Trois blocs s’affrontent : la gauche unie, le centre macroniste, le Rassemblement national et ses alliés ciottistes. Le niveau de participation électorale devrait être largement supérieur à celui des dernières élections législatives de 2012, 2017 et 2022. Il pourrait avoisiner celui des élections de 1997 (67 % au premier tour, 71 % au second tour), elles-mêmes issues de la dissolution à laquelle avait procédé alors Jacques Chirac. Cette mobilisation importante laisse présager d’un entre-deux tours où pourraient se multiplier les triangulaires et dans la perspective de ces dernières, les questionnements des états-majors du bloc de gauche et du bloc macroniste sur l’attitude à adopter quant au Rassemblement national ne manqueront pas à nouveau de se poser.
Pour la première fois, force est de constater que la stratégie du front républicain est en passe de céder, et ce sera l’un des enjeux de ce scrutin de mesurer sa capacité à s’opposer à la dynamique électorale du RN.
Cette dernière puissante socialement, territorialement, générationnellement pourrait profiter de plusieurs facteurs : l’élan de sa large victoire lors des élections européennes est susceptible de transformer en élection de confirmation les législatives d’une part mais également d’autre part les difficultés propres à ses concurrents immédiats peuvent en creux renforcer l’avantage pris le 9 juin. En effet, les fractures qui existent au sein du Front populaire d’un côté et l’érosion du pouvoir sortant de l’autre qui se double dans les rangs du macronisme de l’incompréhension liée à la décision de dissolution prise par le chef de l’Etat, constituent de facto deux paramètres favorisant le camp le plus en ordre de marche dans cette compétition des trois blocs. Last but not least, le vote RN s’est transformé au cours des ans : de force protestataire, il s’est mué en force d’alternance. C’est à ce carrefour existentiel que le pays est désormais confronté.
Reste néanmoins à ne pas mésestimer la résilience du local. L’élection législative est prioritairement nationale et ce sont des rapports de forces nationaux qui la déterminent. Mais elle peut aussi dans chacune des 577 circonscriptions être traversée par des propriétés de terrain : implantation et notoriété des candidats, problématiques inhérentes au territoire, histoire politique de celui-ci, etc. Ces ingrédients peuvent également opérer quand bien même la conjoncture hexagonale est au principe des mobilisations. Il faudra scruter de près au soir du premier tour le potentiel impact de ces configurations dans l’émergence ou non d’une potentielle majorité.
Car l’ultime enjeu, et non le moindre, consiste à rendre gouvernable un pays qui s’enfonce dans le risque de ne plus l’être.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université