On retiendra tout d’abord du 6 janvier ces images d’un Capitole assiégé par les plus irréductibles des « trumpistes » qui, survoltés par un Président ne se résignant pas à sa défaite, ont durant quelques heures monopolisé l’attention de la planète médiatique, faisant trembler le processus de certification du vote de novembre 2020.
Donald Trump, par son jusqu’au boutisme, s’est littéralement « bunkerisé » dans une stratégie dévastatrice. Il a ignoré le principe de réalité qui est celui d’institutions fortes comme le sont celles de la démocratie américaine, surestimé cette force éruptive de convictions qui l’avait conduit à la Maison-Blanche en 2016 et permis de lever plus de 74 millions de voix lors du dernier scrutin et négligé enfin ses soutiens les plus proches qui n’étaient pas disposés à le suivre dans une démarche suicidaire.
Ce faisant, il a apporté de l’eau au moulin de ses plus féroces adversaires qui ne rêvaient pas meilleure opportunité pour liquider sa marque mais également pour effacer l’espace d’une soirée les racines de son ascension. L’imbécilité du coup tactique de Trump, voulant imposer un rapport de forces digne d’une République pré-démocratique, aura dilapidé son capital politique, définitivement réduit à néant ses marges de manœuvres pour un éventuel rebond personnel et assombri par la tragi-comédie de la situation un bilan loin d’être négatif. Il a crédité non seulement l’image d’un mauvais perdant mais celle d’un apprenti « dictateur », ce qui au demeurant pour ce dernier terme est sans doute un mauvais procès. Il a rendu surtout un fort mauvais service à ces millions d’Américains des classes populaires et moyennes qui aspirent à un autre modèle que celui d’une société qui ne les protège qu’insuffisamment, voire parfois pas du tout.
Pour autant, nonobstant cette attitude désastreuse et dangereuse, abondant la fausse idée répétée parfois en boucle sur certaines chaînes d’info en continu d’une tentative de coup d’état, rien ne serait plus vain de considérer que la victoire de Biden renforcée par la bêtise agissante de son prédécesseur solde tout ce qui a fait la dynamique populaire du trumpisme. Le Congrès sous pression physiquement constitue une alerte sévère pour des démocraties qui ne sauraient pas à terme répondre aux aspirations populaires, qui continueraient à les tenir à distance comme l’expression d’une ignorance de citoyens de seconde zone et qui persisteraient à s’enfermer dans une vision ainsi qu’une pratique oligarchique du pouvoir. Faute de refonder le contrat social, c’est l’affrontement qui l’emportera. C’est à ce défi que les démocraties libérales sont désormais confrontées, ramener dans « les champs de la République » pour reprendre le beau mot de Gore Vidal celles et ceux qui ne s’y sentent plus y appartenir.