Ce d’autant plus que les déclarations récentes du Président de la République sur le possible envoi de troupes françaises au sol ont créé ces derniers jours une onde de chocs et de troubles au-delà du seul Hexagone. L’atmosphère qui s’installe depuis plusieurs semaines est inquiétante.
L’agression russe ne peut en aucun cas légitimer des décisions à la « va-vite », des propos parfois à « l’emporte-pièce », des comparaisons hâtives et paresseuses.
Madame Von der Leyden qui ne cesse de sortir de son rôle depuis des mois vient de déclarer peu ou prou qu’il fallait se préparer éventuellement à la guerre… Ce n’est pas à elle de le dire, encore moins de le décréter, certainement pas de nous y préparer. La dérive poutinienne ne peut justifier aucunement qu’en Europe d’aucuns y répondent par des initiatives inconsidérées. Tout se passe pourtant comme si de manière mécanique la montée aux extrêmes dessinait sa spirale inéluctablement belliciste. Jusqu’où ? Jusqu’à quand ? Si un début d’enseignement historique se profile, ce n’est pas tant au prisme de la seconde mais plus vraisemblablement de la Première Guerre mondiale qu’il faut lire les événements auxquels nous sommes confrontés..Les voix qui parmi les responsables s’essaient à la nuance sont tout de suite suspectées si ce n’est « d’intelligence avec l’ennemi », tout au moins d’aveuglement, voire de complaisance. Non seulement il faudrait se résoudre à l’engagement guerrier, mais il faudrait le faire sans s’interroger et donc sans débattre. Ce n’est pas en intimidant que l’on fait droit à la raison, encore moins que l’on convainc.
A l’épreuve des autocrates, rien ne saurait pire que d’abdiquer nos principes et nos valeurs. L’unité n’est pas l’unanimisme.
Et c’est l’un des effets de la politique de Vladimir Poutine que de fragiliser le fonctionnement de nos démocraties, non pas tant par le bas, par la société en quelque sorte, que par le haut, en amenant certains dirigeants occidentaux et certains de leurs relais à céder à la tentation de la fuite en avant en s’affranchissant toujours plus non seulement des règles les plus élémentaires de prudence, mais également des procédures inhérentes au fonctionnement régulier des démocraties et des peuples souverains. De ce point de vue, l’insistance tous les jours plus affirmée de la Présidente de la Commission européenne de s’arroger des prérogatives pour lesquelles elle ne dispose d’aucun mandat, autre que celui qu’elle entend se donner à elle-même sans aucune légitimité, constitue l’une des conséquences du cynisme du Maître du Kremlin, le camp de la liberté tendant à se défaire ainsi par le sommet, dans une escalade tout autant de paniques que d’injonctions à consentir à des positions et à des évolutions institutionnelles qui n’autoriseraient aucune mise en débat. La protection de l’Ukraine, aussi légitime soit-elle, ne peut servir d’alibi à des orientations politiques auxquelles les peuples européens n’ont pas nécessairement consenti…
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne