C’est une adresse à la France des territoires, de cette France périphérique des sous-préfectures et autres cantons excentrés que le nouveau Premier ministre a lancé lors de son discours de politique générale.
Jean Castex a voulu imposer son style, sa marque, loin des interprétations qui ont vu en son accession à Matignon celle d’un profil exclusivement technocratique qui ne ferait pas d’ombre au chef de l’Etat. Il est bien évidemment trop tôt pour dire la place réelle qui sera celle du nouveau chef de gouvernement au sein du couple exécutif. Force néanmoins est de constater que Castex est promu, d’aucuns diront « vendu » comme le correcteur des absences du macronisme des origines.
Ce sont deux qualités présumées qui de fait sont mises en avant pour souligner le tournant que constituerait la nomination à la tête de la majorité de ce maire d’une petite commune de 6 000 habitants, Prades dans les Pyrénées-Orientales : le social et le terroir. L’un et l’autre se sont confondus lors de la révolte des Gilets jaunes, car c’est bien le déclassement des territoires qui a provoqué la révolte sociale de l’automne 2018. Les angles morts d’une « start-up Nation », remisée au demeurant au rang d’un lointain souvenir, doivent être en quelque sorte « décornérisés » pour rattraper le temps perdu, pour réparer une image présidentielle associée à celle de « président des riches », à une forme d’indifférence à ceux qui loin d’être des vainqueurs de la mondialisation en sont souvent devenus par leurs sacrifices et leurs souffrances la variable d’ajustement.
Les accents sémantiques couplés à l’accent « tout court » de Jean Castex ont pour vocation fonctionnelle de renouer le lien avec ces Françaises et ces Français « qui ne disent rien, mais n’en pensent pas moins » pour reprendre le mot du nouveau locataire de Matignon à la tribune de l’Assemblée nationale. En creux, ce design « communicant » résonne comme une critique ombrée du prédécesseur de Jean Castex, dont pourtant une majorité de Français a loué la bonne tenue dans la gestion du déconfinement.
Cet infléchissement reste pour l’instant tout d’image, de posture et s’il n’était pas accompagné très vite d’actes et de preuves, voilà qui ramènerait à nouveau le pouvoir du moment à sa plus grande fragilité : l’insincérité.