Voitures, transports en commun, covoiturage, autopartage, la gamme des moyens de transport qui s’offre aux usagers est aujourd’hui très large et la multimodalité est un réel atout. Le parc multimodal à Longvilliers sur l’autoroute A10, dont la réalisation a été confiée par l’État à Cofiroute, doit être prochainement inauguré.
Revue Politique et Parlementaire – Pensez-vous qu’il y ait une rentabilité possible pour le mode de la concession d’infrastructures multimodales avec un trafic plus faibles qu’en zone dense ?
Guillaume Lapierre – Les zones à trafic plus faibles que les zones denses urbaines sont celles qui souffrent le plus souvent d’un déficit de desserte par les transports en commun lourds (tram, train, métro, …), qui nécessitent des investissements trop massifs pour pouvoir être envisagés par des financements publics.
Ces zones, telles que les zones périurbaines autour des grandes agglomérations ou les aires rurales, sont par conséquent des zones dans lesquelles la voiture particulière utilisée en solo reste aujourd’hui le mode de transport quotidien largement dominant.
Pour ces territoires, une solution passe par l’optimisation des infrastructures routières existantes, qui sont déjà financées par des fonds publics ou par les investissements portés par des acteurs privés comme les concessionnaires d’autoroutes.
Par ce biais, l’infrastructure elle-même est déjà financée et il devient possible, à moindre coût, d’envisager des services de mobilité en zone peu dense qui réutilisent ces infrastructures existantes.
Mais surtout la question de la rentabilité doit être vue au sens large. Pas uniquement sur le plan financier, mais en termes de retombées socio-économiques pour la collectivité. Quels sont les gains de productivité grâce aux heures de congestion en moins à l’entrée de la métropole, combien de tonnes de CO2 a-t-on évité de relâcher dans l’atmosphère, quelles opportunités économiques ont été créées grâce au hub multimodal, de façon directe ou parce qu’il permet un accès plus aisé aux emplois situés en zone dense ?
RPP – Quelles solutions novatrices peuvent apporter à la fois de la souplesse, être réalistes et être finançables ? Voiture + bus ? Voiture + train ? Voiture + vélo électrique, ou tout cela doit-il être combiné ?
Guillaume Lapierre – Dans les zones peu denses comme les zones périurbaines, il existe déjà des solutions opérationnelles à moindre coût qui permettent d’offrir un service de transport en commun fiable, efficace, et concurrentiel vis-à-vis de la voiture particulière. Un exemple de ce type de solution se trouve sur l’autoroute A10, entre Dourdan et Massy. L’infrastructure autoroutière déjà existante a été aménagée à coût raisonnable par l’installation d’une gare routière à Longvilliers, d’une autre en bord d’autoroute à Briis-sous-Forges, et d’un aménagement de voie dédiée à Massy. Ces travaux ont été financés en partie par le concessionnaire d’autoroute et en partie par des fonds publics des collectivités et de l’État. Cette infrastructure profite du faible niveau de congestion de l’autoroute concédée pour offrir un service quotidien de rabattement vers la gare de Massy qui est aujourd’hui un réel succès. Elle est un exemple de combinaison voiture + bus + train qui répond à une forte demande et qui est largement plus efficace que l’infrastructure ferroviaire existante entre Dourdan et Massy.
RPP – Pourrait-t-on imaginer une concession globale de la voirie assortie de services sur un périmètre cohérent ? Pourquoi se montre-t-on aussi peu imaginatif en la matière ?
Guillaume Lapierre – Dans le pays qui a inventé sous Colbert le système des concessions, ce n’est pas l’imagination qui manque. Mais notre créativité et les besoins des collectivités locales se heurtent à deux obstacles. D’une part la rigidité administrative, qui rend l’innovation contractuelle problématique, pour ne pas dire impossible. Par ailleurs, la culture dominante rend les partenariats public-privé souvent suspects aux yeux de nombre d’élus, qui pensent à tort que la relation avec l’opérateur privé se noue systématiquement en la défaveur de l’acteur public. Pourtant, notre groupe signe régulièrement des contrats de service globaux de construction et maintenance de la voirie avec des municipalités étrangères, en Grande-Bretagne par exemple, à la satisfaction de toutes les parties. Il faut espérer que le souhait exprimé par le gouvernement de Jean Castex de donner davantage de marges de manœuvre aux collectivités locales permettra d’insuffler un élan d’innovation et d’expérimentation.
RPP – Quels sont les exemples étrangers réussis ?
Guillaume Lapierre – Madrid a mis en œuvre un système de transports par bus en site propre en étoile autour du cœur de la capitale, qui utilise les infrastructures routières partagées ou des voies dédiées et des gares routières multimodales particulièrement fonctionnelles. Les passagers n’ont que quelques dizaines de mètres à parcourir pour passer d’un bus au métro. Avec 25 lignes express en étoile autour de la capitale et 60 000 passagers transportés chaque jour, on estime que ce dispositif permet d’éviter le recours à 25 000 places de stationnement au centre-ville de Madrid.
Guillaume Lapierre
Directeur de l’exploitation de Cofiroute
Propos recueillis par Florence Delivertoux