A l’instar du père de la relativité Einstein, le Président réélu laisse entrevoir un rapport particulier à la notion de temps. Fougueux lors de son élection en 2017, il laisse en 2022 « les heures s’étirer comme des semaines ». Que veut-il faire du pays dans les cinq prochaines années, nous ne cessons de l’exiger, mais rien ne vient.
Lui qui scandait lors d’un meeting, ils furent rares, organisé dans la cité phocéenne, sa ville de cœur, pas vraiment enthousiasmé par sa venue si l’on en croit les feuilles de présence des militants marseillais LREM : « je n’ai aucune envie de faire cinq ans de plus. Non, je ne veux pas les faire en plus, je veux complètement refonder ». Mais veut-il simplement les faire. S’il fit le serment lors de son investiture de « léguer une planète plus vivable et une France plus vivante » la banalité rhétorique de la formule pourrait laisser présager un Président blasé, retranché dans ses dossiers internationaux. Ou à contrario, est-ce que cette quête du calme chercherait à susciter de l’anxiété parmi la population d’un pays qui n’en peut plus de cet intermède, avant une tempête de réformes comme le pays n’en a jamais connue ?
Le calme avant la déprime
Epuisée ou lassée par deux ans de Covid, puis réveillée bruyamment par le bruit des canons, signature d’une guerre qui se tient à ses portes, la France pensait se divertir de quelques agapes politiques. Celles qu’elle aime tant détester mais qui en réalité font le sel de sa culture en tant que peuple, si l’on en croit les analyses des sociologues. Or sa récompense fut une campagne morose ; dont les perspectives étaient déjà écrites cinq auparavant, lorsque sa population décrivait dans chaque sondage publié à échéance régulière, son rejet pour un second duel Macron/ Le Pen.
Le moral du pays ne sera pas davantage remonté à l’aune d’élections législatives qui s’annoncent sans éclat.
Macron est confirmé, la droite et la gauche sont définitivement effacées de la zone de combat politique. Le Pen tente par tous les moyens d’achever à grand coup de botte chaque poche de résistance siglé d’un Z qui veut dire Zemmour, et tente de faire croire que le scrutin pourrait provoquer la surprise de livrer sur le pas de sa porte un groupe de 60 députés augurant d’une extatique jouissance d’une saisine systématique du Conseil constitutionnel à chaque loi lepeno-incompatible. Mélenchon joue à la console Nintendo-Matignon ; sans vraiment prendre le risque du combattant qui ne se présente pas à sa succession dans la cité qui n’est plus sa ville de cœur, il s’évertue à bâtir des alliances et s’amuse à devenir virtuellement le premier Premier ministre élu par les Français. Sa « réduction phénoménologique » ou épochè pour les amateurs de philo consiste à suspendre radicalement l’approche naturelle du monde pour le déposer Rue de Varenne. Du côté du nouveau gouvernement les désirs d’explication sont également peu amènes.
Hormis quelques obligations provoquées par quelques crises, tantôt politique, la nomination au poste de ministre de Damien Abad en est une, tantôt sécuritaire, le fiasco de l’organisation de la finale de la League des champions en est une autre, la Première ministre se terre à Matignon et gère des affaires courantes dont personne ne connait le fil rouge ; pas même la représentation nationale.
C’est dire… Il serait temps de contrarier Pompidou et de se remettre à exciter les Français, car en ce moment ils « s’emmerdent », d’un ennui mortifère.
Ou est-ce la tempête prélude à la course à la succession de Jupiter ?
Est-ce possible qu’un aussi jeune président ait sombré dans une forme d’ataraxie stoïcienne ? Ou sommes-nous à l’approche d’un prochain discours de politique générale d’une Première ministre, dont on connaît la force de travail et la capacité à avancer mécaniquement, qui se polariserait sur trois réformes (enfin) révolutionnaires ? Révolutionnaire parce qu’utile au pays et parce qu’il faut chercher dans la politique du futur ex-président les clés d’une compétition qui devrait aboutir à la désignation d’un héritier (ou une). Elle se fera les armes à la main et non par un simulacre d’adoubement népotique sur lequel les Français auraient plaisir, le moment venu, à essuyer leurs souliers.
- Une révolution écologique puisque la cheffe du gouvernement se drape dans de tels habits formant avec Mmes Pannier-Runacher et Montchalin les Moires (ou les Parques c’est selon vous), ces trois divinités du destin ; la première chargée de tisser le fil de la vie, la deuxième de le dérouler, la troisième de le couper pour former ainsi le cycle cosmique de la prochaine transition écologique française.
- Une révolution industrielle : n’a-t-on pas accordé au Baron Le Maire, le prestigieux duché de la souveraineté industrielle. Celui qui devrait détenir le record de longévité au poste de surintendant des finances devra, s’il souhaite se présenter en 2027, être adoubé d’un très difficile titre de gloire. Réanimateur du modèle industriel français, en ayant permis à la France de retrouver ce lustre. Voilà le rite de passage auquel il doit se plier avant de faire état de ses ambitions et s’opposer ouvertement aux autres prétendants au trône, vacant en 2027.
- Une révolution des Finances publiques : le plus jeune membre du gouvernement de l’histoire de la Ve république (il a battu de quelques mois le record établi par François Baroin en 1995), candidat à sa réélection dans la 10e circonscription des Hauts-de-Seine et ancien méritant porte-parole du gouvernement est l’un des espoirs de la macronie. Affirmer son sérieux vis-à-vis du peuple français consiste à savoir faire fructifier ses « petites économies ». Or, le niveau abyssal des dépenses publiques et de la dette sont tels que, si M. Attal se muait en faiseur de miracles, il mériterait de poursuivre son parcours déjà honorable.
En attendant, il nous tarde de savoir si le Président Macron se fond déjà dans les habits d’un roi fainéant ou s’il prépare une révolution de palais.
Le pays présente un air hagard, méfiance. Rappelons-nous que dans un éditorial de mars 1968 paru dans Le Monde, le journaliste Pierre Viansson-Ponté titrait son texte « Quand la France s’ennuie ». Si les amateurs d’anecdote aiment à se souvenir de ce drôle de titre. Nous avons oublié qu’il expliquait comment la France des Trente Glorieuses s’ennuyait dans un État « ni vraiment malheureux ni vraiment prospère » et comment cet ennui la rendait inflammable. Mai 68 répondit rapidement à ce présage. L’incroyable hauteur de l’inflation et l’obsession d’une réforme des retraites, entre nous inutile, pourrait mettre fin à cet ennui de façade.
Jacky Isabello
Cofondateur de l’agence de communication Coriolink