L’été s’est installé à la lueur sinistre des incendies et sous le sceau d’une sécheresse implacable, avec des vendanges précoces sur fond d’hectares de forêts calcinés sans Dieu merci dénombrer jusqu’à présent de pertes humaines grâce à l’héroïsme des pompiers et des phénomènes climatiques de plus en plus hors de contrôle et les Français regardent passer à l’horizon les bateaux qui emportent leurs dernières illusions sur la capacité de leurs dirigeants à résoudre les graves problèmes qui les assaillent. Juillet tire à sa fin et le constat est amer : les premiers épisodes de la saison 2 sont à l’image de la séquence précédente et rien hélas ne semble changer. On cherche en vain un motif d’espérer que la lumière d’août soit plus porteuse d’espérance, tout au plus la pause des vacances pour ceux qui ont la chance d’en prendre permettra-t elle d’oublier fugacement les nuées qui s’annoncent pour la rentrée de septembre…
Le coup de semonce des élections présidentielle et législatives n’a visiblement rien appris à la macronie qui perdure et continue à se fourvoyer dans une posture globale de déni, d’arrogance et de mépris pour la dure réalité de l’heure.
L’actualité hexagonale peut se résumer à une litanie de faits divers sordides qui vient démentir jour après jour les propos irresponsables d’un Garde des sceaux mis en examen – anormale spécificité française en Europe, voire dans le monde, pour un titulaire du portefeuille de la justice – sur ce qui serait un sentiment d’insécurité et non la triste réalité d’un pays où des zones entières sont devenues de véritables coupes-gorges, le terme n’est pas trop fort loin s’en faut quand on est victime quotidiennement de la violence et du désordre d’agressions intolérables, illustrée sinistrement par ce qu’il s’est passé à la Guillotière au centre de Lyon, la troisième commune de France… Les protestations et déclarations d’usage du pouvoir en place, répétitives et sans aucun effet tangible, se succèdent, exaspérantes parce qu’elles n’apportent plus rien comme ces bateaux qu’on voit passer à l’horizon au large des plages sans jamais aborder au port. Les mensonges viennent de surcroît aggraver, comme dans le lamentable fiasco du Stade de France, une situation de plus en plus délétère et explosive et scellent définitivement et sûrement le manque de confiance et de considération du public pour la parole officielle. La question est d’évaluer jusqu’où le pays pourra continuer à dériver dans la direction fatale empruntée par des dirigeants aveugles devant la montée d’une violence qui se banalise et s’étend comme une lèpre à tous les secteurs de la société, remettant en cause les notions élémentaires de respect de l’ordre sans lesquelles aucune communauté humaine ne saurait survivre ?
Dans une France fragilisée et fracturée à un degré rarement égalé, tel qu’il faudra bien plus que les cinq ans d’une mandature mal engagée, reconduite par défaut, pour apaiser le profond mal-être actuel, fruit de décennies d’abandons et de résignation à la dégradation des domaines régaliens et in fine d’une incompréhension totale des attentes du corps électoral, les postures adoptées par la majorité relative au Parlement et dans les médias ne sont pas à la hauteur de la situation et ne font qu’accentuer le risque d’une explosion à terme. Les Français qui se sont déplacés aux urnes en avril et en juin 2022 ont signifié leur souhait de renouer avec des débats et des discussions réels pour la conduite des affaires publiques, et d’en finir avec une chambre d’enregistrement tout juste bonne à avaliser les décisions d’un aréopage de technocrates peu enclins à tenir compte de leurs attentes et de leurs souhaits, dans une forme dévoyée de la démocratie où le pouvoir peu à peu s’autorise un arbitraire sans bornes visibles, qui tend à devenir paradoxalement la norme dans nombre de pays développés dits libéraux face à des régimes ouvertement autoritaires.
Rien n’est plus irritant et propre à déstabiliser notre démocratie fragile par essence que l’attitude méprisante de ces ministres et élus de la macronie qui s’offusquent de la remise en cause de leurs propositions et crient systématiquement à l’obstruction parce que pour la première fois depuis les cinq années écoulées, d’autres représentants élus et tout autant légitimes contestent ou simplement souhaitent discuter et amender ces mêmes propositions.
Les médias à la botte renchérissent à l’envi sur des incidents qui ne sont en définitive que l’expression de la vitalité d’oppositions ressuscitées après une longue atonie et des campagnes électorales où les sortants ont cru bon d’escamoter tout débat de fond sur le bilan de leur exercice.
Autrement plus grave et préoccupant pour les Français que la tenue vestimentaire relâchée ou non de leurs députés, le vapotage sous son masque de la Première ministre au milieu des débats, échanges houleux et autres péripéties parlementaires, en ce mois de juillet où l’on commémorait le 80ème anniversaire de la tragédie de la Rafle du Vélodrome d’hiver, un député de la majorité s’est autorisé le geste infâme, abject – aucun mot n’est assez fort pour qualifier le comportement inexcusable et impardonnable de cet élu indigne désormais de siéger au sein de la représentation nationale après un tel acte – d’un salut nazi qu’aucune explication de quelque sorte que ce soit par ailleurs ne saurait justifier en ce cénacle ! L’exemplarité devrait être une obligation ardente pour un élu de la République et qu’un tel geste ne soit sanctionné à cette heure que par un simple rappel à l’ordre et qu’il ne suscite pas plus d’indignation ou de colère, est proprement incompréhensible et inadmissible aux yeux de beaucoup de Français qui eux n’ont jamais perdu leur âme…
C’est aussi quelque part une offense au souvenir combien douloureux de ces milliers de Parisiens – Français dans leur cœur ipso facto, réfugiés d’autres pays d’Europe ayant fui l’horreur du nazisme et cru avoir trouvé un refuge sûr dans le « cher et vieux pays » qu’ils avaient idéalisé pour leur malheur hélas – réveillés brutalement au petit matin par des policiers français aux ordres des occupants, ceux qui faisaient du salut nazi la marque de leur tyrannie criminelle, bousculés, humiliés, traités et parqués comme du bétail, vieillards, femmes, hommes, mères et pères, enfants, malades, infirmes, avant d’être conduits sans pitié vers l’anéantissement dans une angoisse indicible, au seul motif qu’ils étaient Juifs !… L’évocation de cette tragédie à laquelle une infime poignée de miraculés seulement a survécu devrait couvrir de honte celles et ceux qui, par la légèreté de la sanction infligée à un député indigne de siéger par son salut nazi au sein de l’Assemblée nationale, ouvrent la porte à des comportements bien plus répréhensibles que des chahuts de travées dans l’hémicycle imputables à part égale à ceux qui par leur arrogance et leur refus de débattre en allant jusqu’au bout de leur logique de recherche de compromis n’ont pas compris que les temps avaient changé en France…
En attendant, la situation s’aggrave à l’Est de l’Europe et la déflagration en retour prévisible au vu du peu d’effet des sanctions imposées à la Russie, avec son cortège de restrictions de tous ordres dans le quotidien des Français, n’est pour l’heure que différée dans la relative accalmie d’un été qui ne ressemble à aucun autre… Le 28 juillet, le monde a épuisé ses ressources pour autant sans trop s’en soucier, et les vacanciers – du moins ceux qui peuvent encore prendre des vacances dans le contexte inflationniste qui prévaut et assombrit la rentrée en perspective – assistent de loin aux débats parlementaires comme on regarde les bateaux passer à l’horizon, oubliant aussitôt prononcés les discours et leçons de géopolitique et autres de l’exécutif, et ils font preuve de la résilience qui leur a permis de supporter les épreuves récentes, irréductibles et debout… Il ne faudrait pas que les travers et errements observés lors de la mandature précédente du temps de la majorité absolue perdurent, au risque non négligeable de faire mûrir les fruits d’une colère contenue mais qui pourrait bien se réveiller si ceux qui devraient faire preuve d’exemplarité persistent à s’égarer comme l’auteur du salut nazi et ceux qui ont choisi de minimiser la gravité et la terrible symbolique qui se cachent derrière leur désinvolture coupable…
Eric Cerf-Mayer