Certes la politique internationale ne fera pas l’élection à venir ; on peut regretter cependant qu’elle mobilise aussi peu l’agenda car il en va tout autant de la place de la France dans le monde que de son avenir en tant que grande puissance.
Le Président, dont on dit qu’il est tout concentré sur la situation ukrainienne, aura in fine en cinq années beaucoup communiqué, à l’instar de ses prédécesseurs, sur son action diplomatique. Toute la question consiste à savoir quel est son bilan alors qu’il s’apprête à solliciter les suffrages des Français pour son éventuelle reconduction.
Le surjeu ne saurait tenir lieu de politique étrangère. La réalité est qu’à défaut de tenir notre rang le suivisme est devenu la marque de cette dernière. Emmanuel Macron n’en porte pas la responsabilité exclusive, car la France ne fait plus guère entendre sa voix que de manière trop souvent atlantiste, loin de l’histoire des peuples et de la géographie des Etats. Le retour effectif au sein de l’OTAN annoncé en 2007, puis conclu par le Président Sarkozy en 2009 entérinait des évolutions que la France avait de facto accepté dès les guerres de Yougoslavie en 1994 ainsi qu’en 1999 au moment du conflit du Kosovo. Le pli a dès lors été pris, rompant avec la doctrine gaullienne, banalisant la voix de la France, laquelle a néanmoins fait reconnaître sa singularité en 2003 en refusant de s’associer à la seconde guerre du Golfe.
Pour autant, cela reste néanmoins l’alignement qui prédomine. Et tout ceci pèse in fine sur les propres zones d’influence françaises de par le monde, à commencer par l’Afrique. Le point de crispation malien constitue un exemple de nos difficultés et du rétrécissement de nos marges de manœuvres. Dans une contribution fort éclairante publiée cette semaine dans nos colonnes, le chercheur-associé à la chaire de géopolitique de la Rennes School of Business, Antoine de Prémonville, explique que la poussée russe au Sahel constitue une nouvelle donne qui profite, entre autres, de l’intransigeance française à l’encontre du pouvoir malien né du double coup d’Etat de 2021 et 2022. En Afrique, Moscou pousse ses pions d’autant plus que c’est une façon de rendre la monnaie de sa pièce à Paris qui sur le dossier ukrainien emboîte à grands traits le pas à Washington. En politique étrangère tout est dans tout et tout se tient ; à négliger depuis trop longtemps son rôle de puissance d’équilibre, la France a oublié ses fondamentaux et, ce faisant, ses intérêts. Si le gaullisme a encore une actualité, c’est dans la pertinence de son moteur géopolitique qui consiste à éviter toute vision binaire de la scène internationale, tout automatisme anachronique digne d’une nouvelle et inopportune guerre froide, tout excès d’idéologie là où il faut aborder le grand jeu planétaire avec le sang-froid qu’exige la connaissance des civilisations, des cultures et des peuples. Le sens de l’histoire et de l’humilité qui veut qu’à Bamako comme à Moscou et ailleurs si les messages de la France veulent et peuvent porter il faut qu’ils soient aux prises avec le réel et non le résultat d’un agenda imposé par l’extérieur pour ce qui concerne la Russie ou par des élans fantasmatiques pour ce qui relève de l’Afrique.
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne