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dans Libre opinion

Peut-on lutter contre la bêtise ?

Quatrième partie

Pierre-André TaguieffParPierre-André Taguieff
2 décembre 2022
Peut-on lutter contre la bêtise ?

Dans cette tribune en quatre parties, Pierre-André Taguieff nous livre une critique philosophique de la bêtise.

À la bêtise des « diplômés analphabètes » dont Lucien Goldmann, en 1970, observait la marée montante dans les sciences sociales supposées transdisciplinaires – milieu d’incubation de nombreux « intellectuels » contemporains –, il faut désormais ajouter la bêtise propre aux non-diplômés analphabètes et aux « experts » autoproclamés qui animent les spectacles médiatiques que sont les « débats » sur les « grandes questions » du moment. La conclusion militante, faisant suite à la rituelle fièvre d’indignation morale déclenchée par toutes les tristes affaires évoquées au cours de ces émissions portant sur « l’actu », est bien connue : il faudrait d’urgence « changer les mentalités ». Ou encore : « déconstruire » les idées reçues, les préjugés, les stéréotypes. Inventer ensuite de « nouveaux paradigmes ».

Et ce, pour en finir avec « l’intolérance » – celle des autres. Il est interdit d’en rire. À cet égard, rien de nouveau sous le soleil.

Les lecteurs de Montesquieu connaissent le célèbre développement intitulé « De l’esclavage des nègres » qui constitue le chapitre V du livre XV de son livre majeur paru en 1748, De l’Esprit des Lois. On sait que ce texte recourt à l’ironie, arme privilégiée par les philosophes des Lumières, pour montrer l’inconsistance du discours des défenseurs de l’esclavage des Africains. C’est ainsi que Montesquieu fait référence aux esclaves qui sont « noirs depuis les pieds jusqu’à la tête » et qui « ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre ». La bêtise des accusateurs de Montesquieu, tel l’universitaire d’extrême gauche Louis Sala-Molins – notamment dans son pamphlet titré Les Misères des Lumières. Sous la Raison, l’outrage (1992) – tient à ce qu’ils attribuent à ce dernier les lieux communs qu’il exhibe et met en scène pour mieux les dénoncer en les ridiculisant. Dans cet exemple, la bêtise consiste à prendre à la lettre un propos ironique, c’est-à-dire à ne pas le comprendre. Car, en tant que figure de style, rappelons-le, l’ironie est une manière de faire entendre le contraire de ce qu’on dit ou écrit. Par ce contresens récurrent, Montesquieu peut être stigmatisé comme un partisan de l’esclavage des Noirs.

La bêtise militante, qui s’avère culturellement transmissible, s’accompagne ici d’une dénonciation calomnieuse du penseur, au nom d’un antiesclavagisme et d’un antiracisme rétrospectifs, transformés en réserves de biais cognitifs permettant de mettre en accusation tous les grands penseurs européens.

L’universitaire Violaine Géraud, spécialiste de la pensée des Lumières, a récemment publié cette mise au point éclairante :

« Ce texte de Montesquieu est devenu l’exemple canonique de l’emploi de l’ironie dans le combat idéologique pour le progrès de l’humanité. Montesquieu reprend le discours des esclavagistes afin de le caricaturer. Il procède comme Pascal qui, dans ses Provinciales, reprend le discours des jésuites pour en faire éclater le caractère scandaleux. Prendre Montesquieu au pied de la lettre alors que le texte est structuré de façon à ce que la voix de Montesquieu (ironiste) se distingue clairement de la voix de l’ironisé (le discours esclavagiste) est preuve d’inculture, de mauvaise foi, ou de bêtise. Montesquieu, en employant l’ironie, mise sur l’intelligence du lecteur, habile à ne pas confondre la lettre et l’esprit.»

 Il est clair que les commentateurs stupides prennent spontanément leurs lecteurs pour des imbéciles. Mais la bêtise n’intervient jamais seule. Or, il est toujours difficile de faire la part de la bêtise, de la mauvaise foi et du dogmatisme idéologique, notamment lorsqu’on se trouve en présence d’intellectuels-militants, incarnant la bêtise « cultivée .»

En 1882, dans le § 328 du Gai savoir, intitulé « Nuire à la bêtise », Nietzsche, après avoir rappelé que des prédicateurs, « pendant des millénaires », avaient cherché à dépouiller l’égoïsme de sa bonne conscience, souligne que « les philosophes anciens assignaient au contraire une tout autre source au mal » : la bêtise. Leur « sermon contre la sottise », depuis Socrate, a « dépouillé la sottise de sa bonne conscience : ces philosophes ont nui à la bêtise ! »   Comme Gilles Deleuze, dans Nietzsche et la philosophie (1962), l’a brillamment pointé, la bêtise « n’est pas une manière de se tromper, elle exprime en droit le non-sens dans la pensée .» C’est qu’elle « n’est pas une erreur, ni un tissu d’erreurs ». D’où cette manière de caractériser la bêtise sans la définir conceptuellement : « La bêtise et, plus profondément, ce dont elle est symptôme : une manière basse de penser. » La tâche de la philosophie n’est pas de dénoncer ni de rectifier les erreurs. Une philosophie « sert à nuire à la bêtise, elle fait de la bêtise quelque chose de honteux ». Le seul usage de la philosophie est donc de « dénoncer la bassesse de pensée sous toutes ses formes ». Il s’ensuit que « la philosophie sert à attrister .» C’est là « faire de la pensée quelque chose d’agressif, d’actif et d’affirmatif .» Tel est l’enseignement nietzschéen, parfaitement compris par Deleuze.

Osons esquisser, avec un grain d’ironie, une utopie futuriste. Imaginons un monde parfait, ou presque, dans lequel la bêtise serait devenue à la fois résiduelle et inoffensive, en ce qu’elle aurait cessé d’être contagieuse.

Il ne s’agit pas de rêver d’une impossible disparition de la bêtise, mais de la meilleure manière de l’empêcher de nuire.

La condition de possibilité d’un tel monde désirable est que les individus stupides se regroupent entre eux, se rassemblent pour vivre séparés des autres. Il faut dès lors envisager sans crainte une partition, une stricte séparation entre les stupides et les autres. Voilà qui engage à encourager la formation de communautés d’imbéciles, d’imbéciles heureux de vivre ensemble, illustrant un sain séparatisme susceptible de satisfaire les deux camps.

Le droit à la différence des imbéciles de tous les pays devra être reconnu, proclamé et défendu.

L’émancipation des imbéciles apparaît ainsi comme une légitime exigence révolutionnaire. Elle suppose de leur reconnaître le droit au « vivre ensemble » avec leurs différences. Pourquoi devrait-on dénier à ceux qui se ressemblent le droit de « faire communauté » ? S’ils n’étaient pas stupides, les défenseurs de l’« universalisme pluriel » ou du « pluriversel » ne pourraient qu’applaudir à l’évocation d’un tel avenir radieux, dans lequel ils auraient eux-mêmes leur place, au sein du type de communauté qu’ils méritent. Fin du court récit utopique.

De la prison Sainte-Pélagie où il était incarcéré pour délit d’« offense au président de la République », Proudhon formulait ce constat : « Nous ne savons rien apprécier avec le regard d’une raison indépendante et moqueuse. » Pour ce délit de presse, il resta en prison du 7 juin 1849 au 4 juin 1852. Il n’en appelait pas moins ses contemporains à s’exercer à l’ironie, non sans une pointe de nostalgie : « Ce qui manque à notre génération, ce n’est ni un Mirabeau, ni un Robespierre, ni un Bonaparte : c’est un Voltaire. »  À le suivre, le prix à payer de cette éclipse de l’esprit moqueur ou voltairien était non seulement la perte de la liberté, mais encore une plongée dans la bêtise : « Esclaves de nos opinions comme de nos intérêts, à force de nous prendre au sérieux, nous devenons stupides. (…) Tout entiers à nos amours et à nos haines, nous ne rions des autres pas plus que de nous : en perdant notre esprit, nous avons perdu notre liberté. » Plus tard, Valéry caractérisera la bêtise ordinaire, qui fait corps avec la pensée ordinaire et s’affiche souvent avec ostentation, en notant que, « par insuffisance de conscience de soi », elle « consiste en une inaptitude à se moquer de soi-même .» Et Valéry de préciser : « Ou ne pas se voir, ou ne pas se voir ridicule. »

La bêtise va de pair avec le goût de l’alignement et de la soumission, sur fond d’esprit de sérieux. Elle s’idéologise en prenant le plus souvent le visage d’une grande vertu morale ou civique. Elle se pare de révolte et d’insoumission alors même qu’elle suit les mouvements de mode.

C’est en faisant chorus que l’individu stupide renforce sa confiance en lui-même. Comme le notait Lucien Jerphagnon, « l’imbécile a ceci de particulier qu’il ne doute jamais de soi, ni du bien-fondé de ses initiatives ». Sûr de lui et content de lui, sourd aux critiques, persistant dans son être, tel est l’imbécile.

    La bêtise est intarissable et irréfutable.

Dans certaines circonstances, elle s’avère contagieuse. On ne peut guère que la tenir à distance, la prendre comme objet d’analyse ou comme cible d’une ironie non socratique, c’est-à-dire sans illusion pédagogique ou « démopédique » (Proudhon). C’est ainsi qu’on peut nuire à la bêtise, sans jamais pouvoir espérer la faire disparaître, c’est-à-dire la faire taire. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas prendre la bêtise à la légère.

Pierre-André Taguieff
Philosophe, politiste et historien des idées, directeur de recherche au CNRS

Sortir de l’antisémitisme ? Le philosémitisme en question, Paris, Odile Jacob, 2022 ; Le Retour de la décadence. Penser l’époque postprogressiste, Paris, PUF/Humensis, 2022 ; Qui est l’extrémiste ?, Paris, Éditions Intervalles, 2022 ; Le Grand Remplacement ou la politique du mythe.  Généalogie d’une représentation polémique, Paris, Éditions de l’Observatoire/Humensis, 2022 ; Pourquoi déconstruire ? Origines philosophiques et avatars politiques de la French Theory, Saint-Martin-de-Londres, H & O éditions, 2022. 

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