Il aura fallu que le président de la République monte au créneau pour apaiser sa majorité.
En recevant les parlementaires de cette dernière, Emmanuel Macron a sans doute voulu rassurer d’abord ces derniers après l’épisode malencontreux de la proposition de loi relative au deuil parental. Ce faisant, dans la tête du chef de l’Etat, il s’agissait surtout de remobiliser des troupes qui peuvent douter à la veille de municipales dont on pressent qu’elles seront difficiles et au moment où certaines études d’opinion soulignent un dévissage de l’électorat centre-droit dans la côte de popularité de l’hôte de l’Elysée. Or on sait que cette base là est désormais vitale pour un Président qui venu de la gauche s’en est progressivement distancié.
C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron a opéré cette rencontre avec ses députés et sénateurs. Pour autant, on s’étonnera du peu d’étonnement suscité parmi les commentateurs et autres acteurs de cette séquence qui s’est désormais banalisée dans l’usage des institutions. Le Président est allé même plus loin dans la scénarisation de l’exercice en s’offrant un format « grand débat ».
Le contenu au demeurant visait explicitement à offrir de la matière et du savoir-faire communicant à des troupes qui après deux ans et demi de mandat connaissent les angoisses existentielles de toute majorité essorée par la course éreintante d’un mandat présidentiel.
À ses soldats, le chef a rappelé la nécessité de pédagogie, de simplicité aussi et le besoin de s’accrocher pour l’avenir à quelques items suffisamment explicites pour ne pas perdre le fil de l’histoire commencée en 2017 et qui demeure toute tournée vers l’horizon de 2022. À cette fin, Emmanuel Macron a érigé la sécurité et l’écologie en marqueurs de la seconde moitié du quinquennat , un « en même temps » qui avec le régalien d’un côté devrait parler à la droite et avec l’environnement de l’autre s’adresser à la gauche. Le synopsis communicant est de ce point de vue limpide, pour ne pas dire trivial.
Le plus surprenant est en fin de compte ailleurs et Emmanuel Macron ne saurait en être tenu responsable. Dans le régime du « parlementarisme rationalisé » de la Ve République, le chef de la majorité est le Premier ministre. C’est ainsi que les pères fondateurs de nos institutions avaient conçu l’architecture constitutionnelle de 1958. Le Président, lui, était au-dessus de ces contingences et nul n’aurait imaginé le général de Gaulle où François Mitterrand s’adonner à ce rendez-vous ostentatoire avec les parlementaires de leur majorité. Le quinquennat a tout bousculé, subvertissant l’esprit même de la Constitution, accélérant le temps politique, ramenant le rôle du chef de l’Etat à celui d’un ordonnateur d’une équation parlementaire dont il est, plus que jamais, dépendant. Nicolas Sarkozy, puis François Hollande lui-même, nonobstant ses réserves initiales quant à cet dispositif, avaient inauguré ce colloque avec leurs parlementaires. Dans les faits, ce rituel traduit le vice que le quinquennat a manifestement introduit dans l’exercice du pouvoir : le Président n’est plus au-dessus des partis, il est le représentant du parti au pouvoir ; il perd de la force symbolique que lui prodiguait la côte de maille originelle des institutions pour devenir d’abord le tribun de son camp ; il est enfermé dans le temps réduit de sa majorité parlementaire et devient le thaumaturge de cette dernière, avant d’être celui de tous les Français. Cette déperdition a atteint au cœur la nature même des institutions. Elle rajoute à la lancinante crise de régime que nous traversons.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef