Le sénat fait le ” job”. Rarement sous la Ve République, le Palais du Luxembourg aura autant démontré son utilité démocratique et ce faisant la sagesse de nos institutions.

La chambre haute est devenue sous le mandat du Président Macron cette instance de résistance à la toute puissance d’un État dont la tête est monarchique et où les jambes sont lourdement bureaucratiques. Entre les deux pôles de cette machinerie managée par un pouvoir souvent solitaire et une bureaucratie bien moins au service de la société que de la complexité croissante de son fonctionnement, l’espace démocratique se cherche. Le Sénat, par son travail, ramène du contrôle là où l’appareil étatique semble parfois justement… hors contrôle.
La commission d’enquête sénatoriale qui a rendu son rapport sur la gestion de la crise sanitaire vient de mettre en lumière l’écheveau d’un naufrage. La communication de l’exécutif depuis des mois consiste à relativiser sa responsabilité dans les dysfonctionnements ayant précipité le pays dans un chaos sanitaire, partagé, il est vrai, par d’autres pays.
Pour autant la comparaison ne profite pas non plus réellement à l’hexagone dont le nombre de morts rapporté à la population nous place dans le haut d’une fourchette tristement funeste. L’échec est là, et quand bien même la vague serait pandémique et fragiliserait bien des gouvernements, elle ne peut écarter ce sentiment de défaite propre à la France. Les sénateurs ont foré profond dans les strates bureaucratiques, levant notamment la responsabilité de la direction générale de la santé dans la pénurie des masques. Pire : on y découvre une administration qui en toute indépendance organise la pénurie, faisant apparemment pression pour changer les termes d’un rapport scientifique alertant sur le manque de stocks. Le “scandale”, car c’en est un, vient dés lors que l’Etat sacrifie sa mission protectrice au nom d’une logique techno-comptable qui n’est autre que l’idéologie à courte vue de ce fort-chabrol technocratique dont Bercy est, hélas, devenu l’un des symboles froids. C’est cette même disposition qui est à l’origine des tensions sur l’offre de soins et pour lesquelles on entraîne la société dans un “stop and go” épuisant, alternant confinement et déconfinement au mépris de l’économie, des libertés publiques, de la vie culturelle, du fonctionnement normal d’une société. Le conditionnement massif de l’esprit public rend à ce stade toute parole critique presque “provocatrice” ; il y a fort à parier cependant que cette doxa politique, qui cache les affres d’une gestion étatique erratique et dont Emmanuel Macron n’est pas le seul comptable même s’il ne peut s’en délier, ne résistera pas à terme à la question de son consentement et de son acceptabilité. On ne médicalise pas indéfiniment une société, à fortiori lorsqu’on a oublié d’en réarmer les systèmes censés la protéger.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef