Cette rentrée 2021 est une fausse rentrée tant l’été n’a pas vraiment marqué de pause. Les mobilisations contre le passe sanitaire n’ont pas laissé de répit à une actualité qui reste encore tributaire de la situation épidémique et de ses multiples conséquences.
A ce stade, la covid continue de faire peser sur la société son lot d’incertitudes, de doutes et évidemment d’anxiétés, jouant tout autant avec une arène politique qui, à l’épreuve de cette crise d’un genre nouveau, ne parvient pas à se rendre audible et lisible pour une large partie de l’opinion. On oublierait presque que le mandat d’Emmanuel Macron est en cours d’achèvement, même si plusieurs de ses concurrents déclarés et potentiels s’efforcent non sans mal de se faire entendre. L’atonie pour la politique partisane, celle qui prépare les affrontements électoraux, règne alors que dans le même temps une partie de la cité bouillonne d’inquiétudes, parfois de mécontentements, à tout le moins d’une forme d’attente qui oscille entre résignations pour certains et impatiences pour d’autres.
Ce décalage rend aussi toute projection non seulement incertaine mais presque dérisoire. Force est de constater que la pré-campagne, ayant déjà commencé, se heurte à ce stade à une sourde indifférence dans les plis profonds du pays. La faute à la situation sanitaire sans doute qui, compliquant toujours plus la vie quotidienne, éloigne d’autant plus une majeure partie de nos concitoyens des joutes électorales à venir.
L’élection est aussi proche dans le calendrier qu’elle est lointaine dans les esprits.
Mais le sanitaire ne saurait tout expliquer. Si l’intérêt n’est pas pour l’instant vraiment au rendez-vous, sans doute faut-il en chercher la raison dans trois paramètres : le premier d’entre eux est structurel et tient à la perception de la nature de l’action publique qui n’est plus jugée crédible, notamment parmi de larges segments des classes populaires et moyennes. La gestion de la crise sanitaire a vraisemblablement accru ce déficit. Cette longue défiance s’inscrit dans un trend de plusieurs années qui ne cesse, hélas, de s’épaissir. Le second motif est à rechercher, indissociable du précédent au demeurant, dans l’incapacité de l’offre politique à créer les conditions d’une reprise d’activités, pour reprendre une formule d’économiste : absence d’innovations, fragmentation du marché, sous-capacité de production . Tout se passe comme si aujourd’hui la politique créait sa propre pénurie.
Dernier paramètre, et tout aussi inquiétant pour l’avenir, le retrait civique ne résulte pas exclusivement de cette faible attractivité , même si elle y contribue, mais également d’une individualisation des comportements où l’usage de la chose publique est lui-même uberisé en quelque sorte, comme si les engagements obéissaient à des logiques segmentées et d’opportunité pouvant, selon les circonstances, s’intensifier aussi vite que se replier.
Ce sera ainsi peut-être dans cet étrange climat que se déroulera et dénouera la prochaine élection présidentielle, sans passions, mais pas sans colères, sans enthousiasme, mais pas sans aléas…
Arnaud Benedetti