A l’occasion des 150 ans de la proclamation de la République, la Revue Politique et Parlementaire a publié en septembre dernier « un cahier républicain ». Durant toute cette semaine, nous diffusons les contributions du « deuxième cahier républicain » rédigé par l’Observatoire de la vie politique et parlementaire pour les 150 ans des Assemblées de Bordeaux et de Versailles. Aujourd’hui la seconde partie de « La République reconstruit Paris » par Patrick Restellini.
Reconstruire et équiper la ville
Reconstruire est donc une affaire politique et financière autant qu’urbanistique dans un Paris dont la population est déjà lasse des aménagements non finis d’Hausmann et de travaux sous terre et en surface qui durent depuis 1849. Le réseau des casernes intra-muros doit-il être maintenu ? Les tracés rectilignes des rues qui ont, certes, mis à mal les systèmes de défense des insurgés doivent-ils être poursuivis ?
Reconstruire demande dès lors de l’ordre dans les opérations de déblaiement et de nivellement et de la cohérence au niveau de la voirie, d’autant que les points névralgiques que sont les anciens « embarcadères » (les gares) sont demeurés intacts.
Enfin Reconstruire fait appel à l’anticipation de services essentiels nouveaux destinés à une population parisienne appelée à croître et qui veut revivre, enrichir son savoir, développer son économie urbaine artisanale et de nouveau rayonner.
Thiers et les Républicains vont s’atteler à ce travail de titan en très peu de temps, assumant parfois leurs contradictions au regard du passé et singulièrement à l’égard du tant décrié Haussmann dont il faut bien convenir que la raison imposait de finir une fois pour toutes le plan…quoi qu’il en coûte.
En 1878, l’exposition universelle, au Champs de Mars, couronnera le retour de Paris sur la scène européenne ; un Paris sur la voie de la modernité même si des ruines de la Commune rappellent encore la guerre civile. De ces ruines, l’une d’entre elles, les Tuileries, nargue, pour quelques temps encore, les derniers orléanistes et « mameluks » impériaux…C’était le palais de leurs rois et empereurs.
Une reconstruction comme celle à laquelle est confronté le pouvoir politique relève de choix qui doivent répondre d’abord à une urgence sécuritaire devant le nombre d’immeubles menaçant ruine et face à un vagabondage inévitable et d’errance dès le 29 mai, lendemain de la chute de la Commune ; Paris passe sous le régime de la loi de 1849 sur l’état de siège et du maintien de l’ordre, soit donc la substitution de l’autorité militaire à l’autorité civile avec quatre commandements militaires ; ce régime d’exception va durer jusqu’au 4 avril 1876. Cependant, le pouvoir municipal va conserver la maîtrise des options urbanistiques et disposer, à cet effet, des libres recours financiers dont celui de l’emprunt et celui des dons pour des reconstructions de sites particuliers.
Un énorme travail de déblaiement (nécessitant une main d’œuvre du Paris intramuros mais aussi d’une population – sortie de Paris avant le siège – et qui revient dans la capitale) contribue à évaluer rapidement les orientations, les choix auxquels l’administration parisienne et le Gouvernement vont devoir apporter une réponse à la fois financière, politique et d’avenir (le rayonnement futur de Paris et le modernisme).
La société parisienne va se reconstituer relativement rapidement ; les « bourgeois » qui avaient quitté Paris dans les derniers jours d’août 1870 puis à la veille du siège reviennent dans la capitale en quelques jours ; étrangement dans ce Paris en ruine, la vie parisienne va reprendre ses droits, retrouver ses marques, ses lieux privilégiés, ses coutumes. C’est aussi cela une reconstruction ! Le besoin d’apporter une flamme de vie et d’espérance, sûrement avec des moyens plus sobres et plus humbles, mais qui complètent les tâches matérielles indispensables. Le relogement, le chômage sont bien là pour signifier que le retour d’une consommation qui relancerait l’économie risque de se faire attendre.
Le pouvoir politique (Thiers et l’Assemblée) est demeuré à Versailles…Une opportunité vraisemblablement qui profite au retour d’une paix sociale après la « semaine sanglante ». En ce mois de juin 1871, moins il y a de « politiques » « thieristes », républicains ou conservateurs à Paris, mieux c’est ! Le temps électoral viendra…et il arrive d’ailleurs assez vite, le 2 juillet 1871, pour pourvoir vingt-et-un sièges vacants suite aux exclusions ou aux options induites par le scrutin de février. Paris ne vote pas comme la province ; la capitale réélit Gambetta mais renvoie Victor Hugo et Clémenceau ; les républicains modérés et le centre gauche triomphent de l’extrémisme en emportant seize sièges ; les ruines étaient là pour rappeler aux électeurs, trente-quatre jours après, le bruit de la canonnade, les flammes, les fusillades arbitraires…
Mais contrairement à une idée admise, la reconstruction fut longue ; de nombreux travaux urbains ne furent finis que dans les années 1890, des ruines ne furent relevées que dix ans après, des projets furent abandonnés.
Priorité aux transports
L’un des atouts de la géographie parisienne réside dans ses gares, (les embarcadères à l’époque) et ses ponts sur la Seine. Des infrastructures « touchées » par des obus, mais parfois épargnées miraculeusement. On a vu l’effort entrepris pour remettre en état les ponts ferroviaires, les voies et les gares. C’était la condition essentielle à l’approvisionnement de Paris, au retour des populations qui avaient choisi l’exode avant l’encerclement définitif de la capitale, au nouveau flux de trafic voyageur qui devait s’opérer entre la proche banlieue et le centre-ville, à l’acheminement des matériaux pour la reconstruction.
Quant aux ponts sur la Seine, leur libre accès et leur solidité devaient continuer à assurer le passage d’une rive à l’autre ; une manière également d’éviter que se constituent deux ghettos confinés chacun dans une existence apocalyptique de façades éventrées, de chaussées retournées, de ruines en lambeaux. L’urgence commandait de rétablir, au sud-ouest de Paris, un franchissement indispensable de la voie ferroviaire dite « petite ceinture » et du franchissement de la Seine. L’effondrement de deux ponts va obliger les pouvoirs publics à reconstruire en les modernisant ces axes de passages : le pont de Grenelle s’effondre en 1873 et dès 1874 la décision est prise de le reconstruire en fonte ; en 1872, la corrosion des câbles de la passerelle de Constantine entraîne son écroulement si bien qu’il n’y a plus de franchissement du Pont de la Tournelle au quai Henri IV (la passerelle Damiette qui prolongeait la passerelle de Constantine avait été détruite en 1848) ; un décret du 4 août 1873 reprend un projet d’Haussmann de 1864 et permet l’édification du pont Sully inauguré en 1876.
En 1876, il est décidé, dans la perspective de l’exposition universelle de 1878, d’élargir et surélever le pont d’Iéna et construire une passerelle en acier pour piétons enjambant l’extrémité de l’Ile aux Cygnes, la passerelle de Passy (déplacée en 1903 puis détruite en 1905 et remplacée par le viaduc de Passy).
Une seconde génération de ponts s’inscrivant dans un cadre plus vaste de réaménagement urbain ou des expositions universelles de 1889 et 1900 vit le jour dans les vingt dernières années du siècle le pont de Tolbiac construit de 1879 à 1882 ; le remplacement (en fonte) du pont au Double entre 1881 et 1883 ; l’élargissement du pont d’Austerlitz de 1883 à 1885 ; la construction du pont Mirabeau de 1893 et 1896 et du pont Rouelle de 1897 à 1900 ; la passerelle Debilly en 1899.
La reconstruction et la réfection des voies de circulation et le nouveau pavage nécessite de repenser les transports d’autant qu’à la veille du conflit franco-prussien, Paris accusait un retard par rapport aux capitales européennes : trois lignes d’omnibus hippomobiles existaient privilégiant l’ouest parisien (Versailles, Sèvres et Boulogne) et la compagnie générale des omnibus (CGO) qui les exploitait perdit plus de 2 200 chevaux lors du siège et la Commune. La reconstitution d’une cavalerie n’est pas aussi rapide que prévue et les autorités publiques songent déjà à une autre forme de locomotion. En attendant, les trois lignes existantes sont poursuivies jusqu’au Louvre en juin 1873 ; en août de cette année-là, le Président de la République, Patrice de Mac Mahon signe un décret de concession pour la mise en exploitation de dix lignes qui relieraient la banlieue au centre de la capitale ; une ligne nouvelle relie, deux ans après ce décret le Louvre à Vincennes ; la CGO conserve le monopole d’exploitation pour toutes les portions de lignes à l’intérieur de Paris et deux autres compagnies portant le nom de Tramways (Tramways Nord et Tramways Sud) exploitent les réseaux au nord et au sud de la capitale. Mais la traction de ces voitures (dont certaines à « Impériale ») oblige les compagnies à entretenir une cavalerie nombreuse et très coûteuse (celle de la CGO est évaluée à 16 500 chevaux dans les années 1880) ; les omnibus hippomobiles circuleront jusqu’à la fin du siècle mais dès 1875, une expérience de traction par machine à vapeur est concluante de la porte de Châtillon à Saint-Germain-des-Prés ; au tour de locomotives à air comprimé en 1876 dans la banlieue est (Nogent, Saint-Maur) en attendant les accumulateurs pour une traction électrique en 1892 de la Madeleine à Saint-Denis. Lors de l’exposition internationale d’Electricité qui se tient à Paris en 1881, l’allemand Siemens ouvre la voie à la traction électrique par conduction aérienne. Le tramway électrique va remplacer l’omnibus hippomobile
Les revêtements de chaussée
« Au plan technique, la période 1871-1891 va enrichir puis codifier les principaux dispositifs mis antérieurement en place. La question du revêtement des chaussées est la préoccupation majeure des ingénieurs de la voie publique » * La circulation hippomobile dicte particulièrement le choix du revêtement et la préférence va au pavé de grès assurant sûreté et résistance au point qu’en 1878, un arrêté ministériel autorise la Ville à prendre « possession pour l’exploiter en régie d’une carrière dite « des maréchaux » à Senlis ».
En 1881, Paris imite Londres en introduisant le pavage en bois ; des expériences avaient été déjà tentées depuis l’Empire mais la population parisienne critiquait abondamment ce type de revêtement pour son odeur de pourriture du bois, sa surface glissante par temps de pluie et de neige ; les critiques continuèrent mais la Ville poursuivit l’extension du pavage en bois jusqu’en 1905, année à partir de laquelle l’asphalte comprimé puis les pavés « mosaïque » confirmèrent un coût moins élevé que le pavé en bois et une résistance aux besoins de la circulation (de plus, les inondations de 1910 apportèrent des vues surprenantes de pavés en bois flottant à la surface de l’eau !)
*La fabrication des rues de Paris au XIXème siècle, un territoire d’innovation technique et politique – Bernard Landau – Les annales de la recherche urbaine – 1992 n° 57/58 Espaces publics en villes pages 24 à 45
Finir le plan Haussmann, relever les ruines12
Lorsqu’Haussmann est limogé en janvier 1870, son plan de refonte des axes de circulation urbaine est pratiquement terminé (200 kilomètres de voies nouvelles entre 1852 et 1870) : « après dix-sept ans de chantier, la patience des Parisiens qui vivent entre gravats et échafaudages, est à bout…Haussmann est comparé à Attila ou surnommé « Osman Pacha »3. Zola dans La Curée décrit un « Paris haché à coup de sabre, les veines ouvertes, nourrissant cent mille terrassiers et maçons, traversé par d’admirables voies stratégiques qui mettront les forts au milieu.4.
En juin 1871, terrassiers et maçons vont donc se remettre à l‘ouvrage pour relever les ruines, redonner à certains quartiers abimés une dignité – non sans arasages parfois excessifs – développer de nouveaux centres urbains particulièrement dans les parties annexées de 1860, enfin finir les percées programmées à la chute de l’Empire.
– Trois percées deviennent essentielles : la partie centrale du boulevard Saint-Germain, ouverte en 1876) et son prolongement jusqu’à la place de la Bastille (boulevard Henri IV en 1877), renforçant ainsi le passage de la rive gauche à la rive droite de la Seine ; l’avenue de l’Opéra, achevée en 1876 et reliant les Grands-Boulevards à la rue de Rivoli et au centre de la capitale ; l’avenue de la République en 1882, complétant le réseau de voirie du triangle des trois places de l’est parisien (République – Bastille – Nation)
– Trois autres percées prévues par Haussmann verront le jour à la fin du XIX ème siècle et au début du XXème : l’avenue Mozart en 1896, la rue Réaumur en 1897 et le boulevard Raspail en 1906.
– Deux percées seulement seront décidées sous la IIIème République : l’avenue Emile Zola finie en 1905 et la rue Balard en 1912.
De nouveaux quartiers et monuments pour faire oublier la Commune
Les quartiers de l’ouest, de Grenelle, Auteuil, Passy jusqu’aux Batignolles profitent de la préparation de l’exposition universelle de 1878 et de la mise en chantier de Chaillot et du Champ-de-Mars pour renforcer la mise en valeur d’un patrimoine immobilier pour une classe sociale aisée.
Plus importantes et ambitieuses sont les zones urbaines aménagées jusqu’en 1889 : le sud de Paris, de Bercy à Vaugirard ; le nord-est, de Belleville jusqu’aux Lilas entre les Buttes Chaumont et le Père Lachaise et l’axe Nation-Bagnolet ; enfin le nord de Paris, de la Butte Montmartre jusqu’aux fortifications. Ces aménagements comprennent des plans locaux de lotissement et de création de logement…mais accélèrent l’émigration d’indigents, d’ateliers artisanaux, de petites industries et commerces du « Paris populaire » vers les périphéries « hors les murs » du sud et de l’est de Paris ; c’est également – sans le dire ! – une manière de faire oublier la Commune en densifiant la population par l’appel à une nouvelle classe moyenne de petite bourgeoisie.
Nouvelles affectations
Des institutions publiques changent de lieu : le Conseil d’Etat s’installe dans les parties du Palais Royal non atteintes par les incendies de mai 1871 ; il en est ainsi provisoirement de la Cour des comptes. Dès le lendemain de la fin des combats, le 29 mai, Thiers signe à Versailles un arrêté affectant au ministère des Finances « les bâtiments situés dans les dépendances du Louvre et comprenant les casernes, l’ancien ministère des Beaux-Arts, l’ancien ministère de la Maison de l’Empereur ».
Le Luxembourg est mis à disposition du préfet de la Seine ; le 31 mai 1871, Thiers signe un arrêté qui met à la disposition de l‘administration municipale de la Ville « les parties disponibles du bâtiment. Le préfet de la Seine s’installe au Petit Luxembourg et dispose d’une partie des communs du 36 rue de Vaugirard ». Les services municipaux s’installent tant bien que mal et n’hésitent pas à cloisonner les salons ; la Galerie du Trône est sectionnée, des baraques dressées dans la cour ; les archives du Sénat de l’Empire et les documents parlementaires relégués au deuxième étage du Palais.
De nouveaux monuments couvrent Paris : l’Opéra Garnier inauguré le 5 janvier 1875, remplace l’Opéra Le Peletier, détruit par un incendie en 1873 ; la pose de la première pierre de la basilique du Sacré Cœur a lieu le 16 juin 1875 (la basilique dont les travaux ont été entièrement financés par des dons et collectes privées) est inaugurée le 5 juin 1891 ; la synagogue de la rue de la Victoire commencée en 1867 sera ouverte au public en 1875 et celle des Tournelles entreprise en 1872 sera terminée en 1876 ; le palais du Trocadéro, sur la colline de Chaillot, est édifié pour l’exposition universelle (du 1er mai au 10 novembre 1878) et servira encore pour les expositions de 1889 et 1900 (puis détruit en 1937 et remplacé par l’actuel palais de Chaillot) ; le 14 juillet 1883 est inaugurée la statue définitive en bronze de la place de la République (1879) ; celle – tournée vers la Bastille – en bronze de la place de la Nation (place aux douze avenues) l’est en 1899.
La galerie de zoologie du Muséum national d’histoire naturelle commencée en 1877 est terminée en 1889 ; l’Institut Pasteur est inauguré en 1888 ; Le 4 avril 1878, l’édification du nouvel Hôtel des Postes sur son emplacement initial (Hôtel d’Armenonville, près du Louvre) est votée et sa livraison est effective en 1888.
Les Tuileries, Saint-Cloud… des arasages républicains
Les Tuileries, auraient-elles pu être restaurées ? l’architecte Hector-Martin Lefuel avait émis un avis positif, arguant que les ruines aux murs épais et solides autorisaient une restauration, moyennant une recomposition architecturale conservant la partie centrale ; il commença par démolir en 1874 les extrémités du Palais pour rebâtir les parties endommagées du Louvre, (les Pavillons de Marsan et de Flore) ; Viollet-le-Duc semblait y croire aussi dans son rapport de 1875 ; jusqu’en 1879, gravats et décombres à l’intérieur et l’extérieur rappelleront l’ampleur du sinistre.
Mais à l’inverse de l’Hôtel-de-Ville qui fut toujours le siège administratif de Paris, mais aussi la Maison commune du peuple parisien et l’âme de trois révolutions, les Tuileries symbolisaient le «pôle royal et impérial de la capitale »5 ; les républicains élus de 1876 et surtout de 1877 – et une fois acquise la certitude que les royalistes ne reviendraient plus au pouvoir – n’allaient pas tenter une restauration rappelant la somptuosité des Cours des Bourbons et napoléoniennes. La démolition est actée en 1882 par la Chambre des députés et les ruines adjugées, le 4 décembre 1882 pour 30 000 francs à un entrepreneur qui a six mois pour enlever les matériaux. En septembre 1883, plus de douze ans après son incendie volontaire, le Palais des Tuileries est définitivement arasé.
Mais que sont devenues ces ruines achetées par le démolisseur Achille Picard pour 33 500 francs ?
Achille Picard « gardera pour lui l’horloge du pavillon central. La grille sera vendue aux Esterhazy, les colonnes au couturier Worth, et à Victorin Sardou pour leurs propriétés d’Ile-de-France, un fabuleux tonnage de pierres au duc Pozzo di Borgo qui s’en servira pour la construction de son château de la Punta au-dessus d’Ajaccio et quelques vestiges à l’Etat qui les placera dans les jardins parisiens. Le Figaro, enfin, achètera des marbres pour les débiter en presse-papiers à l’intention de ses abonnés… ».6
A Arcueil, Courbevoie, Barentin, Saint-Raphaël, Marcilly d’Azergues, Salins et bien d’autres communes sont envoyés des vestiges achetés aux enchères par des particuliers ; d’autres rejoignent l’Italie, Berlin et même Quito en Equateur (pour la construction de la balustrade du palais présidentiel)
Dans quelques endroits de Paris, la dispersion de vieilles pierres au profit de l’Etat en 1883 porte encore témoignage de ce palais : une arcade placée d’abord à l’hôtel de Fleury en 1883 est visible désormais dans la cour Marly du Louvre ; sous le Carrousel du Louvre, de nombreuses statues, autrefois au fronton du palais ; une arcade restaurée dans les jardins des Tuileries et une autre dans ceux du Trocadéro ; les cours de l’Ecole des Beaux-Arts, quai Malaquais et de l’Ecole d’architecture, boulevard Raspail, renferment des colonnes et chapiteaux ; des fragments de l’escalier central et de la fontaine sont dans une cour privée de la rue Murillo (8ème ardt) ; enfin dans le square Georges Cain le fronton encore noirci du pavillon central avec son horloge (acquisition d’abord d’Achille Picard en 1883).
A Saint-Cloud, un seul bâtiment a échappé à l’incendie du château : le pavillon de Valois qui abritait les cuisines et les services de la Bouche. Les ruines du château resteront près de vingt ans les témoins des dynasties déchues et un lieu, comme pour d’autres ruines, de « tourisme » de guerre. Un projet de refondation sur les ruines, en 1879, d’un palais de cristal est vite abandonné pour finalement vendre, en 1892, ce qui reste de l’ossature carbonisée ; la commission des antiquités et des arts a juste le temps de décider la prise de vue photographiques des derniers vestiges avant la dispersion des pierres : certaines partiront en Bulgarie, des bas-reliefs en Belgique, des frontons, à Dreux, dans le parc de Jeurre sur la commune de Morigny-Champigny dans l’Essonne, ou encore à Villepreux dans les Yvelines ; une partie des grilles du château rejoint la propriété de La Punta du duc Pozzo di Borgo (voir ci-dessus les ruines des Tuileries) en Corse.
– Le pavillon de Valois a connu un sort différent et heureux ; Jules Ferry, à l’occasion du vote de la loi du 9 août 1879 et la création d’une école normale dans chaque département, fit du pavillon de Valois le lieu d’enseignement d’une Ecole Normale Supérieure d’Enseignement Primaire qui deviendra plus tard « l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud ».
– Plus près de nous, Saint-Cloud et le spectre de son château, c’est encore l’avant dernier acte de la chute de la IVème République au cours des deux rencontres nocturnes du général de Gaulle- dans l’appartement du conservateur du domaine national – le 26 mai 1958 au soir, avec le président du conseil sortant, Pierre Pflimlin, et le 28 mai avec les présidents des assemblées, André Le Troquer et Gaston Monnerville
Mais il faut aussi effacer les cicatrices des incendies ou destructions durant la « semaine sanglante » de mai 1871.
C’est une situation unique dans l’Histoire de la ville et les autorités publiques (la Ville tout comme l’Etat) seront confrontées à des choix cruciaux : reconstruire à l’identique ou non, financer ou non…dans une ville-capitale où le pouvoir politique (exécutif et législatif) y est encore pour longtemps absent, alors que la population y vit entourée de ruines, de murs noircis, de chantiers innombrables.
L’Hôtel-de-Ville (incendié le 24 mai 1871) et les Tuileries sont les symboles respectivement du pouvoir résistant et du pouvoir déchu, les symboles de la Mémoire révolutionnaire et du pouvoir
Le 10 août 1871, le conseil municipal n’hésita pas à acter le principe de reconstruction au même emplacement. Mais quelle reconstruction ? Partielle en masquant une partie des ruines ou totale ? Respectant le volume et la distribution ancienne (la façade du Boccador, particulièrement) du monument ou s’ouvrant à l’inspiration moderne de l’art contemporain « exprimant les conditions actuelles de la France »7. Le préfet Léon Say procéda à l’ouverture du programme du concours le 23 juillet 1872 et du 31 janvier 1873 au 10 juin, les architectes soumirent leurs projets. Théodore Ballu et Edouard Deperthes furent retenus. Comme pour toute reconstruction d’une telle ampleur, des travaux exploratoires et sondages durèrent jusqu’en 1875 ; l’incendie et les explosions intérieures avaient ébranlé les fondations et des ruines ne purent être conservées. C’est donc sur une plate-forme bétonnée que le nouvel Hôtel de Ville fut reconstruit. La couverture de l’édifice ne fut entreprise qu’en 1880 ; mais le 13 juillet 1882, l’Hôtel-de-Ville, bien que non terminé est inauguré.
Un premier don de Jules Cousin en 1872 (6 000 ouvrages et 10 000 estampes) puis en 1881 d’Alfred de Liesville permirent de reconstituer la bibliothèque de la Ville de Paris installée d’abord à l’Hôtel Carnavalet puis dans l’Hôtel Le Pelletier de Saint Fargeau.
Le Palais d’Orsay qui abritait le Conseil d’Etat « dressera ses murs noircis pendant trente ans sur les bords de la Seine »8 puis la Compagnie Paris-Orléans, nouveau propriétaire des ruines, construit sur son emplacement la nouvelle gare d’Orsay.
L’Hôtel de Siam, palais de la Légion d’Honneur est également reconstruit grâce aux dons des légionnaires et d’autres fonds privés et ses archives partiellement reconstituées.
Le Palais de justice restauré est également restructuré en même temps que la pointe ouest de l’île de la Cité réaménagée, suite à l’incendie de la Préfecture de police de la rue de Jérusalem ; en revanche la destruction des archives criminelles depuis 1790, et des archives judiciaire du début du XIX ème siècle, le greffe des registres paroissiaux et d’état civil constitue une perte irrémédiable.
La colonne Vendôme sera reconstruite, à la demande du Président de la République, Mac-Mahon. La loi le 30 mai 1873 précise même que la reconstruction sera portée aux frais (323 091,68 francs) du peintre Courbet à l’origine de la destruction (alors que Félix Pyat est l’initiateur du décret !) ; Courbet, exilé et ruiné refusera de payer après sa condamnation et meurt le 31 décembre 1877 ; la reconstruction (les plaques de bronze avaient été entreposées au palais de l’Industrie par les Versaillais dès le 23 mai 1871) est commencée en 1873 et terminée en 1875.
La reconstruction de la maison de Thiers, après le vote d’un crédit d’un million cinquante-trois mille francs par les députés à cet effet, est finie en 1873
L’assainissement et l’hygiène
Point faible de l’aménagement de Paris à la chute du Second Empire, la Ville va tenter de rattraper un retard criant en matière d’assainissement, au regard de ce qui a été réalisé dans d’autres capitales européennes, particulièrement Londres. L’ingénieur Eugène Belgrand, nommé en 1867 directeur des Eaux et Egouts de Paris (« un hydrologue et un géologue des plus forts » dira de lui Haussmann9), poursuit les plans élaborés déjà sous l’Empire en matière d’adduction d’eau. L’aqueduc de la Vanne, terminé en 1874, long de 173 km alimente alors Paris en eau potable depuis des sources souterraines de la région de Sens (l’aqueduc de la Dhuys alimentait déjà le réservoir de Ménilmontant depuis 1865) ; en 1897, débutent les travaux de l’aqueduc du Loing et du Lunain (fini en 1900). La bataille de l’eau n’était pas gagnée d’avance ; l’Etat rencontra une opposition ferme hors Paris pour les déclarations d’utilité publique relatives à l’élévation des aqueducs.
A l‘actif d’Eugène Belgrand, la mise en place du service de « l’annonce de crues » qui verra son utilité et l’efficacité des alertes de précaution lors de la crue de la Seine de 1876.
Après la bataille des aqueducs commence celle de l’assainissement. Le réseau d’égout atteint 600 km en 1878 (environ 2 500 km aujourd’hui !) et « augmente d’un tiers de sa capacité entre 1878 et 1890 ». A la mort de Belgrand en 1878, la direction des Eaux et Egouts est confiée à Couche jusqu’en 1885 et prend le nom de Direction des eaux et de l’assainissement10. Ce réseau va servir de matrice à d’autres réseaux parallèles qui vont s’imposer (le gaz et plus tard l’électricité, le téléphone et le pneumatique).
L’assainissement devient d’ailleurs une véritable « affaire » ouvrant des conflits entre propriétaires et les pouvoirs publics, voire également avec les vidangeurs qui voient dans le « tout à l’égout » une menace pour la profession et ses bénéfices qu’elle tire de la revente du contenu des fosses à des exploitants d’engrais. Mais les égouts sont à leur tour mis au ban…accusés de provoquer des odeurs nauséabondes ; les usines et dépotoirs des vidangeurs, au contraire, sont accusés de polluer les sols et l’atmosphère et en juin 1880, la Ville de Paris supprime les fosses d’aisance, mettant fin au lobby des vidangeurs ; en 1886 est autorisé le raccordement des immeubles au tout-à-l’égout avant que la loi de 1894 le rende obligatoire.11
Les odeurs continuent…et la « commission technique de l’assainissement de Paris » qui a succédé à la commission ministérielle adhoc appelée ironiquement « commission des odeurs » s’en remit à l’énumération de tous les établissements (à Paris ou hors Paris) dangereux, incommodes et insalubres, aux usines intramuros ou aux émanations des cimetières, causes de la pollution et s’en suivirent une série de règlements contraignants…mais rapidement contournés.
La maîtrise de la politique de l’eau (eau potable en habitation et eau de fontaine – fontaines Wallace – et eau de nettoyage ou eau de rue couplée à la mise en place du tout-à-l’égout ont aussi une visée hygiénique, de ralentissement puis d’extinction des maladies épidémiques : la typhoïde fait encore environ 2000 victimes annuellement.
Lieux d’inhumation et de crémation
Inhumation et obsèques…sujet épineux entre l‘Etat et les cultes que la jeune République va gérer avec diplomatie, respect mais surtout adoption de principes d’intérêt général au-dessus des considérations partisanes.
Le nombre de victimes durant la Commune et les quatre mois qui l’ont précédée mettait au grand jour une déficience patente des lieux de sépultures ; de plus, le nombre d’indigents ne cessait de croître. Les cimetières parisiens se trouvaient situés dans la zone annexée de 1860 : outre Montparnasse, le Père Lachaise et le cimetière de Montmartre, étaient insérés dès lors dans le nouveau Paris les cimetières d’Auteuil, des Batignolles-Monceaux, de Belleville, de Bercy, de Charonne, de Grenelle, de La Chapelle et La Villette ; un nouveau cimetière avait été créé à Ivry en 1861, après un premier rejet du projet d’Haussmann de vouloir transférer les cimetières de Paris…à Méry-sur-Oise. Le projet « Méry-sur-Oise » revint dans les débats au Conseil municipal de Paris au lendemain de la Commune au point d’être adopté, en août 1874, avec à l’appui une desserte du cimetière par une voie ferrée.12
Entre temps, un nouveau cimetière était construit à Saint-Ouen en 1872 ; celui d’Ivry est agrandi en 1874. Le coût élevé de l’opération « Mery » conduisit prudemment à son abandon pour s’en remettre à partir de 1883 à l’implantation de cimetières parisiens dans la banlieue périphérique : Pantin et Bagneux en novembre 1886 ; le réseau des lignes nord et sud de tramways, à la fin de 1884 – et reprise de l’exploitation des concessions par décret du 8 août 1890 – permet un accès plus facile de la population parisienne à ces cimetières.
« Dès 1873, des personnalités du monde médical préoccupées d’hygiène reparlent de l’incinération en France. L’Eglise catholique y est fermement opposée pour respecter le symbole de la « mise au tombeau » ] et le réaffirme en 1886 […Cette bataille juridique va durer sept ans pour aboutir à la loi du 15 novembre 188713 sur la liberté des funérailles qui permettra à tout majeur ou émancipé de choisir, librement, le caractère civil ou religieux de ses funérailles et le mode de sépulture »14. L’expression « mode de sépulture » autorise donc l’incinération ! Le décret des 27 avril/4 mai 1889 la légalise (titre III – De l’incinération) et le premier crématorium est construit au Père Lachaise la même année.
Les hôpitaux
La guerre, l’afflux des blessés, le siège puis la Commune conduisirent la République naissante et la ville de Paris à mettre en place une véritable politique de restructuration des hôpitaux.
La guerre, l’afflux des blessés, le siège puis la Commune conduisirent la République naissante et la ville de Paris à mettre en place une véritable politique de restructuration des hôpitaux. La question de la place des hôpitaux et des hospices dans la ville avait reçu une première réponse non pas des médecins mais…d’Haussmann ! Les expropriations pour assurer de larges percées et la mise en œuvre de nouveaux quartiers avait entraîné aussi la destruction d’hospices et maisons de retraites ou dans le meilleur des cas le déplacement de ces établissements en périphérie et banlieues. Haussmann, dans ses mémoires : les maisons de retraite « n’avaient qu’à gagner, tout au contraire, à s’éloigner de ce milieu, pour se rétablir sur des points où leurs pensionnaires trouveraient plus d’espace, un air meilleur, et le calme convenable à leur âge » ou encore « l’accroissement de la population de Paris multipliait, suivant une inquiétante progression, le nombre des vaincus de la vie dont il fallait assurer le repos final » !15
La « commission d’embellissement » d’Haussmann dicte la politique de délocalisation des hospices sans pour autant s’inquiéter le l’état de délabrement dans lequel se trouvent les hôpitaux généraux et les conditions d’hospitalisation des malades.
On distingue bien sur la carte des hôpitaux généraux à Paris, à la chute du second Empire les implantations centrales et périphériques dans les arrondissements rattachés depuis 1860.
Dans le Paris central : La Pitié (démolie en 1896), la Charité (hôpital des Frères Saint-Jean-de-Dieu rue des Saints-Pères), Lariboisière, Beaujon rue du faubourg Saint-Honoré, désaffecté en 1937 ; l’hôpital Saint-Louis (ancien hospice du Nord) est spécialisé dans la dermatologie.
En périphérie immédiate de l’ancien Paris : l’hôpital pour enfants Sainte-Eugénie – ancien hôpital des enfants trouvés du faubourg Saint-Antoine – , Necker et Cochin.
La construction d’un hôpital est commencée en 1870 au nord-est de Paris sur les hauteurs de Ménilmontant : Tenon dont les travaux sont interrompus par la guerre et la Commune.
La destruction du vieil Hôtel Dieu qui « symbolisait ce qu’il y avait de pire dans les hôpitaux parisiens »16 et l’édification d’un nouvel Hôtel Dieu à gauche de Notre-Dame sont entreprises.
En 1878, Tenon et l’Hôtel Dieu seront finis. Depuis 1870 un hôpital temporaire en lieu et place de l’Hospice des incurables de la rue de Sèvres devient annexe de la Charité et en 1879 prend le nom de Laënnec.
En 1880, l’hôpital du faubourg Saint-Antoine prend le nom d’hôpital Trousseau puis démoli pour laisser place à l’actuel hôpital Saint-Antoine dans un quartier entièrement redessiné.
Bichat, au nord de Paris, ouvre en 1882 ; Broussais, au sud de la capitale en 1883 ; hôpital d’Aubervilliers en 1884 (futur hôpital Claude Bernard, en 1904) ; et grâce au legs de Marguerite Boucicaut l’hôpital Boucicaut en 1897. Puis vinrent (actuel ensemble hospitalier Robert Debré) trois hôpitaux pédiatriques qui ouvrent à quinze jours d’intervalle en mars 1901 (le 1er mars, Bretonneau, rue Carpeaux ; le nouveau Trousseau, le 15 mars, rue Michel Bizot ; le 30 mars, Hérold, place du Danube dans le XXème arrondissement).
Les écoles et lycées
« A Paris, pendant ces quarante années qui séparent la Commune de la Première guerre mondiale, ce sont environ trois cents écoles qui ont été édifiées. Dès lors, l’école apparaît comme un équipement privilégié qui permet d’interroger les politiques urbaines »17. Ce sont ces écoles de Jules Ferry, « de briques et de pierres si semblables dans leur construction fin de siècle » mais dont la répartition dans la ville et leur situation dans le tissu sociologique parisien témoignent des idées sociales et du rationalisme du ministère Ferry.
En 1871, Octave Gérard, vice recteur de l’Académie de Paris note dans un rapport que « les écoles parisiennes n’accueillaient seulement la moitié des enfants en âge scolaire, soit 48% des garçons et 42 % des filles, qui se répartissaient de manière à peu près égale entre établissements laïques et établissements congréganistes ». Le rythme de construction (structures provisoires en bois et bâtiments définitifs) va permettre un accueil de plus en plus important d’enfants en âge scolaire.
Au 317 écoles publiques en 1882, permettant un accueil de 107 000 élèves à Paris, vont s’ajouter une cinquantaine d’écoles entre septembre 1882 et avril 1883, soit 16 000 places supplémentaires ; et encore cent écoles nouvelles jusqu’en 1902.18
De l’enseignement primaire supérieur aux Ecoles d’art et techniques de la ville de Paris.
Une prolongation de la scolarité après le certificat d’études, autorisant à une poursuite des études en dehors du système élitiste en privilégiant la voie professionnelle.
Une loi Guizot du 28 juin 1833 avait créé une école pour « sous-officiers de l’industrie et du commerce », selon l’expression de Gabriel-François Filon19 et la première école (l’école Turgot), à Paris, vit le jour en 1839 ; en 1850 « l’enseignement primaire supérieur » fut supprimé (loi Falloux) puis rétabli en 1852 ; ainsi, en 1868, une seconde « école Turgot », fondée sur les mêmes principes d’école intermédiaire entre le primaire et le lycée, prit le nom de Colbert.
Le succès de cette « prolongation de la scolarité après le certificat d’études, autorisant une poursuite des études en dehors du système élitiste en privilégiant la voie professionnelle » était au rendez-vous et la République poursuivit l’œuvre éducative et sociale : Lavoisier à la rentrée de 1872, Jean-Baptiste Say en janvier 1873, Arago en octobre 1880.
Parallèlement à l’enseignement primaire supérieur se créent des écoles d’arts et techniques : l’école Du Breuil (horticulture) est conçue en 1867 ; la Ville de Paris va ouvrir trois écoles d’arts appliqués dont l’une – l’école Duperré (mode) – avait été créée dès 1856 ; l’école Boulle, en 1886, prépare aux métiers de l’ameublement ; la troisième école, d’arts et industries graphiques, en 1887, se nomme « école municipale du livre Estienne »
Aux six établissements parisiens (Louis-le-Grand, Henri IV, Charlemagne, Condorcet, Saint-Louis et le collège Rollin), s’ajoute en 1870 à Vanves un septième lycée de garçons, en lieu et place de la Maison des champs (qui date de 1798). Dans le Paris Haussmannien de la décennie 1860-1870, l’implantation de lycées, tant au centre que dans la partie des banlieues annexées, ne constitue pas une préoccupation majeure d’Haussmann ni du pouvoir impérial ; certes, les moyens de locomotion et de déplacement sont encore limités…
A partir de 1872, Paris connait une forte croissance de population, souvent concentrée dans un ou deux quartiers : « Picpus, (12ème), Gare (13ème), Petit-Montrouge et Plaisance (14ème), Saint-Lambert et Javel (15ème), Auteuil et Porte-Dauphine (16ème), Plaine Monceau et Epinettes (17ème), Grandes Carrières et Clignancourt (18ème), Amérique (19ème), Saint-Fargeau (20ème)…le recensement de 1891 montre que les enfants de moins de cinq ans étaient beaucoup plus nombreux dans les faubourgs que dans les dix premiers arrondissements…».20
La reconstruction post 1871, la poursuite de l’aménagement urbain et la mise en œuvre d’une politique développée des transports vont encourager la construction de lycées mais seulement à partir des années 1880 ; De 1880 à 1890, sept lycées sont inaugurés ; cinq dans l’ouest et le centre – Fénelon (1883), Janson-de-Sailly (1884), Racine (1887), Molière (1888), Buffon (1889) ; un dans l’est – Voltaire (1890) ; et un autre en banlieue sud, Lakanal à Sceaux en 1885).
Dans les dix dernières années du XIXème siècle, quatre autres lycées seront construits : Montaigne en 1891, Lamartine en 1893, Carnot et Victor Hugo en 1895.
On remarque que l’ouest, le nord-ouest et le centre demeurent privilégiés et que seuls deux lycées sont édifiés sur la limite intérieure périphérique des extensions de 1860 : Voltaire et Buffon (Jules Ferry le sera en 1913). A la veille de la première guerre mondiale, les quartiers populaires du nord, est et sud de Paris sont encore dépourvus de lycées. Mais la scolarisation en lycée en trente-cinq ans est passée de 6 300 à près de 17 000 élèves (dont 21% de jeunes filles aux lycées Racine, Jules-Ferry, Lamartine, Fénelon, Victor Hugo et Victor Duruy) ; un renversement de tendance du à la politique éducative et laïque de la IIIéme République, au début de laquelle « la situation de l’enseignement secondaire classique parisien était restée à peu près la même que sous le premier Empire alors que la surface de la ville avait presque doublé et que sa population s’était accrue de plus de 70 % ».21
Patrick Restellini
Professeur d’Histoire honoraire
Ancien conseiller auprès de l’IA du Val-de-Marne
Évolution de Paris 1860-1900
- Atlas historique de Paris – Paris en 1900 ↩
- Les travaux de Paris 1789-1889 – Atlas – 1889 – sous l’administration de E Poubelle et la direction de A. Alphand. ↩
- Le Paris d’Haussmann : la transformation d’une ville – Juliette Glikman, docteur en Histoire, chercheur associé à Paris-Sorbonne – juin 2019 ↩
- Ibid ↩
- Nouvelle Histoire de Paris – Stéphane Rials – de Trochu à Thiers – la fin du Paris des barricades – p. 530 ↩
- Ibid ↩
- Atlas historique de Paris – Paris en 1900 ↩
- Nouvelle Histoire de Paris – Stéphane Rials – de Trochu à Thiers- la fin du Paris des barricades – p. 530 ↩
- Dans « La Jaune et la Rouge », revue des anciens élèves de l’Ecole Polytechnique – décembre 2010 ↩
- La fabrication des rue de Paris au XIXème siècle, un territoire d’innovation technique et politique – Bernard Landau – Les annales de la recherche urbaine – 1992 n° 57/58 Espaces publics en villes p. 28 à 45 ↩
- Les eaux de Paris et la commission des odeurs – parismyope.blogspot.com – 2016 ↩
- Histoire de Paris De nouveaux cimetières – page 152 ↩
- Cimetières Inventaire général – Le cimetière du XIXème siècle – cadre historique et juridique : article 10 de la loi du 15 novembre 1887 : « La sépulture dans le cimetière d’une commune est due 1) aux personnes décédées sur son territoire quel que soit leur domicile, 2) aux personne domiciliées sur son territoire alors même qu’elles seraient mortes dans une autre commune,3) aux personnes non domiciliées dans la commune mais y ayant droit à une sépulture de famille » ↩
- Naissance, vie et mort des cimetières par Pascal Moreaux – L’Esprit du temps – étude sur la mort – 2009/2 n° 136 ↩
- Cité par Françoise Salaün –Approche historique du thème des restructurations hospitalières à travers trois exemples parisiens au XIX ème siècle – la documentation française – Revue française des affaires sociales – 2003/3 pages 9 à 26 ↩
- Histoire de Paris De nouveaux hôpitaux – page 147 ↩
- Les écoles primaires construites à Paris entre 1870 et 1914 in Histoire de l’Education n° 25 – 1985 pages 109 et 110 ↩
- Histoire de Paris – L’enseignement primaire page 349 ↩
- Institut Français de l’Education – édition électronique- Ecole Turgot (écoles) par Gabriel-François Filon ↩
- Histoire de Paris – Répartition spatiale de la population parisienne pages 132 et 133 ↩
- Les lycées dans la ville : l‘exemple parisien – Marc Le Coeur ↩