Alors qu’ils s’apprêtent à désigner ce samedi leur candidat pour l’Elysée, force est de constater que Les Républicains auront réussi à animer le débat interne tout en maintenant les conditions de leur unité. C’est à ce stade un succès qui, voici quelques mois, n’était pas assuré.

Force est restée, qu’on le veuille ou non, au grand parti qui, comparativement à son frère ennemi historique le PS, est parvenu à faire vivre dignement la démocratie sans sombrer dans des jeux d’appareils débouchant sur un casting du pis-aller, cooptation notabiliaire d’une formation inapte à se désembourber de son appauvrissement idéologique à la seule sociologie des centres urbains de quelques grandes métropoles. Les modernes ne sont pas du côté de la social-démocratie ou ce qu’il en reste ; pas sûr peut-être qu’ils le soient du côté des conservateurs, ce qui en soi n’est pas nécessairement un défaut, mais à tout le moins la droite de gouvernement aura sauvé l’essentiel : elle demeure une machine capable de s’organiser et de dégager une offre en mesure potentiellement de concourir à la « lutte finale » pour l’Elysée.
Reste néanmoins à déterminer sous quelle forme : les résultats du Congrès auront clarifié les lignes ; elles sont deux à se disputer l’investiture, l’une qui entend incarner une droite décomplexée, nationale de facto, populaire, ne cédant rien au politiquement correct ; l’autre de centre-droite, qui bordure le macronisme, lui reprochant en quelque sorte ses velléités réformistes, sa fuite en avant dans l’endettement, son manque de lucidité sur le régalien. La première droite est sans doute plus en résonance avec son électorat et avec les inquiétudes montantes d’une partie du pays ; la seconde plus conventionnelle dispose d’un coefficient potentiellement plus rassembleur dans la perspective d’un second tour.
Quoiqu’il en soit si rien n’est fait pour Les Républicains, ils ont néanmoins apporté la démonstration qu’ils n’étaient pas « morts », qu’ils disposaient d’une motricité suffisante pour revenir dans un jeu dont on aurait tort de les penser écartés. Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour le pouvoir et pour Emmanuel Macron. La victoire de Ciotti mécaniquement entraînerait le basculement à droite toute de l’ensemble de la droite, rendant envisageable, non sans effet d’éviction pour autant, une coagulation de toutes les droites populaires, conservatrices et identitaires, avec un indéniable impact dynamique qui se payerait cependant d’une déperdition du centre. La question soulevée par cette hypothèse est de savoir quel en serait le solde bénéfices/risques… Une victoire de Valérie Pécresse, arithmétiquement la plus probable en apparence – mais arithmétique et alchimie électorale ne font pas forcément « bon ménage » – pourrait couper la route à Emmanuel Macron sur ses plates-bandes en agrégeant anti-macronisme viscérale et une partie du « bloc élitaire ». Quoi qu’il en soit, le scénario inédit du Congrès républicain démontre, s’il le fallait et plus que jamais, l’extrême ouverture du jeu à venir, la fragilité des pronostics, et l’extrême volatilité d’une situation. Une leçon pour tout le monde : candidats, entourage de candidats et bien évidemment analystes et autres observateurs.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne