En treize ans, la dette publique de l’Afrique a doublé, passant de 31,9 % du PIB en moyenne en 2010 à 62,5 % du PIB en 2023. La Banque mondiale l’avait évalué, dans sa dernière édition du rapport sur la dette internationale, à plusieurs milliards de dollars avec une croissance élevée ces trois dernières années. En Afrique subsaharienne, la dette publique s’élevait à 1 140 milliards de dollars à la fin de 2022, correspondant à une hausse de plus de 200 % par rapport à 2010. En outre, plus d’un tiers de cette dette extérieure est soumise à des taux d’intérêt variables susceptibles d’augmenter.
Dans ce contexte particulièrement marqué par la plus forte hausse des taux d’intérêt mondiaux, la plupart des pays sont aujourd’hui exposés au risque de défaut sur leur dette extérieure, une forme de vulnérabilité préoccupante.
Les paiements au titre du service de la dette (principal et intérêts) affaiblissent substantiellement la croissance économique et le développement dans de nombreux pays africains. Aussi imposent-ils à ce titre, aux gouvernements l’allocation d’importantes ressources au service de la dette au détriment de secteurs prioritaires. Les niveaux d’endettement record actuels, combinés à la hausse de taux d’intérêt élevés, ont basculé de nombreux pays vers une crise financière systémique. Selon Indermit Gill, économiste en chef et vice-président senior du Groupe de la Banque mondiale, « chaque trimestre où les taux d’intérêt restent élevés se traduit par une augmentation du nombre de pays en développement qui basculent dans le surendettement et se heurtent au choix difficile entre le service de leur dette publique et l’investissement dans la santé publique, l’éducation et les infrastructures. ».
Devant cette situation, les partenariats public-privé constituent un outil de financement efficace pour permettre aux gouvernements débiteurs de réaliser les projets nécessaires à la résilience des infrastructures tout en allégeant le poids de la dette.
Premièrement, face aux déficits de ressources publiques et aux contraintes budgétaires, le recours aux PPP permet aux pays en développement de réduire la dette publique. Cette alternative favorise le partage des coûts nécessaires à la délivrance d’un niveau de service de qualité en allant de la préparation du projet à la phase exploitation – maintenance.
Ainsi, le contrat de PPP permet aux décideurs publics de limiter leur participation sur les investissements alloués aux infrastructures et de répartir les ressources disponibles sur plusieurs projets. Ce faisant, le partenaire privé est chargé de compléter les capacités limitées du secteur public à répondre à la demande. Ce mécanisme oblige l’opérateur privé à assurer la robustesse financière et économique du projet, mobiliser des fonds propres et d’attirer des bailleurs privés devant lui permettre de compléter sa participation.
Par ce biais, il s’impose un certain degré de fiabilité en matière de prévisions budgétaires dans l’esprit leur bonne gouvernance.
Se caractérisant par des objectifs de performance élevée, le Contrat PPP confère également au partenaire Public l’avantage d’une maitrise des coûts d’investissement à mobiliser.
La triple exigence (du client, du concédant et des actionnaires) et l’expertise du partenaire privé sur la gestion de projets complexes, combinée à la vision de long terme, conduisent inévitablement à une solide performance financière garantissant un équilibre qualité / prix. Plus précisément, pendant les différentes phases du projet, le privé est amené, sous l’impulsion de ses actionnaires, à recourir aux meilleures techniques de financement, optimiser les dépenses et maximiser la création de richesse pour garantir la rentabilité aux actionnaires, seul moyen de rémunération de l’investisseur privé.
En outre, face au risque de surendettement susmentionné, les PPP offrent aux décideurs public l’opportunité de transférer les coûts d’investissement à l’utilisateur et de partager les risques avec l’opérateur privé. En d’autres termes, les PPP permettent à la puissance publique de transférer des risques vers les parties prenantes les plus aptes à les gérer : risques techniques (conception-construction, exploitation-maintenance), les risques financiers et encore les risques de fréquentation (ou risques trafic).
Dans cette optique, le remboursement des investissements initiaux et complémentaires se fait par la recette collectée auprès de l’utilisateur à la place du contribuable. De la même manière, les coûts d’entretien et de renouvellement sont également financés par l’utilisateur.
Quant aux risques financiers, ils sont généralement partagés car les investissements initiaux nécessaires sont mobilisés par les deux partenaires public et privé. Ainsi, le partenaire privé, expert en matière de levée de fonds propres auprès de co-investisseurs, assume une partie des risques financiers en injectant des fonds propres et de la dette privée. En revanche, les risques techniques et ceux liés à la fréquentation sont tous sous la responsabilité du partenaire privé.
En outre, compte tenu des besoins d’investissement et d’entretien des infrastructures, les PPP offrent une approche adaptée pour relever les défis du surendettement auxquels sont confrontés les pays africains. Parmi les approches innovantes, figurent les concessions qui se déclinent en modèle vertueux reposant sur la création de valeur pour la collectivité.
L’État, dans la mesure où il a une vision annuelle de budget, est systématiquement influencé par les objectifs de court terme et une forte volatilité de ses priorités en matière d’investissements. Cependant, les investisseurs privés ont l’avantage d’une vision sur le long terme garantissant le respect des politiques d’investissements par des plans quinquennaux plus optimisés.
Dans cet esprit, la Concession de l’Autoroute de l’Avenir reliant la capitale Sénégalaise, Dakar, à l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) constitue assurément une illustration d’un modèle de PPP réussi. Elle a permis d’assurer au pool d’investisseurs une triple rentabilité : la rentabilité financière et économique, la rentabilité sociale devant être le principal objectif du développement économique et la rentabilité environnementale à l’heure où la planète est en train de brûler.
Cette expérience, dont l’exemplarité mérite d’être soulignée, a permis à la société concessionnaire, détenue en majorité par le Partenaire Privé (EIFFAGE) et l’État du Sénégal (actionnaire à hauteur de 25%) de maintenir tout au long de sa vie un TRI supérieur à 16%.
Sur le plan économique, plus de 40% des revenus de la société sont reversés à l’État du Sénégal sous forme de taxes et d’impôts, de redevance et d’intéressement sur les gains excédentaires. La réussite sociale peut être évaluée en fonction des milliers d’emplois créés pendant la construction, des centaines maintenus par le succès du transfert de technologie en phase exploitation – maintenance et l’amélioration du bien-être des populations à travers la politique RSE de la société ciblant les secteurs prioritaires tels que la santé, l’éducation, la culture, la création d’emploi.
Sur le plan environnemental, le Concessionnaire contribue de manière continue à la réduction des émissions de CO2 par la diminution des temps de parcours, la plantation de plus 5.000 arbres par an le long de l’Autoroute, le recyclage de plus de 80% des déchets collectés et des investissements conséquents dans l’énergie photovoltaïque afin d’assurer son autonomie énergétique. Les emprises non occupées sont ciblées pour la réalisation de projets de minicentrales solaires avec l’option de stockage afin de compenser les émissions de gaz à effet de serre liées à l’écoulement du trafic.
En un mot, l’une des spécificités du modèle réside dans le fait que l’actif, développé et entretenu par l’opérateur privé, demeure la propriété de l’État ou de la collectivité.
Cependant, les PPP ne sont pas exempts de défauts. Des coûts plus élevés, des processus contractuels complexes et des monopoles potentiels sont quelques-uns des défis à relever. Le succès de ces PPP demeure largement tributaire d’une forte volonté politique, de la création d’un environnement juridico-administratif et de l’instauration d’un climat de confiance. Ces conditions sont solidaires de la mise en place d’un cadre réglementaire efficient, de procédures de passation de marché claires et d’une gestion efficace des contrats pour garantir la transparence et la souplesse.
En tout état de cause, les contrats de partenariat public-privé apportent une réponse à cette récurrente problématique de l’endettement des pays africains. Partant, il nous semble pertinent de considérer ce modèle comme un instrument de développement et non comme un moyen de passation de marché. Sa réussite nécessite donc de passer à une approche intégrée pour dérisquer les projets sur les plans politique, financier et opérationnel.
Xavier Idier
Directeur général projet aéroport, autoroute
Eiffage Concessions
Sénégal