C’est donc l’unité nationale …
Bien sur nous ne sommes pas en « guerre » contrairement aux propos répétés à six reprises lors de son allocution de mardi par le Président.
Le champ lexical utilisé par le chef de l’Etat se paye ainsi de mots dont la fonction principale consiste d’abord à sur-souligner l’esprit de responsabilité d’un gouvernement qui en a fait usage de manière aléatoire dans la gestion du démarrage de la crise. Nous devrions suspendre jusqu’à notre droit à la critique et à l’interrogation sous prétexte qu’en effet nous sommes encalminés dans une situation exceptionnellement inédite. Pour autant l’urgence réelle du moment ne saurait d’une quelconque manière anesthésier l’impérieuse nécessité de questionner.
Ne revenons pas sur les déclarations de Madame Buzyn qui ne sont qu’un symptôme parmi d’autres du chaos auquel nous sommes confrontés. Le pays est à l’arrêt, l’économie au bord du précipice, les libertés publiques rangées au rang des accessoires, le Parlement réduit à entériner des mesures prises in extremis pour sauver les meubles. La réponse de l’Etat vise à colmater ce que ce dernier n’a pas été en mesure d’anticiper, et ce depuis tant d’années. Nous luttons de ce point de vue comme en 40 – avec un logiciel qui a trente ans de retard et dont nous découvrons avec effroi qu’il ne répond plus.
Le « nouveau monde » est une chimère qu’une irruption virale aura dissipée.
La fluidité mondiale se transforme en cauchemar, l’Union européenne se disloque sous le coup de son idéologie du libre-échangisme non raisonné et du fétichisme monétariste. Le Président dans sa dernière intervention a confirmé qu’il faisait litière de ses certitudes. Dont acte. La suspension des réformes est le premier geste de la fin du mantra de la transformation.
La réalité, c’est que le pays ne doit pas tant se réformer que se reformer.
Face aux nouvelles menaces, les logiques comptables ont invalidé depuis des décennies les pensées prospectives. Pire que cela : elles ont désarmé, livrant à des risques multiformes des sociétés dont c’est à l’Etat d’assurer la protection et la sécurité. L’Etat n’est plus qu’une friche régalienne. Les convulsions d’un genre nouveau que nous traversons trahissent un manque abyssale de moyens. La faiblesse des capacités de tests de détection du Covid-19 et la pénurie de masques rappellent cette paupérisation lancinante. La Corée du Sud a montré que la détection systématique des populations et que l’usage massif des masques avaient permis de circonscrire les foyers infectieux. Les Européens, les dirigeants français parmi les premiers d’entre eux, répondent que la généralisation des tests était hors de portée et que l’usage du masque est inutile pour les personnes confinées. Ces arguments ne sont que le produit de nos imprévoyances. Le coût économique de la solution coréenne eut été mille fois inférieur aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Le port des masques reste un moyen prophylactique dont on s’étonne que la parole publique le réduise à une improbable ligne Maginot. Quand les Asiatiques nous montrent la voie, nous répondons avec le désespoir de nos indigences accumulées depuis des décennies.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef