Les municipales sont des élections intermédiaires traditionnellement délicates pour le pouvoir en place. Celles qui se profilent à l’horizon du mois de mars s’avèrent particulièrement complexes pour la majorité et le pivot de cette dernière, à savoir La République en marche.
La caractéristique du parti présidentiel est d’avoir remporté la mise en un seul coup, par le haut. Issu de rien ou presque, la formation créée de toute pièce par Emmanuel Macron s’est hissée au faîte de l’Etat, bousculant l’échiquier des vieilles offres de gouvernement. Cette réussite exceptionnelle s’est payée néanmoins d’un coup : l’absence de maillage territorial.
C’est à ce défi que sont confrontés les Marcheurs. Et ce défi se lève dans les pires conditions : impréparation, mécontentement social, difficulté de l’exécutif, soupçonné de volonté de recentralisation, avec le local. Les sociologies les plus favorables, les grandes métropoles urbaines, risquent de leur échapper, faute d’avoir anticipé les spécificités du scrutin municipal qui nécessitent incarnation et savoir-faire de terrain. Les déchirements parisiens entre Benjamin Griveaux d’un côté, Cédric Villani de l’autre illustrent à l’incandescence ce déficit.
L’affrontement interne à Paris dit aussi quelque chose d’une scission plus profonde au sein même de la majorité.
Une partie de son aile gauche, la plus idéaliste sans doute et dont le mathématicien est l’une des figures, ne se retrouve plus tout à fait dans la pratique de l’exécutif. Par-delà le cas spécifique de la capitale, les difficultés annoncées de la République en marche à la veille de ce scrutin signifient sa méconnaissance du terrain. Plus que jamais, le parti présidentiel ne répond plus, confortant ce sentiment d’être une entreprise de l’éphémère qui aurait su capter, le moment venu en 2017, une circonstance exceptionnelle dont il n’est pas parvenu à faire fructifier le capital miraculeux.
Les municipales sont de ce point de vue une épreuve de vérité. La start-up n’essaime pas. Elle se heurte au plafond de sa virtualité. Elle a agrégé de manière plastique mais sans enraciner. Les problèmes rencontrés pour trouver des candidats, les tergiversations quant aux alliances à nouer – un coup à droite, un coup à gauche ; la circulaire visant à ne pas comptabiliser les couleurs politiques dans les communes de moins de 9 000 habitants, autant de phénomènes qui à l’œil nu trahissent une forme d’inexpérience.
Les Marcheurs ont oublié le réel qui est celui du terrain.
Or comme l’écrivait Hegel, “le réel c’est ce qui résiste”. À ce jeu le scrutin municipal à venir risque de se transformer en vote de résistance à l’irénisme naïf d’une majorité qui, à force de croire au slogan marketé du “nouveau monde”, se trouve confrontée aux invariants du “vieux monde” républicain.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef