Au Liban, Emmanuel Macron a confirmé l’esprit communicant qui règne au plus haut niveau du pouvoir depuis le remaniement ministériel. Il faut occuper le terrain, tout le terrain durant la pause estivale.
A l’instar de son Premier ministre qui multiplie les raids médiatiques ou de son ministre de l’Intérieur qui s’efforce d’être présent partout où l’insécurité gagne, le Président de la République est déjà sorti deux fois de son lieu de villégiature pour s’exprimer publiquement : une première fois lors d’une rencontre, au domicile d’une vieille dame, sorte d’avant-propos scénique préfigurant l’annonce quelques heures plus tard d’une aide financière aux auxiliaires de vie, la seconde à l’occasion du drame qui frappe la capitale libanaise.
Cet activisme communicant de l’exécutif, au cœur de l’été, traduit d’abord le retour de la confiance du Président… en lui-même, après que quelques études d’opinion aient indiqué une sensible remontée de sa popularité. La sursaturation médiatique à laquelle s’adonne le chef de l’Etat, au travers de sa propre personne ou via son chef du gouvernement et ses feudataires les plus régaliens, n’a d’autre objet que de pousser l’avantage dans un contexte ou pour la première fois depuis l’affaire Benalla, le chef de l’Etat est en mesure de retrouver quelques pouces de terrains dans la maîtrise d’un agenda politico-médiatique qu’il ne contrôlait plus vraiment jusque-là. Sans doute l’idée est-elle de capitaliser, thésauriser en crédit d’image avant une rentrée qui devra encaisser le double choc des conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire.
À cette guerre de mouvement se greffe la volonté d’imposer une nouvelle représentation du pouvoir, après trois années de postures clivantes, et de lester le mandat de valeurs sûres comme celle des territoires, du social ou du régalien, loin des virtualités parfois insolentes de “la start-up nation”, figure désormais remisée dans les caves du quinquennat. L’adjuvant Castex fonctionne ainsi à plein régime pour dissiper les aspérités de réputation de la macronie ; il a même pour fonction in fine de faire oublier tout court la macronie “historique” à la France des périphéries, des classes moyennes et populaires, de ceux qui ne sont rien et qui pourtant firent tenir le pays au plus fort du confinement. Tout se passe comme si le chef du gouvernement agissait comme le detox communicant de trois années d’incommunication entre le Président, sa majorité et son peuple.
Le chaînon manquant que le nouveau locataire de Matignon constitue désormais n’en demeure pas moins confronté dans ses efforts au risque de retour permanent de l’hubris présidentielle. À Beyrouth, dans un étrange court-circuit où voulant capter la colère du peuple libanais il a suscité l’impression de piétiner la souveraineté du Liban, Emmanuel Macron a laissé échapper encore une fois cet inconscient que sa communication ne parvient décidément pas à contenir. En quelques secondes, ce flash-back communicant est venu rappeler les heures les plus allergisantes du macronisme d’hier…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef