Cette semaine, Arnaud Benedetti revient sur la communication du gouvernement, dont la crise de la Covid-19 révèle les contradictions.
C’est bien plus un gouvernement qui donne le sentiment de naviguer à vue que de piloter ” chirurgicalement ” la situation qui, à ce jour, se dégage . La réalité est sans nul doute infiniment complexe car il faut arbitrer entre la nécessité de sauver l’économie, de préserver la cohésion sociale et de protéger la population . Elle est d’autant plus complexifiée que la parole médicale et scientifique est fracturée comme jamais, cédant à l’ivresse de la controverse qui parvient mal à dissimuler parfois de sournoises luttes de pouvoir .
Pour autant, force est de constater que l’Etat n’a pas forcément tiré tous les enseignements de ce qu’il faut bien appeler la première crise sanitaire , celle qui au Printemps dernier a mis le pays à l’arrêt, à l’instar de la plupart de nos voisins . Depuis, s’installe l’idée que la France n’apparaît pas en mesure de contenir l’épidémie, comparativement à d’autres pays européens. Nombreux glosent sur la communication erratique de l’exécutif : multiplicité des émetteurs, accumulation de contre-temps dans l’agenda communicant, propos contradictoires parfois tenus jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Tout se passe en effet comme si nous en étions revenu au temps précédant la centralisation de la parole gouvernementale par le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe.
Mais si la communication dessine une arabesque de doutes et d’incompréhensions, elle n’est que le sismographe de l’action publique. Car encore une fois, tout paraît s’emballer parce que nous n’avons pas anticipé le rebond épidémique. De nombreux professionnels de santé ont dénoncé ces derniers jours les tensions qui continuent à s’exercer sur l’offre de soins. Le Professeur Juvin ne cesse de le clamer, plusieurs syndicats de soignants également. Pire : il semblerait que la suppression de lits d’hôpitaux se soit poursuivie , nonobstant le choc sanitaire, Bercy s’obstinant au rouleau compresseur de sa politique comptable mortifère. À ceci s’ajoute une organisation aléatoire de la politique de tests qui multiplie les temps d’attente.
Entre les messages de vigilance, voire parfois alarmistes des autorités sanitaires et la réalité de la réponse publique, ce sont bel et bien les Français qui aujourd’hui demeurent la variable d’ajustement de la crise. Ce sont eux notamment qui sont contraints, entravés économiquement, socialement et parfois moralement alors que l’Etat n’apparaît pas en capacité d’assurer avec efficience sa tâche essentielle. La puissance publique dessine ainsi une trajectoire inquiétante où, en apparence peu en mesure d’assurer la protection de ses sociétaires, elle fait par un contrôle tatillon et contraignant porter la responsabilité de la suite de l’épidémie sur ces derniers. Ce hiatus à terme porte les germes des grandes colères.