De Valéry Giscard d’Estaing il faudra retenir le style d’abord : une aristocratie qui avait soif de proximité mais dont la quête de simplicité se heurta parfois au scepticisme.
Cet homme ingéra la communication politique car il vit en elle le moteur de la nouvelle légitimation du pouvoir. La société avait évolué, l’opinion était reine et visible, la consommation reflétait la prospérité, l’image, au travers de la télévision notamment, sécularisait et familiarisait l’homme de pouvoir. Ces tendances de fond, VGE su les percevoir, les apprivoiser et il en fit sa marque de fabrique, au point de créer parfois un hiatus entre un vieux peuple nourri par un imaginaire de sacralité et cette représentation nouvelle d’une fonction présidentielle qui aspirait à se banaliser.
Ce Président de 48 ans, issu de la droite des élites, orléaniste et sincèrement libérale, courant minoritaire dans le jeu aussi complexe que confus des droites françaises, rêvait d’une société apaisée : apaisée de l’intérieur, sachant accepter les changements de mœurs, convertie à une économie qui conduirait enfin la politique bien plus que les passions, confiante dans le progrès technologique ; et réconciliée avec l’extérieur dont l’Europe constituerait le promontoire protecteur.
Valéry Giscard d’Estaing avait une vision. C’est un fait aussi que sa vision, « la société libérale avancée » actait l’affaiblissement d’une nation confrontée à la poussée des grands ensembles continentaux ; cette normalisation de la France, sans doute, faisait écho à sa volonté de « désacraliser », tout au moins dans les premiers pas du mandat, la fonction présidentielle. Il y avait là une cohérence mécanique qui épousait le mouvement de l’histoire tel qu’il l’observait et in fine l’acceptait. Il l’acceptait avec optimisme quand d’autres s’en inquiétaient, voire en refusaient l’issue. Cet optimisme giscardien contribua à sa perte. Le constat était réaliste, les conclusions qu’il en tirait occultaient néanmoins les angles morts de cette marée montante de la mondialisation. Il pensait en faire, au travers du paquebot européen, une chance pour la France mais il en écartait les difficultés à venir. Cette « insoutenable légèreté » de sa vision de l’histoire semblait ignorer les forces telluriques qui socialement et culturellement étaient bousculées dans leur vie, leur imaginaire, leur être au monde.
Aron, libéral lucide et dont la philosophie avait été travaillée par l’expérience du siècle lui reprocha son absence de conscience du tragique. Tout le drame de ce Président surdoué, cultivé, élégant, plus réformateur à bien des égards que nombre de ses successeurs fut ce surcroît d’optimisme. Il n’en demeurera pas moins un moment clef de notre histoire, celui qui parlait sans doute plus aux individus qu’aux citoyens, à la société qu’à la France et à son peuple. Une énigme française en quelque sorte dont l’intelligence du monde se refusait peut-être à imaginer le pire.