Cet article détaille les enjeux climatiques et technologiques autour du logement et du travail, en intégrant une analyse de l’évolution sociale et une réflexion sur la nécessité d’un nouveau contrat social pour répondre aux défis de 2027.
Moloch incarne les structures déshumanisantes de la société industrielle et capitaliste – un monstre insatiable qui consume les vies humaines pour alimenter une machine de pouvoir et de production.
Il n’y aura ni placebo ni posologie toute prête, retour à une lutte des classes et à l’imagination au pouvoir ou marche supplémentaire à l’asservissement humain face à la technique que décrivait Günther Anders (‘L’Obsolescence de l’homme).
La question sociale au cœur de 2027 : Logement et travail sous l’emprise du changement climatique et de l’IA
En 2027, la question sociale pourrait bien s’imposer comme le thème central du débat public en France, rassemblant autour d’elle des préoccupations sur le changement climatique, la mutation du travail et le sentiment grandissant de déshumanisation. Derrière elle, deux forces majeures redessinent les contours du quotidien : la crise climatique, qui bouleverse nos conditions de vie et notre relation au patrimoine, et la transformation accélérée du travail sous l’effet de l’intelligence artificielle (IA).
Ces dynamiques, qui impactent les classes moyennes, créent de nouvelles fragilités sociales.
Alors que les générations futures doivent affronter des défis sans précédent, se pose la question de savoir si l’État parviendra à répondre aux besoins croissants de sécurité et d’inclusivité ou si une fracture sociétale plus profonde se dessine.
Le logement en péril : Sécheresse, fissures, inondations, et le désengagement des assurances versus des hausses massives de primes
Le logement a toujours été l’un des fondements de la sécurité économique et sociale en France, un pilier de la stabilité et de la réussite sociale. Cependant, les effets du changement climatique viennent fragiliser cette promesse républicaine, menaçant non seulement l’intégrité physique des habitations mais aussi l’accès à la propriété pour les classes moyennes. La sécheresse, qui affecte de nombreuses régions françaises, engendre des fissures dans les maisons bâties sur des sols argileux, provoquant des mouvements de terrain qui déstabilisent les fondations. Ce phénomène, bien que souvent invisible pour le grand public, met en danger les biens immobiliers et entraîne des coûts de réparation élevés.
Dans ce contexte, les assurances, autrefois garantes de la sécurité patrimoniale, réévaluent leurs politiques face aux risques accrus. Les primes augmentent, et dans certaines zones particulièrement exposées, les contrats d’assurance sont tout simplement refusés.
Cette évolution affecte en premier lieu les classes moyennes, qui comptent sur leur bien immobilier comme patrimoine de sécurité.
Désormais, habiter dans des zones touchées par le changement climatique devient un risque économique, avec des conséquences sur la revente et la capacité de transmettre un patrimoine à ses descendants. Pour les propriétaires concernés, cette situation crée un stress quotidien, exacerbé par le sentiment d’injustice de voir leur investissement menacé sans possibilité de recours.
Même si le déni existe comme la faible perception des évolutions il règne un pressentiment anxiogène dans les éthers de la société contemporaine.
Mais la sécheresse et les fissures sur les maisons ne sont qu’un exemple parmi d’autres.
L’exemple de Valence : un révélateur de l’incapacité des assurances à couvrir les zones à risque
Les événements récents à Valence, en Espagne, illustrent l’impact des inondations sur les infrastructures et la sécurité des habitants. Cette catastrophe, causée par des pluies torrentielles, a transformé les rues de la ville en torrents, détruisant habitations et infrastructures. Des quartiers résidentiels entiers ont été submergés, forçant des milliers de familles à évacuer. Outre les pertes matérielles, cette inondation a mis en lumière la vulnérabilité croissante de certaines régions face au changement climatique, ainsi que les limites du système assurantiel.
Comme en France, les assureurs espagnols se montrent de plus en plus réticents à couvrir les habitations situées en zones à risque. Dans les quartiers inondés de Valence, de nombreux contrats d’assurance ont été annulés ou sévèrement limités. Les propriétaires se retrouvent ainsi sans filet de sécurité financier face à la dégradation de leurs biens. Cette situation révèle une autre dimension de la crise climatique : l’inégalité croissante d’accès à la sécurité patrimoniale. Pour les familles touchées, cet abandon représente une rupture du pacte de solidarité.
En Espagne comme en France, le désengagement des assureurs crée un climat d’incertitude et amplifie la perception d’un avenir précaire.
Ce n’est pas l’objet de ce papier mais la responsabilité, dispersée sur de nombreux décideurs, de choix faits au mépris des lois naturelles au profit de désinvoltes orientations factuelles trouvent dans ces catastrophes des conclusions qui résonnent, on l’espère, comme des leçons.
Travail et IA : une mutation radicale des rapports professionnels
Parallèlement à la crise de l’habitat, le monde du travail subit une transformation rapide, marquée par l’introduction massive de l’intelligence artificielle et la quête de productivité. Ce basculement, encouragé par les pressions économiques, modifie les rapports au travail, menaçant non seulement les emplois mais aussi la sécurité salariale des travailleurs. Les chatbots et les systèmes d’IA conversationnels remplacent progressivement des postes humains, en particulier dans les PME, où les coûts d’exploitation sont plus sensibles aux fluctuations économiques. Ce remplacement a un impact direct sur le pouvoir de négociation des salariés, qui voient leurs postes dévalorisés et leurs perspectives de carrière limitées.
Cette tendance n’affecte pas uniquement les classes populaires ; les cadres, notamment dans le secteur de la technologie, subissent également cette transformation.
Des postes autrefois bien rémunérés et dotés de responsabilités spécifiques sont reclassés, avec des rémunérations alignées sur le minimum de la profession. Cette dévalorisation touche des métiers qualifiés, transformant des emplois spécialisés en simples fonctions opérationnelles. Dans un marché de plus en plus dominé par la logique de rentabilité, la déshumanisation devient une réalité concrète : l’humain sera-t-il progressivement réduit à une variable d’ajustement.
La remise en cause du télétravail : le retour du conflit entre efficacité et bien-être
L’impact de l’IA sur le travail ne se limite pas aux suppressions de postes ; il s’accompagne également d’une remise en cause des avancées en matière de conditions de travail. Le télétravail, devenu un symbole de flexibilité et d’autonomie pendant la pandémie, est aujourd’hui remis en question par les entreprises, qui voient dans la présence physique un levier de productivité. Cette politique de retour au bureau suscite des tensions importantes, car elle incarne une opposition entre les valeurs d’efficacité économique et le besoin de bien-être et de liberté des travailleurs. Mais, on le sait, cette vision idyllique pourrait se renverser comme un gant et faire apparaître injustices dues à l’habitat ou conséquences sur l’équilibre mental. Les conflits sociaux autour de la question du télétravail pourraient s’intensifier, renforçant un sentiment de rancœur au sein des entreprises.
Les travailleurs, déjà affectés par la précarité induite par l’IA, vivent cette évolution comme une atteinte supplémentaire à leur autonomie et à leur équilibre de vie.
Dans un contexte de mutation du travail, cette rupture entre l’efficience économique et l’épanouissement personnel devient une ligne de fracture, où se dessinent des conflits d’intérêts entre les entreprises, en quête de performances maximales, et les employés, qui revendiquent des conditions de vie dignes et un cadre professionnel humain.
Un retour de la lutte des classes ? La société face à un risque de fracture sociale
Ce clivage émergent rappelle la lutte des classes qui a marqué l’histoire sociale du XIXᵉ siècle. La société semble se scinder en deux camps : d’un côté, ceux qui adhèrent à une morale productiviste et valorisent la performance à tout prix ; de l’autre, ceux qui revendiquent des droits sociaux, des conditions de vie dignes et un épanouissement collectif. Cette polarisation n’est pas sans rappeler les fractures observées par Marx, mais dans un contexte différent, où les défis sont climatiques, technologiques et économiques.
La question sociale se cristallise autour de la revendication d’un nouveau contrat social, qui prendrait en compte les besoins des travailleurs, des familles des classes moyennes, et des jeunes générations. Dans un contexte de changement climatique qui menace les biens immobiliers et de mutation du travail qui précarise les emplois, la France est confrontée à un dilemme fondamental : comment concilier les impératifs de compétitivité économique avec la nécessité de protéger les citoyens les plus exposés aux risques ? Face à la montée de l’angoisse sociale, une réponse politique devient essentielle pour éviter le basculement vers une société duale, où les inégalités continuent de s’aggraver.
Conclusion : Vers un nouveau contrat social ?
Les défis climatiques et technologiques imposent une réflexion en profondeur sur le rôle de l’État, des assurances et des entreprises dans la protection des citoyens.
La crise de l’habitat, symbolisée par les fissures des maisons en France et les inondations de Valence, révèle la fragilité des biens face aux caprices climatiques. Parallèlement, l’IA et la transformation du travail redéfinissent les rapports professionnels, menaçant de créer une société à deux vitesses où la déshumanisation prend le pas sur les droits sociaux.
À l’heure de l’élection de Trump et de la surexposition de Musk et de sa vision du progrès comment ne pas envisager un véritable affrontement entre deux conceptions antagonistes sur les relations de la machine et de l’humain. Il ne s’agit pas de nier les apports incontestables du Pharmakon IA, mais de souligner l’urgence de confronter des points de vue au lieu de se soumettre à la tyrannie de l’un.
Pour répondre à ces angoisses et restaurer la confiance, il est impératif de bâtir un nouveau contrat social.
Ce pacte, qui allierait justice sociale, résilience environnementale et adaptation technologique, pourrait offrir une vision d’avenir où la sécurité patrimoniale et la dignité professionnelle sont garanties pour tous. L’année 2027 pourrait bien être celle de la question sociale, où le pressentiment d’une crise se transforme en une exigence de changement, et où l’aspiration à une société plus solidaire et inclusive devient une nécessité collective.
Mais comment envisager une réponse crédible sans évoquer une ‘sublimation européenne’ ? Gageure me dira-t-on à l’heure de la guerre qui s’épand. Le défi est immense mais inévitable car la fascination du progrès et le point d’inflexion de la ‘rébellion’ de la nature, ce point où il n’y a plus de négociation mais une redéfinition de nouveaux équilibres. Mitterrand voulait changer la Vie, il faut la préserver dans une priorité aux industries de la vie, selon l’expression de Jacques Attali.
Pierre Larrouy
image : Goya Saturne dévorant ses enfants Scène des Peintures noires 1820-23