque, 2016). Les exemples sont légion. Ainsi lors d’un Conseil des ministres, en 1962, il énonce à G. Pompidou arrivé à Matignon à propos de l’Education nationale « Elle doit d’abord contribuer à effacer peu à peu les classes sociales, à condition que tous les jeunes Français y jouissent de chances égales et que son ouverture aux masses soit compensée par une orientation et une sélection appropriées. (…) ». Sur ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le laxisme de la Justice, de Gaulle avait aussi son idée très précise. Elle reste d’une criante actualité. Car si le problème de la police c’est la justice, il semble que cette dernière soit devenu aussi celui de la société française…. Ainsi en 1966 à son Garde des Sceaux, Jean Foyer, qui se plaint d’une population pénale qui croît, il dénonce : « la lenteur incroyable des tribunaux, ce qui remplit les prisons de prévenus. (…). Un système trop libéral, avec des libérations conditionnelles sans réelles conditions. (…). On libère à tort et à travers pour avoir des places, et c’est vrai pour les pires, comme on l’a vu avec ce repris de justice qui a assassiné un malheureux policier alors qu’il devait être en train de purger sa peine ». Macron pourrait dire la même chose mais la bien-pensance droit-de-l’hommiste aurait tôt fait de dénoncer des propos fascisants ! En 2016 les travaux relatifs au service universel ont repris les idées du Général. Ce dernier, on le sait, accordait au service national un rôle éducateur et (surtout) intégrateur, nécessaire au brassage des couches sociales et à l’intégration dans un pays traditionnellement ouvert à l’immigration.
Sur l’Europe, les idées du Général sont toujours mises en avant par les souverainistes car elles sont toujours d’une pressante actualité. Il n’était pas du tout anti-européen. Simplement un eurosceptique clairvoyant. L’homme du 18 juin avait souligné les dangers d’une dérive supranationale dans une conférence de presse en novembre 1953 : « la France n’avait pas attendu les derniers coups de canon pour proclamer, avant tout autre État, sa volonté d’entreprendre l’organisation de l’Europe. (…) Il ne peut y avoir d’Europe qu’en vertu de ses nations, que, de par la nature et l’Histoire, notre continent est tel que la fusion n’y est que confusion (…) ». Cinq ans après être revenu au pouvoir, de Gaulle affirmait en janvier 1963 : « Notre politique (…), c’est de réaliser l’union de l’Europe. Mais quelle Europe ? Il faut qu’elle soit véritablement européenne ? Si elle n’est pas l’Europe des peuples, si elle est confiée à quelques organismes technocratiques, elle sera une histoire pour professionnels, limitée et sans avenir. L’Europe doit être in-dé-pen-dante ! ». Cinquante ans plus tard, après les remous qui ont agité (et qui n’ont pas fini de secouer l’Union européenne), la question reste posée. Nul ne peut dire le contraire.
Sur l’immigration aussi il voit clair tôt. Lors d’un Conseil des ministres en mai 1963, de Gaulle s’inquiétait du nombre élevé d’immigrants : « J’attire votre attention sur un problème qui pourrait devenir sérieux. Il y a eu 40 000 immigrants d’Algérie en avril. C’est presque égal au nombre de bébés nés en France pendant le même mois. J’aimerais qu’il naisse plus de bébés en France et qu’il y vienne moins d’immigrés. Vraiment, point trop n’en faut ! Il devient urgent d’y mettre bon ordre ! ». Les problèmes communautaristes se posent tous les jours en France. Les dérives islamistes menacent notre socle républicain. Des « émirats de la République (Comment les islamistes prennent possession de la banlieue, Les éditions du Cerf, 2020) s’installent selon F. Pupponi (ancien maire de Sarcelles et proche de DSK). Les partis extrémistes de droites et de gauche font, chacun dans son sens, flores de cette situation. De Gaulle ne redoutait rien d’autre !
Au niveau international le plus célèbre des Lillois avait aussi vu juste. Deux exemples : montée et reconnaissance de la Chine ; menace d’éclatement de l’URSS. Et le général de nouer avec ces blocs des rapports qu’aucun autre pays occidental osait.
On ne peut faire l’économie de dire combien il avait vu juste lorsqu’il décida de doter la France du nucléaire. Civil d’abord puis bien sûr militaire. A ce jour de Gaulle est le seul président à avoir fait le tour de toutes les centrales nucléaires. A Tricastin, en 1963, il déclare : « Nous avons décidé d’avoir ce qu’il nous faut. Et d’autant mieux, et d’autant plus, que cette puissance nucléaire comme on dit est liée directement à l’énergie atomique elle-même qui est comme vous le savez tous, le fond de l’activité de demain. » Cinq centrales furent mises en place sous ses mandats. Quant au nucléaire militaire, les premiers essais ont lieu en 1960, sous la présidence du général de Gaulle. Avec ce dernier on a la convergence d’une conception politique et d’un environnement stratégique. Pour de Gaulle, les mots ont un sens, en particulier le mot « souveraineté ». Cette notion juridique, pour lui, a une traduction politique : c’est l’indépendance nationale, condition sine qua non pour exister sur la scène internationale. Selon lui la France doit être « la nation aux mains libres ». Bref, il entend que la France fasse ce qu’elle a décidé, refuse qu’elle se confonde, refuse l’inféodation à une alliance et l’intégration au sein de cette alliance (d’où la non-participation au commandement intégré de l’OTAN). C’est par conséquent être intransigeant totalement sur la souveraineté nationale (Maurice Vaïsse, Le général de Gaulle et la souveraineté nucléaire dans Résistance et Dissuasion, 2018).
- Difficile d’avoir des visions lorsque l’on succède au Général ! Et pourtant un chef d’Etat se doit d’être visionnaire. Pompidou, en permettant l’entrée de la Grande-Bretagne en 1972 (par un référendum remporté de justesse), va en quelque sorte mettre le loup dans la bergerie. Cela mettra du temps, de nombreuses crises, mais le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, familièrement désigné sous le nom de « Brexit », a finalement lieu le 31 janvier 2020. Cela aura pris presque 50 ans pour que nos amis britanniques se sortent d’un système qui, finalement, les éloignait de leur grande-frère nourricier, les Etats-Unis. Il est quelques domaines où Pompidou anticipa des choses. Ainsi le 28 février 1970, il prononça un discours remarqué et inattendu sur l’environnement à Chicago. Certes, à l’époque, les préoccupations étaient plus d’ordre esthétique (les usines devaient être belles !) que réellement conscientes de la nécessité de protéger la nature (c’était l’époque du tout pétrole et du tout automobile).
Sur l’influence de son épouse, il fit entrer l’art moderne dans une nouvelle dimension. : « L’art moderne doit pouvoir être vu et connu du plus grand nombre », ce qui a abouti à la création du Centre Beaubourg en plein centre de Paris. L’esthétique laisse quand même à désirer ! Emprunt de modernisme quant au développement de la France, de très nombreuses réformes ont eu lieu pendant cette période en matière d’infrastructures : lancement de grands projets industriels étatiques, début d’un aménagement du territoire (création des régions administratives, des villes nouvelles, de nouveaux départements franciliens), construction du périphérique parisien, des voies sur berge à Paris et du tunnel sous Fourvière à Lyon (Sylvain Rakotoarison, Georges Pompidou, héritier et visionnaire, AgoraVox 2011).
- VGE n’avait pas à proprement parler une vision générale pour le pays. Il voulait instaurer une « société libérale avancée » d’essence essentiellement économique. C’est cette problématique qui l’habitait. Parmi les raisons de son départ, Chirac a aussi reproché une « manque de vision ». Fidèle à son slogan de campagne « le changement sans le risque », VGE a préféré entreprendre de vastes réformes qui n’ont d’ailleurs soulevé aucune des vagues comparables à celles qu’ont connues ses successeurs. Mieux encore, quelques-unes ont abouti avec le soutien des partis d’opposition, lui faisant caresser un court moment l’espoir de gouverner « avec deux Français sur trois ». On verra loin que le septennat de VGE est surtout marquant pas ses choix de société notamment (Pierre Albertini, Giscard d’Estaing un président visionnaire, RPP, septembre 2023).
Sur le plan international et de défense, il se conforme aux choix gaulliens. C’est en matière européenne que l’ancien maire de Chamalières va s’imposer par sa vision. De tous ses prédécesseurs (et même de ses successeurs) il est le plus européen avec une vraie vision. Il veut remettre le couple franco-allemand au cœur de l’Europe. Sa grande entente avec le chancelier Helmut Schmidt sera déterminante dans les années 70. Elle va cimenter l’Europe. VGE a compris avant tout le monde que l’essentiel des décisions européennes devaient être prises par les chefs d’Etat. Il se situe dans la tradition du Comité Fouché mis en place en 1961 (validé par le général de Gaulle) et du plan Monnet de 1973 (appuyé par Pompidou). Ainsi dès son arrivée à l’Elysée, de nouveaux chefs d’État et gouvernement participent au Conseil européen, il va œuvrer avec Helmut Schmidt pour que les grandes impulsions soient données par les chefs des exécutifs nationaux. Dès 1974 l’idée est posée par VGE de créer, comme le proposait le plan Monnet, une autorité européenne composée des chefs d’État et de gouvernement. Il ne manqua de souligner que, de 1969 à 1974, les dirigeants des Communautés ne s’étaient réunis que trois fois alors qu’ils avaient rencontrés à de nombreuses reprises les présidents des États-Unis et de l’URSS. Ainsi les deux principales conséquences du sommet de Paris des 9 et 10 décembre 1974 furent l’introduction de la périodicité dans les rencontres des dirigeants des États membres et la « banalisation » de ces réunions. « On peut en dire que nous avons assisté au dernier Sommet européen et que nous avons participé au premier Conseil européen » se félicita le nouvel hôte de l’Elysée (/www.touteleurope.eu/histoire/valery-giscard-d-estaing-reveur-d-europe ; 2/12/2021 ; Valéry Giscard d’Estaing, Europa, la dernière chance de l’Europe, préface d’Helmut Schmidt, 2014 ).
En matière sociétale VGE a vu qu’il était nécessaire de faire évoluer les Français. Ainsi parmi les grandes réformes : majorité à 18 ans, IVG, simplification du divorce. Et puis on ne saurait faire l’économie d’une des révisions constitutionnelles majeures depuis 1958 : l’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel aux parlementaires.
- François Mitterrand. Le natif de Jarnac a été de 1958 à 1970 l’opposant le plus résolu au général de Gaulle. Dans le « Coup d’état permanent » (Plon, 1964) il livre un pamphlet cinglant contre l’homme et sa politique. C’est la vision exclusive d’un opposant. Et puis, dès sa première candidature à la présidentielle de 1965, il se doit de trouver un programme car l’antigaullisme ne suffit pas. Pour ce faire, il crée une plate-forme politique, la Convention des Institutions Républicaines, dont il est le principal animateur. Mais, depuis le retrait (prémédité) de Defferre, il lui appartient de rassembler la gauche. Grâce à la neutralité du PC, il y parvient. Il n’y a aucune vision pour le pays. Mais, du fait de l’implication minimale du général, Mitterrand parvient contre toute attente au second tour. Il y est battu car le général fait (enfin) campagne notamment sur les fondamentaux qu’il veut maintenir pour le pays (grandeur, souveraineté, ordre, développement).
Mitterrand continue de revêtir les habits du principal leader de l’opposition. Mais seule la conquête du pouvoir le motive. Il n’a pas vraiment de vision pour la France. Ainsi en 1974 son programme est très (trop ?) axé à gauche puisqu’il est basé pour l’essentiel sur le Programme Commun teinté d’un peu de socialisme. Economie anticapitaliste avant tout ! Foin de données sur la politique internationale. Il devra même à plusieurs reprises se justifier de ne pas vouloir sortir de l’Alliance Atlantique au profit du bloc de l’Est !
Et puis 1981 arrive et consacre la victoire de Mitterrand. L’antigiscardisme a été un vecteur important de sa campagne. Mais pas uniquement. Il a fait campagne seulement en tant que socialiste. Lors du Congrès de Créteil de janvier 1981 (où il a notamment éliminé Rocard), le PS lui a concocté un manifeste dessinant un programme de gouvernement en 110 propositions. Charasse a révélé en 1996 (55 faubourg Saint-Honoré, Grasset) que c’est lui que Mitterrand avait chargé, peu de temps avant le Congrès, de rédiger un programme clair en plusieurs points. Ce que l’ancien ministre du Budget nous a confirmé verbalement. Mais l’essentiel de la campagne du futur président est bercé par le simple slogan politique « Changer la vie ». Même généraliste et vague, il y a là une vision. Et puis sur les conseils de J. Séguéla, les affiches du candidat vont revêtir un slogan qui va faire mouche dans l’opinion : la force tranquille. La communication de l’ancien maire de Château-Chinon, orchestrée par Jacques Pilhan, aussi par va se révéler bien meilleure et motivante que celle de VGE. Et puis Mitterrand va gagner car après 23 ans de droite, il y a un irrémédiable besoin de « changement » (autre argument massue du candidat socialiste). Ce dernier basé sur les fameuses 110 propositions va sceller le sort de VGE. Des thèmes vont toucher l’électorat notamment des jeunes de 18 ans (à qui ce dernier a accordé le vote !) : abolition de la peine de mort, réduction du temps de travail, nationalisations, IGF, privatisation audio-visuelle,…
On doit tout de même convenir que ces thèmes ne font pas réellement une vision. C’est plutôt une remise en cause systémique de ce qui se faisait avant. Les 110 propositions vont être dans une large mesure mise en œuvre. Mais au prix d’un déficit des comptes publics qui vont contraindre l’hôte de l’Elysée de quitter les rives des largesses pour celles de la rigueur en 1984.
Au niveau international il y a des propositions qui tranchent : une France ouverte sur le monde et surtout la défense du droit et solidarité avec les peuples en lutte ; désarmement et sécurité collective ; nouvel ordre économique mondial. Il est vrai que, les premières années, Mitterrand va essayer de s’y conformer. Mais la realpolitik va assez vite le rattraper. Sur l’Europe Mitterrand est un des présidents qui aura une vraie vision européenne. Il aspirait en 1981 à « une France forte dans l’Europe indépendante ». On peut dire qu’il a rallié la gauche à l’Europe. Son entente avec Helmut Kohl va permettre une stabilité à l’UE (« le geste de Verdun »). Ils vont être les acteurs de l’Acte Unique Européen (1986). En revanche Mitterrand n’a pas cru (vu venir ?) à la chute du Mur de Berlin en 1990. En 1991 c’est encore le couple allemand qui fait naitre le Traité de Maastricht.
En matière militaire Mitterrand reprit à son compte le legs gaullien. Même durant les cohabitations, il restera le maitre à bord. « La pièce maîtresse de la stratégie de la dissuasion de la France, c’est le chef de l’État, c’est moi » dira-t-il en 1983.
Son second mandat qui dure de 1988 à 1993, sur la base d’une réélection assez confortable face à J. Chirac, n’a pas été marqué par une vision spécifique. A la vérité il ne préside plus vraiment. D’abord il est malade et commence à fatiguer. Ensuite les législatives de 1988 lui amènent une majorité qu’il laisse gérer à son ennemi intime, M. Rocard. En 1993, en raison d’un situation économique difficile, sa majorité est battue et il connait une seconde cohabitation. La maladie l’éloigne du pouvoir jusqu’à son décès en 1995 à peine un an après son départ de l’Elysée.
- Chirac va se révéler être le dernier des présidents dotés d’une vision pour le pays. Pour son élection de 1995 il a décliné un volet social particulièrement dense. Inspiré notamment par P. Séguin, rappelons-nous du thème de l’ascenseur social en panne. Et la « fracture sociale » (E. Todd) qui en découlait. Son slogan « La France pour tous » (signée J. Pilhan) sera aussi un livre et le résumé de son programme. Il se positionne véritablement en gaulliste social ce qui plait au pays. Et pourtant il estime que « Le gaullisme sans de Gaulle, c’est vouloir faire du civet sans lièvre ». Le futur président obtient même le soutien (tacite) de Mitterrand. Jospin devait payer « le droit d’inventaire », comme Charasse nous l’a confirmé en personne. A peine élu, un des premiers signes forts que Chirac donne est l’expression d’une vision qu’il a depuis longtemps : réconcilier les Français avec leur histoire. Comme jamais un de ses prédécesseurs ne l’a fait. Le 16 juillet 1995, dans une allocution, à l’occasion du 53e anniversaire de la rafle du Vélodrome d’Hiver, Jacques Chirac reconnaît « la faute collective » de la France, et déclare : « ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français ». S’il est un président qui voulait le plus d’unité nationale possible ce fut Chirac.
En politique intérieure, il fait exécuter une politique sociale (retraites) de restrictions (nécessaires) qui va être assez vite rejetée. Les Français se délectent des rentes de situation et Mitterrand a donné des goûts de luxe en ce domaine. Avec une politique de restrictions des déficits orchestrés par A. Juppé, on a le terreau des grèves massives qui vont s’instaurer. Relation de cause à effet ? Fruit d’une vision ? Chirac décide de dissoudre en 1997 une assemblée où la majorité lui était pourtant favorable. Son premier mandat s’arrête là pourrait-on dire. Jusqu’en 2002, il a installé L. Jospin à Matignon qui va être le Premier ministre le plus puissant depuis 1958. Et là, hormis la politique étrangère et la Défense, « le roi est nu » à l’Elysée.
Chirac est un Européen moins convaincu que ses deux derniers prédécesseurs. Il veut d’abord faire respecter le traité de Maastricht. C’est sur la scène internationale qu’il est certainement le plus à l’aise et où il remet en cours une vision gaulliste. Ce sera le cas durant ses deux mandats. Il sera le dernier président à tenir le rang de la France qu’il incarne parfaitement et à savoir parler et négocier avec les grands dirigeants de la planète. La France aura à jouer à la fois de pionnier et de leader dans la création de ce nouvel ordre. Lequel, à moins de laisser place à un chaos qui pourrait s’avérer fatal à l’humanité tout entière, exigera plus de solidarité, de coopération et de respect entre les peuples, comme plus d’équité dans le partage des ressources et des richesses estime-t-il dans ses Mémoires. Refus de soutenir les Etats-Unis lors de la seconde guerre d’Irak (discours mémorable de D. de Villepin à l’ONU), menace de partir d’Israël suite à un incident dans une église, discours de Johannesburg, réactivation des relations avec la Russie, …. On en finirait pas de montrer que Chirac s’activa dans le domaine international. Au point d’être appelé « le Sage » par un grand nombre de chefs d’Etat.
Il en va de même sur les affaires militaires. Dès juillet 1995, il réactive les essais nucléaires puis les cesse en 1996. Par ailleurs contre toute attente il supprime le service militaire. On se rend compte aujourd’hui combien ce creuset inestimable manque…
Quant à l’Europe, sa vision est celle d’un ancien eurosceptique ! Sa conception fut même à géométrie variable. Il tenta le référendum de 2005 avec le résultat que l’on sait. La relation avec l’Allemagne fut fluctuante.
- La vision des trois présidents qui vont succéder à Chirac vont être étudiées de façon bien plus rapide du fait de leur efficience relative. En effet nous renchérissons volontiers sur Mitterrand lorsqu’il estimait qu’après lui il y aurait des financiers ou des comptables. En effet de Sarkozy à Macron ce fut çà. Certes le premier a été avocat. Après avoir prêté serment en 1981, il devient stagiaire puis collaborateur de l’avocat Guy Danet. Inscrit au barreau de Paris, il crée en 1987 le cabinet « Leibovici – Claude – Sarkozy. Domaine de spécialisation : le droit des affaires. Après avoir été élu député en 1988, le futur président continue son activité d’avocat d’affaires et propose des solutions fiscales à l’étranger à des clients fortunés comme Henri Leconte (en partie ruiné par un mauvais placement dans un paradis fiscal conseillé par N. Sarkozy ; David Servenay, « Quand Sarkozy l’avocat ne méprisait pas les paradis fiscaux », sur Rue89, 2 avril 2009). Dans le même temps le maire de Neuilly cultivera toujours une attirance certaine pour les milieux d’argent et du grand patronat. Au Fouquet’s, le soir de son élection tout le gotha financier et industriel sera présent, V. Bolloré en tête. Il devient le « président bling-bling » pour ses opposants et écorne durablement son image dans l’opinion (Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Le Président des riches, La Découverte, 2010).
Son mandat, s’il fut relativement réformateur, ne s’est en aucun cas appuyé sur une grande vision pour la France. Il n’est qu’à relire son programme. S’il parle de la France dans ses discours, il ne la connait pas vraiment. Et ses réformes furent essentiellement économiques et libérales. Toutefois on mettra à son crédit la révision constitutionnelle de 2007 instaurant notamment la QPC (Bastien François, La Constitution Sarkozy, Odile Jacob, 2009).
Il en va de même pour sa politique étrangère trop souvent erratique. On ne peut oublier ses relations rocambolesques avec la Libye de Kadhafi sur lesquelles on reviendra… Le discours, dans lequel Nicolas Sarkozy affirme notamment que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », a choqué par ses clichés sur l’homme africain et a contribué à dégrader l’image de la France en Afrique pour longtemps. Lors d’un sommet il essaiera de se frotter à Poutine qui le renverra, geste à l’appui, à la différence de taille entre nos deux pays…
On passera sur ses saillies verbales contre des Français anonymes (« casse-toi pov’con »). Aucun de ses prédécesseurs ne s’était abaissé à çà… De toute évidence il a dégradé la fonction qu’il occupait. Et puis lorsqu’on réécoute le débat du 2e tour de la présidentielle 2012, il n’y a rien. Le vide programmatique total. Aucune vision digne de la France. Ni d’un côté ni de l’autre. On a juste la preuve que Sarkozy n’y est plus qui encaisse passivement l’anaphore « Moi président » prononcée quinze fois par Hollande revigoré. Le degré zéro d’un débat présidentiel est atteint. D’ailleurs durant cette campagne, et notamment avant le second tour, le locataire de l’Elysée semblait étrangement résigné à sa perte (Eric Mandonnet, Ludovic Vigogne, Ça m’emmerde, ce truc. 14 jours dans la vie de Nicolas Sarkozy, Grasset, 2012).
François Hollande est le seul qui, depuis 1958, ne s’attendait pas à être président. En effet si DSK n’avait pas connu ses déboires judiciaires outre-Atlantique, il l’aurait emporté haut la main. Toujours est-il que lorsqu’on relit les discours de campagne de F. Hollande et son programme, on est sidéré par la vacuité en matière de vision pour la France. Ah si ! Il y a ce discours, ahurissant au XXIe, prononcé au Bourget en 2012, où il déclame : « Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance ». Peu après son élection, on constate que c’est la première fois qu’un président de la Ve République ne bénéficie pas d’un « état de grâce » (53 % d’opinion favorables à la rentrée 2017). Un fait est certain. F. Hollande a été élu faute de DSK et en raison du rejet de Nicolas Sarkozy. Double handicap dont son quinquennat ne se remettra pas.
Une fois élu Hollande ne manquera pas de s’adosser à ce dernier pour établir sa politique économique et financière. Pas de vision intérieure et quant à la scène internationale, il a certainement été le président le plus inefficient depuis 1958. « Sympathique mais pas plus. Poutine n’avait aucune considération autre que protocolaire pour lui. De toute façon le seul qu’il respectait c’était Chirac » nous confiera un ancien conseiller à l’Ambassade de Russie. Rappelons toutes ses hésitations protocolaires, ses discours à contre-courant souvent maladroits n’étaient pas au niveau d’un président français. On attribue à Jacques Chirac la phrase : « Je n’arrive pas à être président ». Elle irait beaucoup mieux à l’ancien maire de Tulle. Premier président de la Ve sans expérience gouvernementale, il commet l’erreur de choisir à Matignon quelqu’un d’encore plus inexpérimenté que lui, J.-M. Ayrault. Si bien que se met en place un binôme étrange et une sorte de social-libéralisme assez mal maitrisé. D’autant que F. Hollande se soumet d’emblée aux désidératas des écologistes. Et en premier lieu le début de la fermeture de Fessenheim puis la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 %. Autrement dit fouler aux pieds des décennies de souveraineté nucléaire de la France. Et il ose même avouer le 23 février 2023 sur RTL : « Les 50 %, c’est là où je suis franc, je crois, n’étaient le résultat d’aucune étude d’impact ou analyse de besoins ». Convenons que la franchise le dispute à l’amateurisme le plus achevé ! Nonobstant ce qu’il a pu dire devant la commission d’enquête sénatoriale sur la perte de souveraineté énergétique de la France (en gros « ce n’est pas ma faute »), ses deux décisions combinées ont pesé lourd dans le déclin de la filière nucléaire. Et elles ont considérablement alourdi, pour des années, notre facture électrique (notamment depuis la guerre en Ukraine).
Il a fallu les sinistres attentats de 2015 et 2016 pour que le président Hollande retrouve une posture qui se rapproche de ce que l’on est en droit d’attendre d’un chef d’Etat. Ainsi les attentats islamistes des 7 à 9 janvier 2015 vont être à l’origine d’un mouvement d’union nationale qui voit son niveau de bonnes opinions doubler. Il saura organiser à la suite de ces crimes la marche qui rassemble de nombreux chefs d’État étrangers. Dans le même contexte, à la suite des attentats du 13 novembre 2015, la cote de popularité de François Hollande augmente pour atteindre de 32 % à 50 % d’opinions favorables (selon les instituts de sondage et selon les questions posées), Il passe ainsi de 32 à 50 % d’opinions favorables en cet automne 2015, une majorité de Français juge l’action de Hollande « à la hauteur ». 2016 va être l’annus horribilis. Début 2016, sa popularité redescend à nouveau, en particulier lors des grèves et manifestations en France du printemps de la même année. Septembre 2016 seuls 6 % des sondés par l’institut Ipsos et par le Cevipof se déclarent satisfaits de son action. Du jamais vu depuis 1958. Et puis parait la publication de ses confidences hallucinantes dans Un président ne devrait pas dire çà (Gérard Davet, Fabrice Lhomme, Grasset, 2016). Hollande se livre, alors qu’il est encore en exercice, comme jamais ça n’avait été fait. Jamais un président de la République n’avait été poussé à se livrer à ce point. Langue de bois proscrite, conseillers restés à la porte, relecture refusée. François Hollande n’aurait pas dû « dire ça » ? En tout cas, nous, nous devions l’écrire disent les auteurs. Tout est dit sur un livre qui n’aurait jamais dû exister à ce stade d’un mandat présidentiel. Par certaines révélations sur les aspects nucléaires, F. Hollande relevait à notre sens du « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat » défini à l’article 68 et donc de la Haute Cour. Comble de son inanité politique, il refuse à se représenter à la présidentielle.
E. Macron avait bien préparé son coup dans le cadre de la présidentielle 2017. Peu l’avaient vu venir surtout pas F. Hollande qui refusait à croire ceux et celles qui lui prédisaient la trahison. Et le coup de Brutus a réussi pour que la Ve connaisse le plus jeune président de son histoire. Lorsqu’on relit le programme (tardif) du futur président, on n’est pas trop surpris de n’y voir aucune vision pour le pays. Mais ce pays, après tout, E. Macron ne le connait pas. C’est la première fois qu’un président n’a pas de mandat électoral. Banquier de formation (haut cadre chez Rothschild) il propose avant tout une déclinaison économique d’inspiration libérale avec quelques zestes sociaux. Une sorte de sociale démocratie à l’allemande. Politique étrangère ? Rien. Tout juste un peu d’Europe. Défense ? Rien.
Et dans l’exercice du pouvoir présidentiel, il va être avant tout durant son premier mandat le président des crises (Gilets jaunes, Benalla, Covid, Ukraine). Ce qui ne lui laisse guère l’occasion de fixer un cap. Notamment en politique étrangère où il voyage beaucoup mais de façon presque erratique. Et toujours le « en même temps » qui autorise tout mais ne signifie rien. Qui permet même parfois de « s’échapper » comme on dit en termes sportifs !
Lorsqu’il arrive au terme de son premier mandat, il se représente mais là encore sans avoir fixer de cap précis. S’il est réélu, il le doit essentiellement au vote anti RN.
3 – Les choix
“Gouverner, c’est choisir” nous rappelle le duc de Levis. Présider encore plus pourrait-on dire.
S’il est un président qui n’hésita jamais à faire des choix c’est le général de Gaulle. Avant l’Elysée : refus de l’Armistice, Appel du 18 juin. A l’Elysée : Algérie, élection du président par le peuple, développement du nucléaire, non à la gouvernance intégrée de l’OTAN, oui à la Chine et à l’URSS, oui mais aux Etats-Unis. Même lorsqu’il constituait un gouvernement les choix du général primaient sur ceux du Premier ministre. Bien entendu sur les postes régaliens ce dernier ne pouvait qu’acquiescer. D’ailleurs de nombreux témoins ont narré que la conception du général en matière gouvernementale était en quelque sorte se soumettre ou se démettre. Lors d’un Conseil des ministres de novembre 1965, Edgard Pisani alors ministre de l’Agriculture exprime quelques hésitations sur la politique agricole française et l’Europe. Réponse du chef de l’Etat : « M. le ministre de l’Agriculture a des états d’âme ? Il les surmonte ou bien il nous quitte ». On pourrait consacrer un article entier aux choix faits en maintes matières par le général de Gaulle. En matière institutionnelle, il a non seulement mis en place la Constitution de 1958 mais également su manier les principaux pouvoirs propres confiés au chef de l’Etat. Deux dissolutions pour retrouver une majorité (1962 et 1968), quatre référendums (1961, deux en 1962, 1969 ; l’Amiral de Gaulle nous confia en 1994 : « mon père était élu par référendum ! »), un article 16 (1961).
Alors oui, s’il en est un qui a choisi (non sans avoir eu parfois des hésitations comme en mai 1968) ce fut le général de Gaulle. « Il faut choisir et l’on ne peut être à la fois l’homme des grandes tempêtes et celui des basses combinaisons. » écrivait-il à son fils.
Georges Pompidou a parfois eu à subir certains choix du prestigieux locataire de l’Elysée qui lui avait confié Matignon. Il sut parfois s’y opposer. Ainsi lors de la crise de 1968 (référendum et usage de la force contre les étudiants sont évités). Une fois à l’Elysée, G. Pompidou va se révéler homme de convictions. Selon E. Balladur qui fut secrétaire général de l’Elysée et très proche du natif de Montboudif : Georges Pompidou n’était pas épris de doctrine. Il avait quelques convictions fondamentales : la France devait être plus forte afin d’être plus influente dans le monde, d’assurer aux Français progrès et justice sociale. A tort on a dit que G. Pompidou était « l’homme du compromis ». Il a su négocier à Matignon les accords de Grenelle, à l’Elysée l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE. C’est en matière industrielle qu’il fit des choix essentiels : TGV, Airbus, développement du Concorde. Il amplifie les choix gaulliens sur le nucléaire. S’il fut professeur de Lettres, il est aussi ancien banquier. Dès lors il modernise l’économie. Cantalien de naissance, il est épris des problèmes d’agriculture. Il décide de moderniser celle-ci en favorisant l’agro-industrie. Dans le même temps, il lance les premiers labels et appellations d’origine. De même c’est G. Pompidou qui décide (contre bien des avis à l’époque) de créer un ministère de l’Environnement. Enfin amoureux de l’automobile (« la bagnole ») il soutient son développement déjà largement entamé dans les années 1960. Il subit en 1973 la première grande crise pétrolière du XXe. Sur le plan insititutionnel s’il n’a pu instaurer le quinquennat, il avait une conception assez restrictive du locataire de Matignon : « le Premier ministre, comme son nom l’indique, n’est que le premier des ministres ».
On peut résumer la capacité de choix de VGE à la première phrase de son discours de Verdun-sur-le-Doubs en 1978, devant 25 000 personnes, à la veille de législatives périlleuses pour la droite : « Je suis venu vous demander de faire le bon choix pour la France. » Il y a là toute la nature de son engagement pour un scrutin sensible. Le Président veut à tout prix éviter la cohabitation. Son discours exprime très clairement le choix entre deux types de société : socialo- communiste ou libérale avancée. Tous les spécialistes électoraux de l’époque se rejoignent pour souligner le caractère décisif des mots du chef de l’Etat. La droite, de justesse, l’emporte. VGE va être le premier président à faire des choix sociétaux capitaux : IVG (avec le relais inestimable de Simone Veil), majorité à 18 ans (terreau de sa défaite en 1981), divorce par consentement mutuel (qui libère des milliers de Français d’un fardeau), réforme du Conseil constitutionnel (ouvert à la saisine parlementaire), libéralisation de l’ORTF (commencée sous Pompidou). Pour l’avoir rencontré une fois pour un ouvrage, on peut attester que VGE a assumé clairement ces choix, « décisifs pour le pays ». Nous nous rappelons cette phrase : « Voyez-vous. A ce niveau de responsabilités, si on ne choisit pas, on n’y arrive pas ». Sur l’abolition de la peine de mort, il déclara « Je souhaite que le législateur se saisisse le moment venu de ce problème », dira Valéry Giscard d’Estaing en 1976 au moment de l’exécution de Christian Ranucci dont il refusa la grâce. Il en fit de même pour deux autres prisonniers. Il nous avoua qu’il fit ces choix difficiles en son âme et conscience estimant que le pays n’était pas apaisé sur ce point. Il fit aussi des choix économiques difficiles, notamment parce qu’il avait à gérer les deux chocs pétroliers qui réduisent à néant les Trente Glorieuses. Il nous narra le rôle précieux et l’expérience de R. Barre qui dut mettre en place une politique d’austérité sans précédent. Il amplifia aussi la politique nucléaire française (Superphénix).
En matière de « domaine réservé » VGE maintient le cap de ses prédécesseurs en poussant le curseur sur l’Europe. C’est le chef de l’Etat qui est à la manœuvre. Par exemple c’est lui qui décide l’envoi de troupes au Zaire (Kolwezi). La plupart des candidats ont une vision inexacte de la fonction présidentielle. Ils croient que le président de la République exerce un pouvoir personnel. Nous sommes en démocratie. Le président tient ses pouvoirs de la Constitution qui le charge des grandes orientations gouvernementales (VGE).
En tant que garant de la première alternance depuis 1958, F. Mitterrand a proposé des choix forts aux électeurs en 1981. On en a vu l’essentiel ci-dessus. Sociétaux, économiques, industriels, culturels, il a imposé un certain nombre de choix qu’il a fait exécuter en bonne et due forme. Lorsqu’il subit la première cohabitation, il entend bien garder sa capacité de choix. Par exemple sur J. Chirac. Par exemple sur certains ministres qu’il refuse (ex : F. Léotard). Par exemple en refusant de signer certaines ordonnances remettant en cause sa politique sociale. Durant son second mandat, il aura les coudées moins franches puisque les Français lui donneront une majorité relative en 1988. Lorsqu’il choisit Rocard à Matignon (alors que certains, comme Charasse, lui déconseillent) Mitterrand a une des phrases vipérines comme il les affectionnait : « Rocard ? Vous verrez, au bout de quinze mois, on verra au travers ». Les années Rocard mais aussi de ses successeurs (E. Cresson, P. Bérégovoy) vont être un peu comme des chemins de croix car la situation économique et sociale se dégrade beaucoup. C’est ce qui explique qu’en 1993 sonne l’heure de la seconde cohabitation. La majorité de droite est massive et Mitterrand n’a guère d’autre choix que d’appeler E. Balladur. Pendant ces deux dernières années de mandat, le seul choix que le président possède vraiment c’est celui d’apaiser au mieux sa souffrance (son cancer le ronge) et de préparer l’ « après ». C’est peut-être face à cette maladie incurable que l’homme de Latché a exercé le choix majeur de sa vie. Personnage charismatique et énigmatique, François Mitterrand a fait de sa vie un livre impénétrable jalonné de secrets – son cancer, longtemps démenti, en était le plus obscur et le plus dangereux car loin des apparences, la maladie était là dès son entrée à l’Elysée en 1981. La suite ne fut qu’une fuite en avant : entre déni, mensonges et omissions. Comme nous l’a dit Charasse « c’était un choix qu’il fallait respecter à tout prix ». Comme le secret ne pouvait plus être gardé (il y avait des fuites…), c’est l’intéressé lui-même qui, opéré une première fois en septembre 1992, avait alors évoqué publiquement sa maladie.
On pourrait également évoquer un autre choix, toujours tenu dans le secret, sa fille Mazarine. Charasse mais aussi de Grossouvre étaient les gardiens vigilants de celui-ci. En 1994, la révélation au grand public de la deuxième famille du président de la République en exercice et de l’existence de Mazarine, sa fille cachée, alors que leur existence était devenue un secret de Polichinelle, a fait l’objet d’une très large couverture médiatique. Mais là encore c’est l’Elysée qui a géré les choses. Sa vie privée, son parcours sous « Vichy », son amitié pour Bousquet, ce sont autant de choix que Mitterrand avait tenu secret autant que possible et que, fin de mandat et de vie aidant, il a choisi de révéler. Et d’assumer. En tout cas toute sa vie, il s’est fait une certaine idée de la liberté. “Ma liberté ne vaut que si j’assume celle des autres. La liberté de nos adversaires n’est-elle pas aussi la nôtre ?”
Avec J. Chirac commence à se dessiner une période de choix parfois erratiques. On le redit ici durant son premier mandat il n’a été réellement président que 2 ans. En effet élu en 1995 il bénéficie d’une majorité qui même « balladurisée » devait lui être fidèle. Sur les conseils notamment de MM. Juppé et de Villepin, il fait le choix de dissoudre cette majorité en 1997. Mal lui en prend puisque cette décision entraine la troisième cohabitation de la Ve. Il n’a pas d’autre choix que d’appeler L. Jospin à Matignon. Dorénavant voilà un président totalement isolé à l’Elysée qui n’a plus qu’à observer l’évolution d’un Premier ministre à qui tout réussi ou presque. Et Chirac n’a plus d’autre choix. On peut rappeler qu’il fait le choix du quinquennat (qu’il a souvent combattu) et met en place, sur demande de L. Jospin, le référendum de 2000. Il garde aussi la main sur la diplomatie et la Défense. Mais il existe une loi d’airain selon laquelle la cohabitation nuit politiquement à celui qui est à Matignon et qui veut l’Elysée (Chaban, Chirac en 1981 et 1988, Balladur en 1995 et Jospin en 2002). En revanche elle sourit au président sortant (Mitterrand en 1988 et Chirac en 2002).
Durant ce second mandat, le héraut corrézien ne va pas vraiment impulser de choix fondamentaux.
Ses Premiers ministres (MM. Raffarin et de Villepin) vont être à la manœuvre notamment en politique intérieure. On sait que suite à son AVC en 2005, l’état de santé de J. Chirac s’était dégradé et faisait l’objet de nombreuses questions notamment quant à l’exercice de sa présidence. Et lors de la crise des banlieues en 2005, il nous a été donné d’apprendre d’un de ses ex conseillers que c’est essentiellement D. de Villepin, alors à Matignon, qui avait pris les affaires en mains. La capacité de réaction du président était parfois un peu émoussée. Même N. Sarkozy salua l’action de son rival !
Toutefois c’est un bon choix que l’ancien député de Corrèze a fait quant au référendum sur l’Europe de 2005. La victoire du Non est sans appel. Mais temporaire. La France s’est démocratiquement exprimée. Vous avez majoritairement rejeté la Constitution européenne. C’est votre décision souveraine. J’en prends acte déclare Chirac. Le mandat de ce dernier a été marquée par une exigence environnementale certaine. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » déclare-t-il au sommet de Johannesburg en 2002. Dès lors conseillé par Y. Coppens et N. Hulot en particulier, il choisit de faire inscrire dans la Constitution la Charte de l’Environnement en 2003. Également c’est Chirac qui choisit (contre l’avis de certains de ses proches) d’impulser une révision constitutionnelle en 2007 qui consacre notamment la loi DALO, la procédure de destitution du président et la possibilité de le poursuivre pénalement à l’issue de son mandat (il en sera, le premier, victime).
Les trois successeurs de Chirac vont pratiquer une règle dont un de nos vieux maitres aimait à annoter certaines copies : TCD (Touffus, Confus, Diffus). Il va de soi que ce type de remarque situait la note entre 5 et 7 ! Selon le Larousse, touffus (sens figuré) : signifie qui présente en peu d’espace trop d’éléments abondants et complexes. Confus : qui est embarrassé par pudeur, par honte. Diffus : qui est répandu dans toutes les directions ou, plus littéraire, qui délaye sa pensée.
N. Sarkozy va faire un choix essentiel voire existentiel. Le lendemain de son élection sur TF1 il déclare tout de go : « J’ai été élu pour faire quelque chose sur tout ». Et de pratiquer, comme aucun de ses prédécesseurs, ce qu’on a appelé « l’hyperprésidentialisme ». Même l’hôte de Matignon (F. Fillon) est relégué au rang de « collaborateur ». Donc rien ne doit échapper au chef de l’Etat. Et il s’y emploie ardemment. Comme nous le confiera un de ses anciens collaborateurs, « il avait un rythme effréné que bien peu pouvaient suivre. Et pourtant il le fallait ». A ce titre il comparera, avec une rare élégance, ses prédécesseurs à « des rois fainéants ». On n’en finirait pas de montrer les choix TCD de l’ancien maire de Neuilly. Le référendum de 2005 a fait échouer l’Europe ? Qu’à cela ne tienne, il secoue ses autres collègues européens et impulse l’adoption du Traité de Lisbonne par le Parlement en 2007. Des infirmières bulgares sont détenues dans les geôles libyennes depuis 1999 ? Personne n’a rien fait ? Lui va faire. Et de se rapprocher via une délégation menée par son épouse (à l’époque Cécilia) du dictateur fou de Tripoli alias Kadhafi. Le coup est réussi. Pour récompenser ce dernier, on va lui réserver un accueil en grandes pompes à Paris en 2007 au cours duquel ce tortionnaire va laisser libre cours à tous ses caprices (Versailles visité la nuit par ex). Il faut stopper le rais qui mène son pays à sa perte ? Qu’à cela ne tienne, sur ordre de l’Elysée des agents français vont aider à déstabiliser le régime et des soldats français participent à son élimination physique en 2011. La France s’est trop éloignée des Etats-Unis ? N. Sarkozy décide de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. A la fin de son mandat, il y avait dans le pays un ras-le-bol certain de ce président hyperactif. C’est une des explications profondes de sa défaite à la présidentielle. Lui qui disait en 2004 : “Quand on a le sentiment que le temps est compté, on agit plus et plus vite.”….
Les problèmes de choix semblent être consubstantiels à la personne de F. Hollande. En 1992 lorsque F. Mitterrand cherche un nouveau ministre en charge de l’Environnement, il s’adresse à Ségolène Royal et non à son compagnon. Comme nous l’a confié Charasse, entre les deux pour Mitterrand il n’y avait pas photo. Peu avant la présidentielle de 2007, l’ensemble des sondeurs donnent DSK comme grand favori pour porter les couleurs du PS et surtout gagner. Même premier secrétaire du parti, le nom de F. Hollande n’apparait même pas dans la compétition ou alors à 5 %. Et puis se produit l’« affaire du Sofitel » de New-York et DSK disparait des écrans radar. Faute de mieux, et puisqu’il a les rênes du PS, c’est F. Hollande qui, par défaut, va être vainqueur de la primaire socialiste. Le principal intéressé avouera d’ailleurs : « Le retrait de DSK en 2011 m’a coûté politiquement ». Et il va de soi que son mandat a été « plombé » aussi par cette situation inédite. Un ancien ministre, proche de l’ancien maire de Tulle, nous a confié que, le grand problème de celui-ci est qu’« il ne sait pas décider et quand il dit oui à un interlocuteur , il est capable de dire le contraire à un autre par la suite ». Beaucoup d’observateurs se rejoignent sur ce point. Ainsi Thomas Legrand, journaliste proche de l’intéressé, ne dit pas autre chose : « En fait il y a pléthore de domaines sur lesquels on ne sait pas quelle est la position profonde de François Hollande… Et beaucoup de gens, même autour de lui, n’en savent pas plus ! Au moment du mariage pour tous, il n’a jamais eu de mots enthousiastes pour défendre ce texte et on avait l’impression qu’il y allait à reculons, plus pour tenir une promesse qui ne coûte rien que par conviction ». Quant à la gestion des attentats, plutôt à son crédit, il s’est révélé plutôt sur une ligne de fermeté. La question a été pourtant posée de savoir si c’était l’expression d’une conviction profonde ou une façon de contrer la popularité forte de son ministre de l’Intérieur (M. Valls) qui incarnait cette tendance ?
On ne fera bien sûr pas l’économie du choix fait par F. Hollande de ne pas se représenter. C’est la première fois depuis 1958 que cela se produit. Incontestablement ce renoncement présidentiel signe l’échec du président socialiste élu en mai 2012. C’est l’échec d’un homme mais c’est aussi celui d’un quinquennat. A quelques détails près, il reste pour l’histoire ce qu’Éric Zemmour appelle « Un quinquennat pour rien » (Albin Michel, 2016).
M. Valls évoquait récemment le manque de sens du second mandat d’E. Macron. Tout porte à croire qu’il en a été de même pour le premier. En tout état de cause, les évènements ont fait en sorte que ce dernier soit avant tout le quinquennat des crises : Gilets jaunes, Covid, Ukraine. Les seuls choix qui se sont imposés à l’hôte de l’Elysée, furent ceux de répondre aux dites crises. Et de laisser ses engagements de campagne entre parenthèses. Le Covid est un exemple de choix hésitants voire aberrants (ex : fiasco des masques). Dès le début de la crise E. Macron se déplace à l’IHU à Marseille voir le professeur Raoult dont la réputation mondiale d’infectiologue n’est plus à faire. Le président est séduit et on dit qu’il aurait même eu recours à l’hydroxychloroquine. Puis la pression des grands labos le fait changer d’avis et le professeur marseillais devient persona non grata.
La crise Covid impacte fortement notre économie. Le président choisit (comme souvent face aux crises) de faire marcher les manettes financières. Et c’est le quoiqu’il en coûte et son addition de plus de 250 milliards. Le conflit en Ukraine a confirmé ce que l’on avait perçu depuis 2017. C’est-à-dire une politique étrangère totalement erratique. Ainsi le dernier déplacement à Moscou durant lequel E. Macron a été traité par Poutine comme un simple ambassadeur (Poutine a 1 heure de retard, table de 5 mètres entre eux). Il n’a fait changer en rien le choix du tsar de Russie. Quant aux appels téléphoniques à ce dernier, un ex-conseiller de l’Ambassade de Russie nous a indiqué que Poutine le prenait une fois sur deux et cela ne durait pas longtemps. On passera sur la confusion qui règne sur les rapports avec l’Afrique (Maghreb compris). Le président n’a aucun vrai grand dessein sur la scène internationale. En matière militaire l’éviction du général de Villiers dès juillet 2017 ne le place pas dans le Panthéon présidentiel des militaires !…..
Le second mandat d’E. Macron se distingue d’abord par le fait d’avoir été élu encore une fois par rejet de M. Le Pen. Ensuite il y a la nomination d’une femme à Matignon (E. Borne) qui est plus l’expression d’une absence de choix qu’autre chose. Mais se dessine là une constante dans les nominations gouvernementales macroniennes. En moyenne quinze jours. Et pour ce qui est des ministres de moyen exercice ou des secrétaire d’Etat, c’est plus de 3 semaines en cet hiver 2024 ! Record depuis 1958. Ce second mandat se distingue aussi par la présence d’une majorité relative à l’Assemblée qui condamne le gouvernement soit à des compromis, soit à des 49-3. Et enfin, le sort s’acharnant, c’est le retour des crises avec celle des banlieues au printemps 2023 et plus récemment celle des agriculteurs. Dans son ouvrage Révolution (2017) le candidat Macron nous disait : « La règle envahit tout, parce qu’il est plus commode d’écrire une loi ou un décret que d’indiquer une direction ». Les lois se multiplient comme jamais, les décrets pleuvent. Mais, M. le président, on n’a toujours pas de direction…..
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public des Universités
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