L’espace néo-gauchiste est aujourd’hui dominé par des mouvances qui s’autoproclament antifascistes et antiracistes. Mais que signifient ces auto-désignations qui se veulent glorifiantes lorsqu’elles sont employées par des intellectuels néo-gauchistes ?
Dans le vaste espace bariolé du néo-gauchisme contemporain, on trouve divers courants ou mouvements qui, s’inspirant du marxisme ou du décolonialisme, du féminisme intersectionnel ou d’une forme d’antiracisme identitaire, le plus souvent associés à un écologisme révolutionnaire1 (ou plus exactement révolutionnariste), ont pour ennemi commun l’ensemble flou formé par les démocraties libérales-pluralistes occidentales et le capitalisme globalisé ou le « néolibéralisme » – catégorie d’amalgame d’usage polémique qui, synonyme vague de « mondialisation marchande », est dénuée de contenu conceptuel2. Toutes ces mouvances militantes, anticapitalistes et antilibérales, qui ont leurs intellectuels de référence, prétendant débusquer et dénoncer les rapports de pouvoir ou de domination, se présentent comme « antiracistes » et « antifascistes », étant entendu que tout « antifasciste » est un « anti-réac », donc un anti-conservateur, puisque tout conservateur est un réactionnaire qui s’ignore et qu’on ignore3. Il s’agit de savoir ce que signifient ces auto-désignations qui se veulent positives, voire glorifiantes : « antiracisme » et « antifascisme », lorsqu’elles sont employées par des intellectuels néo-gauchistes.
Mon hypothèse interprétative est que ces mots-drapeaux témoignent avant tout d’une tentative de réactiver ou de réinventer des traditions idéologico-politiques historiquement épuisées, pour les instrumentaliser de diverses manières et selon divers objectifs4.
Qui sont, tels qu’on peut les observer aujourd’hui, ceux qui, à gauche et à l’extrême gauche, se disent « antifascistes » et « antiracistes » ? Qu’ont-ils en tête ? Que veulent-ils ? Qu’espèrent-ils ?
Dans la France contemporaine, société fragmentée et conflictuelle mais dans laquelle on ne saurait identifier une quelconque « menace fasciste » – où sont les milices qui défilent et font régner la terreur ? –, ceux qui se disent « antifascistes » ne combattent que leurs fantasmes, qui les conduisent à baptiser « fascistes » les adversaires qu’ils désignent et à les traiter comme des ennemis absolus5. C’est pourquoi il convient de les caractériser comme des « néo-antifascistes ». Contrairement aux antifascistes historiques qui, parfois les armes à la main, ont combattu des ennemis réels, les néo-antifascistes, dans un contexte où l’antifascisme est une composante de l’idéologie dominante, se contentent de construire lexicalement et rhétoriquement des « fascistes », en s’efforçant d’exclure du débat public les ainsi nommés, voire de les vouer à une mort sociale. Dans la catégorie des pseudo-fascistes stigmatisés, on trouve toutes les variétés idéologiques de la droite, ce qui indique que le terme injurieux et diabolisant « fascisme » est susceptible de s’appliquer à n’importe quel adversaire ou concurrent jugé « de droite ». La « droitisation » est ainsi jugée porteuse d’ « extrême-droitisation », voire de « fascisation ». Les intellectuels qui se disent « progressistes » s’inquiètent bruyamment du « retour des années trente6 » et dénoncent rituellement ceux qu’ils traitent de « réactionnaires »7. Et, pour ces « belles âmes » qui croient à l’éternel retour du même diable, l’espace est fort mince qui sépare les « nouveaux réactionnaires » des « néo-fascistes ». Ce ne sont donc plus seulement les droites nationalistes et conservatrices qui sont censées pouvoir se « fasciser », mais bien toutes les droites, voire, dans des situations de crise, certaines gauches accusées de perdre leurs défenses immunitaires8.
La stratégie néo-antifasciste ne vise pas à lutter contre de véritables mouvements fascistes, mais à marginaliser ou à disqualifier des personnes, des groupes ou des formations politiques qu’on n’aime pas pour les raisons les plus diverses.
C’est pourquoi il importe de s’interroger sur la construction et les usages politiques, mais aussi culturels, d’un imaginaire néo-antifasciste dans la période postfasciste commencée en 1945.
Disons, en première approximation, que les néo-antifascistes rêvent de créer une société politique sans droite. Ils postulent en effet que toute droite est potentiellement fasciste, même si elle se dit libérale, centriste ou modérée. Mais ils soupçonnent aussi la « gauche de gouvernement » de collaborer à la « révolution conservatrice » en cours dans la société française et se prononcent en faveur d’une « gauche de gauche », c’est-à-dire une « gauche vraiment de gauche », pour parler comme Pierre Bourdieu9, qui affirmait en 1998 : « Les vraies réponses à la fascisation rampante ou déclarée ne peuvent venir que des mouvements sociaux qui se développent depuis 199510 ».
Un intellectuel néo-gauchiste converti à la gnose décoloniale d’importation états-unienne réduit les rapports entre les humains à des rapports de domination, et plus précisément à des rapports de domination entre des identités de groupe, les personnes individuelles n’étant que des représentants quelconques de leurs catégories groupales (raciales, ethniques, culturelles, religieuses, socio-économiques, sexuelles, etc.), et postule que les dominés sont des discriminés ou des « racisés ». C’est pourquoi le néo-antiracisme qu’implique le néo-antifascisme suppose une vision raciale du monde social.
Les stratégies de séduction du néo-antiracisme
À côté du néo-antifascisme, on rencontre sans surprise le néo-antiracisme, dont l’orientation générale et l’appareil conceptuel sont pour l’essentiel les produits d’une importation et d’une adaptation de l’antiracisme états-unien, centré sur la question noire et donc sur les héritages (réels ou supposés) de l’esclavage et du colonialisme, la dénonciation du « racisme systémique » ou du « privilège blanc », la lutte contre les discriminations fondées sur la couleur de peau, la « lutte contre l’islamophobie » et le projet de généraliser les procédures de discrimination positive, au nom de la « justice raciale » – comme forme prioritaire de justice sociale. Les néo-antiracistes rêvent de transformer la France en une société pluriethnique et multiculturelle, ou, si l’on préfère, en une société multicommunautariste en marche soit vers le métissage généralisé ou la créolisation, soit vers la coexistence harmonieuse des identités de groupes, qu’elles soient religieuses, de genre ou ethno-raciales11.
Depuis plusieurs années, comme en témoignent plusieurs best-sellers dont ceux, aussi affligeants et naïvement dogmatiques l’un que l’autre, du militant afro-américain médiatique Ibram X. Kendi, How to Be an Antiracist, et de la « formatrice en diversité » Robin DiAngelo, White Fragility12, l’antiracisme est redevenu à la mode aux États-Unis, sous la pression du mouvement Black Lives Matter, lancé par un groupe d’activistes afro-américains à la suite de l’acquittement, le 13 juillet 2013, d’un surveillant de voisinage, George Zimmerman, qui avait tué un adolescent noir, Trayvon Martin. Cette mobilisation antiraciste s’est intensifiée à partir de 2016, après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle, le nouveau président étant dénoncé par ses adversaires politiques comme un démagogue raciste incarnant le suprémacisme blanc, voire comme un fasciste.
Depuis le mois de juin 2020, à la suite du meurtre de l’Afro-Américain George Floyd par un policier blanc, le 25 mai 2020 à Minneapolis, la mode antiraciste, sous sa forme états-unienne, s’est traduite par des manifestations qui se sont multipliées dans de nombreuses parties du monde.
Le schéma de cette action meurtrière se prêtait particulièrement aux interprétations manichéennes et racialisées : d’un côté (le bon), une victime innocente incarnée par une « personne de couleur », perçue comme une victime du racisme ; de l’autre (le mauvais), un assassin raciste anti-noir incarné par un policier blanc, devenu le symbole des violences policières motivées par le racisme. La « cause noire » s’est ainsi réinscrite à l’ordre du jour. Et le mouvement « woke », à l’origine strictement états-unien, a inspiré la plupart des associations militantes et des partis d’extrême gauche dans le monde occidental. Face à ceux qui osent les critiquer, les défenseurs des attitudes et des comportements « wokistes » suivent deux stratégies argumentatives : ou bien ils nient l’existence même de quelque chose comme le « wokisme » – ainsi qu’ils le font pour l’ « islamo-gauchisme » ou le « racisme anti-Blancs » –, ou bien ils attribuent à leurs adversaires une « panique morale » en dénonçant l’ « offensive réactionnaire » qu’ils mèneraient13.
Ces mobilisations s’affirmant antiracistes ont été décryptées avec empathie au moyen des modèles d’intelligibilité disponibles, fournis par une littérature militante et semi-savante, aussi foisonnante que répétitive, sur le « racisme systémique », la « domination blanche », le « privilège blanc », le « racisme d’État ». Elles ont donc été interprétées comme des révoltes légitimes contre le racisme censé être partout au cœur des sociétés « blanches » et du « pouvoir blanc ». Nombreux sont les manifestants qui ont vu dans l’ordre sociopolitique qu’ils contestaient, supposé fondé sur la « suprématie blanche », un « vieux monde » injuste et violent qu’il fallait enfin détruire.
Pour tous les ennemis du « système » (capitaliste, raciste et hétéro-patriarcal), le Grand Soir semblait s’annoncer.
Les nostalgiques de l’utopisme révolutionnaire ont trouvé dans le « nouvel antiracisme » de quoi nourrir leur volonté de revanche et leur espoir de construire un ordre social parfait, sur les ruines de l’ancien. Les « antifas » y ont puisé de nouvelles raisons de se mobiliser, notamment en organisant de violentes émeutes « antisystème ».
Le phénomène majeur, dont on observe le développement depuis les années 1980, est la corruption idéologique de l’antiracisme, qui a fait surgir ce que j’appelle depuis longtemps le pseudo-antiracisme, dont le prétendu « nouvel antiracisme », nommé « antiracisme politique » par les mouvances décoloniales, identitaires et indigénistes, n’est que la dernière figure en date. La « lutte contre le racisme » a été monopolisée par des minorités militantes se disant « non blanches », pour se transformer insensiblement en racisme anti-Blancs. Ce dernier se manifeste notamment par un vandalisme pseudo-antiraciste : monuments souillés, lynchages rétrospectifs, décapitations symboliques, furie iconoclaste, spectacles interrompus par la force. Les défilés « contre le racisme et les violences policières » s’accompagnent de violences et prennent parfois l’allure d’émeutes, au nom de la bonne cause, la cause anti-blanche. Tout se passe comme si l’hostilité haineuse envers « les Blancs » et tout ce qui est perçu comme culturellement « blanc » était devenue respectable dans l’espace public.
Ces mobilisations pseudo-antiracistes ont contribué à banaliser un mélange de honte de soi et de haine de soi chez les « Blancs », voués à faire pénitence en s’accusant de bénéficier du « privilège blanc » et d’être, qu’ils le veuillent ou non, les complices et les bénéficiaires d’un système social fondé sur le « racisme systémique ». Le terrible message central du pseudo-antiracisme est qu’il n’y a pas de « Blancs » innocents. C’est là réinventer la « fatalité de race », trait fondamental du vieux racisme biologique européen.
Le grand malheur du XXIe siècle commençant, ce sera d’avoir été la période où les idéaux antiracistes ont été mis au service de l’intolérance, du sectarisme et de la violence iconoclaste.
Antisionisme radical et islamophilie victimaire
L’une des particularités du néo-antiracisme à la française, c’est son islamophilie, qui peut dériver vers l’islamismophilie, notamment chez les admirateurs d’organisations islamistes comme le Hamas ou le Hezbollah, célébrés en tant que mouvements de « résistance » ou de « libération ». En 2001-2002, dans le cadre de mes travaux sur la « nouvelle judéophobie », j’ai forgé l’expression « islamo-gauchisme » pour désigner cette convergence, voire cette alliance entre courants d’extrême gauche et mouvements islamistes14.
Cette réorientation de l’antiracisme interfère avec la stratégie politico-culturelle des multiples associations créées par les Frères musulmans, dont l’objectif consiste soit à infiltrer certains mouvements antiracistes, soit à se donner le visage d’organisations antiracistes. Placée au cœur de l’antiracisme, la « lutte contre l’islamophobie » se métamorphose ainsi en mode de légitimation de l’islamisme. Dans un contexte où l’extrême gauche dans son ensemble et une partie de la gauche tendent à basculer dans l’islamophilie angélique et l’antisionisme démonologique, les islamistes intelligents ont compris qu’ils devaient jouer la carte de l’antiracisme. Ils pouvaient ainsi apparaître comme des « humanistes », des « universalistes » et des « progressistes ». Du début des années 1990 à la fin des années 2010, l’idéologue médiatique du « réformisme islamique » Tariq Ramadan, avant sa chute pitoyable en 2018 pour des affaires de mœurs, avait parfaitement réalisé ce projet : par sa défense de la cause palestinienne et sa présentation édulcorée du fondamentalisme islamique, Ramadan s’était attiré la sympathie d’une partie de la haute intelligentsia de gauche (de Jean Ziegler à Édgar Morin), qu’il avait contribué à convertir à l’islamophilie militante.
S’il est vrai que les passions antijuives se sont mondialisées, c’est avant tout parce qu’elles se sont islamisées. Avec cette transformation, impliquant une refonte doctrinale en même temps qu’un déplacement du principal foyer de l’hostilité antijuive, s’est opéré un « retour à la théologie comme justification, puis comme source de la haine des Juifs15 », comme l’a noté l’historienne israélienne Rivka Yadlin. Il s’agit désormais d’une théologie non plus chrétienne mais musulmane. Dès lors, il faut en chercher les origines dans le Coran et les hadîths, où l’on trouve les représentations islamiques des Juifs et du judaïsme qui ont fait tradition, sans méconnaître la complexité du travail exégétique requis ni les conflits d’interprétation. Pour comprendre la récente vague judéophobe mondiale, il faut commencer par reconnaître cette matrice théologico-politique islamique16. C’est principalement sur cette nouvelle base politico-culturelle que s’accomplit et se légitime aujourd’hui la démonisation des Juifs.
L’article 15 de la Charte du Hamas, rendue publique le 18 août 1988, reprend cette vision d’un grand conflit à fondement théologico-religieux : « Lorsque nos ennemis usurpent des terres islamiques, le jihad devient un devoir pour tous les musulmans. Afin de faire face à l’occupation de la Palestine par les Juifs, nous n’avons pas d’autre choix que de lever la bannière du jihad. » Dans la perspective de cette judéophobie islamisée, la présence juive sur une terre musulmane est intolérable, comme le répète l’article 28 de ladite Charte : « Israël, parce qu’il est juif et a une population juive, défie l’Islam et les musulmans. » On trouve dans cette proposition un parfait résumé de l’idéologie antijuive du mouvement islamiste, qui interdit toute solution politique du conflit ainsi réinterprété. C’est la raison pour laquelle la « haine la plus longue », selon l’expression de Robert Wistrich17, la haine des Juifs, phénomène protéiforme, s’est doublée du conflit le plus long du XXe siècle et du XXIe commençant. Et ce conflit qui paraît interminable nourrit le monstre nommé « antisémitisme », lequel a souvent été comparé à une hydre.
Prenons l’exemple des théories du complot à visée antisioniste.
Au cours des deux dernières décennies, l’antisionisme conspirationniste s’est banalisé sur les réseaux sociaux.
Mais la nouveauté est que des universitaires de gauche et des militants des droits de l’homme n’hésitent plus désormais à diffuser des messages accusant « les sionistes » ou « les Israéliens » d’être les « maîtres du monde » ou de « diriger l’Amérique ». C’est ainsi que le juriste belge d’extrême gauche Jean-Marie Dermagne, qui est l’un des avocats de la vénérable Ligue des Droits Humains (LDH) et le vice-président du « Syndicat des avocats pour la démocratie », a posté ce message sur son mur Facebook le 4 janvier 2020, au lendemain de l’élimination du général iranien Qassem Soleimani par l’armée américaine : « Les vrais maîtres du monde, ce sont les Israéliens. Trump, le sinistre fanfaron, n’est (comme ses prédécesseurs) que leur marionnette armée. Ce sont eux qui tirent. » Maîtres du monde et fauteurs de guerre : tels sont « les Israéliens » selon ce distingué militant « humaniste » et « antiraciste ».
Dans le discours judéophobe de propagande à destination de l’Occident, « les Juifs » sont généralement remplacés par « les sionistes ». L’antisionisme idéologico-politique, soit le rejet du sionisme comme mouvement de libération nationale du peuple juif, s’est transformé en un « antisionisme » mythologique, qu’on peut caractériser comme « radical » ou « absolu », ainsi que je l’ai caractérisé naguère18. Cet « antisionisme » absolu se fonde sur le principe que le « sionisme » est une puissance internationale plus ou moins occulte et de nature criminelle dont tous les Juifs sont des agents, conscients ou non conscients. Dans l’ordre de l’action, les partisans de l’ « antisionisme » absolu cherchent à réaliser, par tous les moyens, leur objectif final : la destruction de l’État d’Israël. Leur discours de propagande est fondé sur la transfiguration de la cause palestinienne en cause emblématique des opprimés19. La vision complotiste et « antisioniste » de tous les malheurs frappant les musulmans dans le monde s’est banalisée. Elle est présente dans tous les mouvements extrémistes de gauche.
La séduction persistante de l’antifascisme
Dans les démocraties libérales contemporaines, la droite modérée et la gauche, communiant dans une indignation largement feinte, dénoncent litaniquement des « fascistes » en annonçant régulièrement, à la moindre averse électorale, que le fascisme est « de retour » ou que l’extrême droite est « aux portes du pouvoir ». Face à ce spectacle tragi-comique consistant à mettre en scène la résurrection des morts – des diaboliques comme des héroïques –, comment ne pas avoir à l’esprit les deux phrases par lesquelles Marx ouvre son brillant essai de 1852, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte : « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce »20.
Pour comprendre la séduction persistante de l’antifascisme militant, il faut le comprendre comme une pièce détachée, fonctionnant d’une façon autonome, d’un grand récit idéologique faisant partie de l’héritage stalinien des gauches.
Le XXe siècle, « l’âge des idéologies21 », a été celui des désillusions du progrès22, c’est-à-dire de la faillite des idéologies centrées sur des projets d’amélioration de l’homme et de la société23. Cette faillite, non reconnue comme telle par la plupart des dirigeants politiques et des intellectuels en Occident, a été celle des « religions séculières24 » – catégorie analytique introduite par Raymond Aron dans son article séminal de 1944 (« L’avenir des religions séculières »), sur laquelle il reviendra dans divers ouvrages ultérieurs25. Par l’expression « religion séculière », Aron désigne une « doctrine de salut collectif » fondée sur la sacralisation de l’Histoire et l’absolutisation d’un bon principe, qui s’oppose de façon manichéenne à son contraire satanique, incarnant l’ennemi absolu.
Dans l’article de 1944, consacré à la construction d’un modèle d’intelligibilité unitaire des grandes idéologies politiques, Aron formule cette définition : « Je propose d’appeler « religions séculières » les doctrines qui prennent dans les âmes de nos contemporains la place de la foi évanouie et situent ici-bas, dans le lointain de l’avenir, sous la forme d’un ordre social à créer, le salut de l’humanité26 ». Dans cette perspective, les croyances idéologiques constituent, conformément à la théorie de la sécularisation – laquelle suppose « l’affaiblissement de la signification de la religion organisée comme moyen de contrôle social27 » et le réinvestissement d’éléments du symbolisme chrétien (millénarisme, notion de Providence, eschatologie, etc.28 –, un substitut de la foi religieuse, elles jouent le rôle d’un ersatz de religion. Mais ces formes de religiosité séculières impliquent le recours à l’extrême violence pour réaliser leurs fins. La « frénésie idéologique » se double d’une « terreur idéologique29 ».
Depuis la fin des années 1940, dans les pays occidentaux, les antifascistes ont prétendu lutter contre les « néo-fascistes », qu’il s’agisse de personnalités ou de groupes ainsi désignés. Ces derniers ayant quasiment disparu au cours des années 1980, les « antifas » ont surgi à l’extrême gauche, prenant pour cible principale en France le Front national mais aussi inventant leurs ennemis qu’ils « fascisent » – par exemple l’État et la police, comme dans le slogan : « Flics, fascistes, assassins ! »30 –, ou les fabriquant sur la base d’une diabolisation des droites, quelles qu’elles soient (conservatrice, traditionaliste, nationaliste, libérale, etc.), accusées de « se droitiser ». Ont ainsi été traités de « fascistes » Jacques Chirac (doté d’un « menton mussolinien ») et quelques autres leaders de droite perçus comme autoritaires. Aux États-Unis, les « antifas », d’inspiration principalement anarchiste, visent plus particulièrement la police et les suprémacistes blancs, et se sont fortement mobilisés contre Donald Trump, notamment en organisant de violentes émeutes31. Mais le cercle des cibles potentielles est beaucoup plus large, et comprend tous les symboles de l’autorité étatique.
Le postulat des « antifas » contemporains est que tout individu ou groupe qui n’est pas reconnu comme étant du « bon côté », c’est-à-dire situé à l’extrême gauche, est un fasciste avéré ou potentiel – un « pré-fasciste », disent certains militants, tandis que d’autres dénoncent un processus de « fascisation ». C’est là revenir à la propagande communiste du début des années 1920, qui, face au fascisme mussolinien, dénonçait comme « fascistes » tous ceux qui n’étaient pas communistes32. Ce mode de construction de l’ennemi absolu, c’est-à-dire absolument haïssable, est au cœur de la vision manichéenne élaborée par les idéologues de l’Internationale communiste dans les années 1920 et 1930.
En reprenant à leur compte cette catégorie d’amalgame anachronique, les « antifas », pour être crédibles, ont dû lui donner un nouveau contenu idéologique : le principal signe du « fascisme » imaginaire qu’il prétendait combattre est devenu le « racisme ».
Le néo-antifascisme s’est ainsi métamorphosé en néo-antiracisme.
Mais ce dernier n’a cessé de s’enrichir au gré des modes idéologiques, agglutinant anticapitalisme, antisexisme, antilibéralisme, anti-homophobie, anti-transphobie, etc. Il s’ensuit que la catégorie polémique de « fascisme » s’élargit sans limites, faisant de la lutte antifasciste un combat contre toutes les dominations et toutes les oppressions.
L’intellectuel « antifa » Mark Bray appelle ainsi à « construire des tabous sociaux qui empêchent le racisme, le sexisme, l’homophobie et toutes les formes d’oppression sur lesquelles se fonde le fascisme, d’être au cœur du processus complexe de fabrique de l’opinion33 ». Il définit comme suit l’ « objectif à long terme » de l’antifascisme : « La seule solution face à la violence fasciste est de saper ses fondements dans la société, ceux qui sont ancrés notamment dans la suprématie blanche, mais aussi dans le validisme, l’hétéronormativité, le patriarcat, le nationalisme, la transphobie, la violence de classe, etc.34 ». Il s’agit donc d’éliminer toutes les causes des maux sociaux, afin de créer la société parfaite de l’avenir.
Dès lors qu’ils considèrent que le racisme, le sexisme, l’homophobie et la transphobie sont « systémiques », les « antifas » se transforment en activistes « antisystème »35.
Leur « radicalité », qu’ils revendiquent, réside dans ce projet d’une « destruction du système », qui peut difficilement mobiliser les masses soucieuses avant tout de leur pouvoir d’achat.
Tous les « anti-ismes », ces postures idéologiques négatives36, ont pour seul programme l’élimination d’un mauvais « autre » – figurable ou invisible (dit « systémique ») –, d’où aussi bien leur force de séduction (celle de toute posture « radicale ») auprès des minorités idéologisées que les limites de leur attractivité auprès du peuple de gauche.
On peut expliquer par la rivalité mimétique l’extrémisme des « antifas », désireux de lutter frontalement contre « l’extrême droite » telle qu’ils l’imaginent, à savoir la synthèse de tout ce qui est à leurs yeux haïssable. Ils baignent ainsi dans un univers idéologique manichéen où la lutte finale contre l’ennemi absolu ne cesse d’être rejouée, souvent d’une façon clownesque. Tel est le nouvel ethos révolutionnaire dans les pays occidentaux. Refoulé aux marges de la vie politique et sociale, il a perdu la fonction qu’il avait remplie au cours des années 1930 face à la menace nazie, celle d’être un puissant facteur d’union des gauches, notamment en France.
Les « antifas » s’attaquent aux policiers, aux magasins, aux bars ou aux restaurants ainsi qu’aux réunions politiques et aux monuments qui leur déplaisent. Mentionnons par exemple les violences et les dégradations commises à Nantes par plus de 600 « antifas » manifestant « contre le fascisme, le capitalisme, l’autoritarisme » au cours de la soirée du 21 janvier 202237. Le slogan scandé par les manifestants était le suivant : « À bas l’État, les flics et les fachos ». L’élu écologiste Tristan Riom, cinquième adjoint à la mairie de Nantes en charge du bâtiment, de l’énergie et du climat, jouant les idiots utiles, a posté ce tweet encourageant les activistes : « Marche aux flambeaux contre l’extrême droite. Du monde et de la musique, de quoi interpeller la vie nocturne nantaise sur l’avancée des idées nauséabondes dans notre pays ».
Combattre les démons : mobiliser en diabolisant
Les « antifas » les moins incultes ont entendu parler du conseil prêté au camarade Dmitri Z. Manouïlsky (1883-1959), un proche de Staline qui fut l’un des dirigeants du Komintern : « Accusez vos
adversaires de fascistes. Le temps qu’ils se justifient, vous avez tout le loisir de leur porter de nouvelles attaques ».
La leçon de ce génial stratège idéologique a été entendue par les accusateurs « antifas » : ceux qui croient devoir se défendre avec indignation d’être traités de « fascistes » sont voués à être toujours en retard d’une argumentation. On peut en conclure qu’il est vain, voire contre-productif, de répondre systématiquement et mécaniquement aux insultes, aux accusations mensongères et aux amalgames polémiques. Tout dépend des circonstances. Mais l’art de répondre au bon moment et d’une façon efficace à une opération de « fascisation » de l’adversaire (cas particulier de l’ « extrémisation » de l’adversaire) est un art difficile.
Aujourd’hui, les groupements politiques qui, dans leurs comportements violents et leurs visions manichéennes simplistes, ressemblent le plus aux milices fascistes historiques, sont les groupes dits d’extrême gauche, de gauche radicale ou d’ultra-gauche tels que les « antifas » ou les black blocs. Ce sont eux qui incarnent une menace réelle pesant sur la démocratie pluraliste. C’est ce qui justifie qu’on puisse recourir, pour les désigner, à une expression telle que « fascisme d’extrême gauche38 », illustrant une rétorsion d’argument en même temps qu’un retournement de l’injure diabolisante qu’est toujours le mot « fascisme » dans le discours des gauches39. Dans le cadre de ce même type de contre-argumentation, on pourrait tout autant, en référence aux chasses aux sorcières menées au nom de la culture « woke » sur les campus universitaires, dénoncer le « maccarthysme d’extrême gauche » qu’elles illustrent. Le prétendu « éveil » aux injustices et aux discriminations cache mal en effet la triste réalité d’une entreprise de délation, de persécution et d’exclusion de supposés « mal-pensants » qui détruit les libertés académiques et, plus largement, la liberté d’expression, c’est-à-dire l’une des conquêtes de la démocratie moderne.
Élargi à l’antiracisme et au néo-féminisme intersectionnel, l’antifascisme sans fascistes fonctionne comme un puissant dispositif de stigmatisation, de diabolisation et d’exclusion de l’adversaire, qui fait obstacle au débat démocratique en limitant dangereusement la liberté d’expression.
Tentons maintenant de répondre à la question : quel est l’objectif final des néo-antifascistes contemporains ? Il est de créer une société sans fascistes. Car tel est leur projet utopique d’une société parfaite, peuplée d’individus « défascisés », donc « déracisés ». Il y a là une forme faible et incomplète de religion séculière, comprenant cependant un dogme central, une théorie de l’action et une méthode de salut. La croyance dogmatique fondamentale est ici que le monde est intrinsèquement mauvais, parce que structuré par la violence, la domination, l’exploitation, la discrimination, dont l’expression idéologico-politique est le fascisme, le racisme, le sexisme, attribués aux « réactionnaires ».
Dès lors, comme l’affirme doctement un certain Geoffroy de Lagasnerie, « la philosophie et la science sociale consistent à dire la fausseté du monde » et « ont pour fonction de déstabiliser les institutions, d’anéantir leur sol, de dire leur caractère mystificateur40 ». On ne s’étonne pas de voir de Lagasnerie et ses compagnons de combat contre-réactionnaires s’adonner, en bande organisée, à des excommunications et des chasses aux sorcières, par exemple contre Marcel Gauchet, dénoncé par leur maître à tous Didier Eribon, le pieux foucaldo-bourdivin, comme « un sinistre idéologue ultra-réactionnaire41 ». Accusé d’être dangereusement « droitier » ou « réactionnaire », Gauchet peut être soupçonné d’être l’un de ces innombrables fascistes « masqués » qui, en France, attendent leur heure42. Mais, selon les plus visionnaires, le nouveau fascisme ne fait pas que menacer la France, il menace toute l’Europe. De nombreuses voix néo-antifascistes lancent régulièrement des avertissements du type suivant : « II n’est pas infondé de parler d’une nouvelle menace proto-fasciste pour l’Europe du XXIe siècle, à condition de souligner que ses formes pourraient être assez différentes de celles du passé43».
La désignation de l’ennemi absolu, à la fois haïssable et méprisable, est le geste mobilisateur par excellence et le signe de la pensée extrémiste, qui légitime inconditionnellement la violence.
Elle s’inscrit dans une démonologie qui n’a rien à envier à ses lointaines origines médiévales. C’est bien un combat contre Satan que mènent aujourd’hui les croisés « antifas » et les décoloniaux pseudo-antiracistes. Leur combat ne s’inscrit pas dans le champ politique : il est caricaturalement impolitique. Leur manichéisme, leur esprit d’inquisition et leur passion purificatrice font de ces fanatiques des dernières « bonnes causes » des personnages d’une mythologie en cours de formation.
Pierre-André Taguieff
Philosophe, politiste et historien des idées
Directeur de recherche au CNRS
Photo : dc_slim/Shutterstock.com
- Helen Pluckrose et James Lindsay, Le triomphe des impostures intellectuelles. Comment les théories sur l’identité, le genre, la race gangrènent l’université et nuisent à la société (2020), tr. fr. Olivier Bosseau et Peggy Sastre (version française revue et augmentée), préface d’Alan Sokal, Saint-Martin-de-Londres, H & O éditions, 2021. ↩
- Et ce, en dépit des efforts définitionnels des universitaires militants qui l’emploient. Voir par exemple Pierre Bourdieu, « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, n°528, mars 1998, p. 3 ; Samir Amin et al., « Qu’est-ce que le néolibéralisme ? », Actuel Marx, n°40, 2006/2, pp. 12-23. ↩
- Pierre-André Taguieff, Les contre-réactionnaires. Le progressisme entre illusion et imposture, Paris, Denoël, 2007. ↩
- Pierre-André Taguieff, Du diable en politique. Réflexions sur l’antilepénisme ordinaire, Paris, CNRS Éditions, 2014 ; id., Qui est l’extrémiste ?, Paris, Éditions Intervalles, 2022. ↩
- Voir par exemple Ugo Palheta, La possibilité du fascisme. France, la trajectoire du désastre, Paris, La Découverte, 2016 ; Enzo Traverso, Les nouveaux visages du fascisme, Paris, Textuel, 2017 ; Ludivine Bantigny et Ugo Palheta, Face à la menace fasciste, Paris, Textuel, 2021. ↩
- Claude Askolovitch, Pascal Blanchard, Renaud Dély, Yvan Gastaut, Les Années 30 sont de retour. Petite leçon d’histoire pour comprendre les crises du présent, Paris, Flammarion, 2014 ; Philippe Corcuff, Les Années 30 reviennent et la gauche est dans le brouillard, Paris,Textuel, 2014. ↩
- Daniel Lindenberg, Le Rappel à l’ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires, Paris, Le Seuil, 2002 ; Frédérique Matonti, Comment sommes-nous devenus réacs ?, Paris, Fayard, 2021. ↩
- Didier Eribon, D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française, Paris, Éditions Léo Scheer, 2007. ↩
- Pierre Bourdieu, « La transgression gay » (entretien), Télérama, 12 août 1998. ↩
- Pierre Bourdieu et le collectif Raisons d’agir, 1998 : « Pour une gauche de gauche », Le Monde, 8 avril 1998 ; http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/varia/pourgau.html. ↩
- Voir Pierre-André Taguieff, L’imposture postcoloniale. Science imaginaire et pseudo-antiracisme, Paris, Humensis/L’Observatoire, 2020 ; id., L’antiracisme devenu fou. Le « racisme systémique » et autres fables, Paris, Hermann, 2021. ↩
- Robin DiAngelo, Fragilité blanche. Ce racisme que les Blancs ne voient pas (2018), tr. fr. Bérengère Viennot, préface de Maxime Cervulle, Paris, Les Arènes, 2020 ; Ibram X. Kendi, Comment devenir antiraciste (2019), tr. fr. Thomas Chaumont, Paris, Alisio, 2020. ↩
- Alex Mahoudeau, La Panique woke. Anatomie d’une offensive réactionnaire, Paris, Textuel, 2022. ↩
- Pierre-André Taguieff, La nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une nuits/Fayard, 2002 ; id., « L’émergence d’une judéophobie planétaire : islamisme, anti-impérialisme, antisionisme », Outre-Terre. Revue française de géopolitique, n°3, janvier-mars 2003, pp. 189-226 ; id., Liaisons dangereuses : islamo-nazisme, islamo-gauchisme, Paris, Éditions Hermann, 2021. ↩
- Rivka Yadlin, « Le Machrek. Théologie et idéologie antisémites dans le monde arabe », in Léon Poliakov (dir.), Histoire de l’antisémitisme 1945-1993, Paris, Le Seuil, 1994, p. 356. ↩
- Ronald L. Nettler, Past Trials and Present Tribulations: A Muslim Fundamentalist’s View of the Jews (1987), 2e éd. corrigée, Oxford, New York, Pergamon Press, 1989 ; Robert S. Wistrich, Muslim Anti-Semitism: A Clear and Present Danger, New York, The American Jewish Committee, 2002 ; Meir M. Bar-Asher, Les Juifs dans le Coran, Paris, Albin Michel, 2019. ↩
- Robert S. Wistrich, Antisemitism: The Longest Hatred, Londres, Thames Methuen, 1991. ↩
- Pierre-André Taguieff, La nouvelle judéophobie, op. cit. ↩
- Pierre-André Taguieff, La nouvelle propagande antijuive. Du symbole al-Dura aux rumeurs de Gaza, Paris, PUF, 2010. ↩
- Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852), tr. fr. anonyme, Paris, Éditions sociales, 1969, p. 15. ↩
- Karl Dietrich Bracher, Zeit der Ideologien. Eine Geschichte politischen Denkens im 20. Jahrhundert, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 1982. ↩
- Raymond Aron, Les désillusions du progrès. Essai sur la dialectique de la modernité, Paris, Calmann-Lévy, 1969. ↩
- Pierre-André Taguieff, Le sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, 2004 ; id., Les contre-réactionnaires, op. cit. ↩
- Raymond Aron, « L’avenir des religions séculières » (1944), Commentaire, n°28-29, février 1985, pp. 369-383. ↩
- Raymond Aron, L’opium des intellectuels, Paris, Calmann-Lévy, 1955 ; id., Les désillusions du progrès, op. cit. ↩
- Raymond Aron, « L’avenir des religions séculières », art. cit., p. 370. ↩
- Howard Becker, « Säkularisierungsprozesse. Idealtypische Analyse mit besonderer Brücksichtigung der durch Bevölkerungsbewegung hervorgerufenen Persönlichkeitsveränderung », Kölner Vierteljahreshefte für Soziologie, Munich, Leipzig, 1932, pp. 283-294, 450-463. ↩
- Karl Löwith, Histoire et Salut. Les présupposés théologiques de la philosophie de l’histoire (1949), tr. fr. Marie-Christine Challiol-Gillet et al., Paris, Gallimard, 2002 ; Henri de Lubac, La postérité spirituelle de Joachim de Flore, Paris, P. Lethielleux, 1979-1981, 2 vol. ↩
- Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1965, p. 288. ↩
- Voir Philippe Buton, Histoire du gauchisme. L’héritage de Mai 68, Paris, Perrin, 2021, pp. 322-330.. ↩
- Voir Andy Ngo, Démasqués. Infiltré au cœur du programme antifa de destruction de la démocratie, tr. fr. Anne-Sophie Nogaret, Paris, RING, 2021. ↩
- Gilles Vergnon, L’antifascisme en France de Mussolini à Le Pen, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, pp. 25-33. ↩
- Mark Bray, L’antifascisme. Son passé, son présent et son avenir (2017), tr. fr. Paulin Dardel, Montréal, Lux Éditeur, 2018, p. 25. ↩
- Ibid., p. 304. ↩
- Ibid., en partic. pp. 17-36, 280-295, 301-305. Voir aussi Ariane Ferrand, « « Antifas » ou l’antifascisme d’une extrême gauche contre un « État dominateur et ses institutions » », Le Monde, 6 octobre 2021. ↩
- Voir René Rémond qui, dans L’anticléricalisme en France de 1815 à nos jours (Bruxelles, Éditions Complexe, 1985, p. 7), caractérisait l’anticléricalisme comme une « idéologie négative », laquelle se définit par rapport à l’adversaire désigné et non par un véritable projet politique. ↩
- Florian Cazzola, « Nantes : une manifestation « antifa » dérape, les réactions pleuvent et une polémique enfle », 22 janvier 2022, https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/nantes-une-manifestation-antifascisme-et-liberte-derape-les-reactions-politiques- pleuvent-1642850244. ↩
- Voir Gilles-William Goldnadel, Manuel de résistance au fascisme d’extrême gauche. Les fachos ont changé de côté, Paris, Les nouvelles éditions de Passy, 2021. ↩
- Sur la rétorsion d’argument, voir Marc Angenot, La parole pamphlétaire. Contribution à la typologie des discours modernes, Paris, Payot, 1982, pp. 215, 219-220. Angenot précise que, « dans le cas de la rétorsion, le polémiste se place, pour conduire son « attaque », sur le terrain même de l’adversaire. Il combat contre lui en lui « arrachant » ses propres armes » (ibid., p. 219). La rétorsion consiste donc à « reprendre l’argument de l’adversaire en montrant qu’il s’applique en réalité contre lui » (Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique. Théorie et pratique (1991), 2e éd., Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2013, p. 175). ↩
- Geoffroy de Lagasnerie, Penser dans un monde mauvais, Paris, PUF, 2017, p. 63. ↩
- Didier Eribon, cité in bibliobs, « Gauchet et Édouard Louis », 2 août 2014, https://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20140801.OBS5330/polemique-entre-marcel-gauchet-et-edouard-louis.html. Plus récemment, deux journalistes de gauche, dans le même hebdomadaire de gauche, se sont interrogés gravement : « Marcel Gauchet a-t-il viré à droite ? ». Voir Pascal Riché et Xavier de La Porte, « Mais alors, quelle mouche a piqué Marcel Gauchet ? », https://www.nouvelobs.com/idees/20220529.OBS59050/mais-alors-quelle-mouche-a-pique-marcel-gauchet.html. ↩
- Voir Raphaël Llorca, Les nouveaux masques de l’extrême droite. La radicalité à l’ère Netflix, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube/Fondation Jean-Jaurès, 2022. ↩
- Jean Batou, « Le fascisme du 21e siècle s’avance-t-il masqué ? », 3 juin 2014, https://www.pressegauche.org/Le-fascisme-du-21e-siecle-s-avance-t-il-masque-Il-n-est-pas-infonde -de-parler-d. ↩