Le 24 février, la Russie a lancé une offensive militaire contre l’Ukraine. Pour la Revue Politique et Parlementaire, Thomas Flichy de La Neuville fait chaque jour un point de conjoncture sur la situation.
Si l’opinion russe désapprouve majoritairement la guerre d’Ukraine tout en conservant son attachement pour Vladimir Poutine, c’est qu’elle estime sans doute que son gouvernement a pris un risque gigantesque en s’engageant dans cette opération. Le risque dépasse d’ailleurs de loin les opérations militaires. L’échec de la guerre-éclair initiale au profit d’opérations méthodiques de réduction de l’adversaire en zone rurale puis urbaine importe en effet beaucoup moins que les conséquences géopolitiques à long terme du conflit.
Que l’on en juge : la puissance américaine déclinante avait fait l’erreur de s’opposer tout à la fois à la Russie et à la Chine. Or voici qu’une opportunité exceptionnelle se présente pour les États-Unis : achever de vassaliser l’Europe occidentale tout en allumant un couloir de feu entre l’Usine européenne et les réservoirs énergétiques russes. L’occasion n’est que trop belle pour une puissance qui a le privilège de réserver à son seul profit le déclenchement des guerres justes. De ce point de vue, le précédent de la stérilisation économique de l’Iran par les États-Unis peut nous laisser entrevoir le sort réservé à la Russie, quelle que soit l’issue du conflit.
Les opérations de débranchement massif actuellement en cours entre les économies allemandes et russes en témoignent. Il en résultera un appauvrissement massif de l’Europe et de la Russie. Mis à part les ventes d’armes, l’ensemble des secteurs économiques en pâtira. La Russie n’aura alors d’autre choix que de se rapprocher de la Chine ou d’en devenir la colonie. Pour lui résister, elle devra relancer sa démographie faiblissante et surtout conserver sa pugnacité militaire. La dernière Nation européenne sera finalement vouée à fournir des gladiateurs à l’Empire de Chine. Après l’éclipse de l’ultime astre européen viendra le temps de la confrontation entre les Empires technologiques desséchés américains et Chinois. Le premier n’eut pas le temps de faire émerger une culture alors que le second la décapita lors de la révolution culturelle. Cette lutte ne sera pas absolue. Après tout, deux lutteurs doivent s’appuyer l’un sur l’autre pour ne pas tomber et lors des trêves émergera un curieux condominium sino-américain. L’Ukraine aura ainsi été le déclencheur d’une transition majeure.
Thomas Flichy de La Neuville
Professeur d’université