Serge Guérin lance avec Véronique Suissa et Philippe Denormandie et près de soixante personnes issues du monde politique, associatif et médical les “Etats Généraux de la séniorisation de la société”, avec pour objectif d’intégrer à la future loi Grand Age les enseignements tirés de la crise sanitaire actuelle. Explications.
La crise du Covid-19 est un révélateur tragique de la condition faite aux aînés. Elle en dit aussi beaucoup sur l’indifférence pour les femmes et les hommes qui, comme professionnels ou aidants, accompagnent au quotidien à domicile, dans des résidences collectives ou en maison de retraite, les plus fragiles. La crise sanitaire que nous vivons est aussi une crise morale : nous avons choisi collectivement d’oublier les vieux. Le Covid-19 a exacerbé les enjeux liés à la séniorisation de la société pointant brutalement la fragilité structurelle de l’ensemble du système médico-social d’accompagnement.
Combien de rapports, actions, mesures, plans, lois et décrets ont été rédigés, signés, et communiqués ? Malgré des progrès salutaires accomplis, la situation des maisons de retraite d’aujourd’hui est loin d’être celle des hospices d’hier… Cependant, le système n’a guère évolué. Régulièrement, on verse un peu d’argent pour calmer les foules et les médias, mais au fond, rien ne change vraiment. Et toujours la même litanie de manque de moyens et de personnels dans les services d’aides à domicile et dans les maisons de retraite, la même pénurie de candidats aux carrières du soin, les mêmes déserts médicaux… Sans oublier, les besoins grandissants en matière d’adaptation des logements, l’isolement dramatique des aînés et des aidants, l’invisibilité des âgés ou, faute parmi les fautes, l’absence d’une politique de prévention volontariste, et adaptée aux conditions des personnes.
La France a la chance de compter 6 millions d’aînés de plus de 75 ans. Demain, ils seront 12 millions. Mais le vieillissement reste le symbole d’un problème, d’une charge : la « Transition démographique » comme dynamique à inventer pour répondre par le haut à la séniorisation de la société est en cale sèche.
Alors que faire ? La plainte, la polémique, les regrets, se morfondre ne sont pas bien utiles… Pourquoi ne pas lancer une réflexion collégiale, transversale et transpartisane pour tenter de préparer notre France à faire face au « Grand Âge boom » ? Initions des États Généraux ! Nous qui avions formé un trio complémentaire (médecin, psychologue, sociologue) pour conduire la publication d’un ouvrage collectif, centré sur les médecines complémentaires et alternatives, nous sommes repartis sur cette idée : constituer un groupe d’experts et d’acteurs impliqués dans le domaine, porteurs de solutions concrètes, pour contribuer à faire émerger une loi Grand Âge adaptée aux usages, attitudes et modes de vie des aînés.
Il ne s’agit plus de penser avec les réflexes d’avant, mais de faire turbuler les organisations, de réinventer les coopérations, de prendre en compte les apports des technologies, et surtout de faire « avec » et non « pour » les citoyens.
Même confinés, nous réfléchissons mieux à plusieurs !
Avant tout, nous avons ainsi mis en place une méthodologie de travail, dressé les principaux enjeux. En quelques jours, nous avons mobilisés des acteurs : du président de France Alzheimer (Joël Jaouen), au délégué général de Lire et Faire Lire, qui compte plus de 20 000 bénévoles (Laurent Piolatto), de la présidente d’honneur d’Old’Up (Marie-Françoise Fuchs) à la secrétaire générale de la CFDT Retraités (Dominique Fabre), du président de la FHP (Lamine Gharbi) à l’ex-Délégué Général de la FHF (David Gruson), en passant par le co-fondateur et président de Siel Bleu (Jean-Michel Ricard), la présidente du Synerpa Domicile (Dafna Mouchenik) le directeur de la Silver économie de Saint Gobain (Jean-Philippe Arnoux), le délégué général du Réseau Francophone Villes Amies des Aînés (Pierre-Olivier Lefebvre) comme le directeur de la Fondation I2ML (Jean-Marc Blanc), ou le professeur de médecine, Gilles Berrut, tous se sont mobilisés pour réfléchir ensemble. Bien d’autres acteurs impliqués se sont mobilisés la Croix Rouge (Claudy Jarry), La Ligue Nationale contre le cancer (Emmanuel Jammes), l’AD-PA et Citoyenneage (Pascal Champvert), l’AFOSOS (Yvan Krakowski), l’association des jeunes gériatres (Arnaud Caupenne), l’Association des soins aux professionnels de santé (Eric Henry) ou encore des dirigeants de groupes d’EHPAD, privés comme associatifs. Nous avons pu mobiliser des acteurs et citoyens engagés (médecins, psychologues, aidants, infirmiers, seniors, retraités, aînés, etc).
Dans le même temps, nous avons élargi la démarche en formant un « comité d’élus et d’experts politiques » intégrant d’anciens ministres ayant servi sous quatre présidents (Xavier Bertrand, Michèle Delaunay, Myriam El Khomri, Jean Gatel, Élisabeth Hubert ou encore Marie-Anne Montchamp), des députés (Philippe Berta, Jeanine Dubié, Audrey Dufeu-Schubert, Agnès Firmin Le Bodo et Cédric Villani), des élus locaux….
Au total, 58 contributeurs participent déjà à ce travail collectif.
Au-delà de la démarche réflexive collégiale ayant conduit à un ensemble varié de propositions, chacun également travaille autour d’une question concrète et faisant sens afin de répondre aux enjeux de la séniorisation de la société. Les 55 contributions écrites doivent permettre de croiser les expertises et de proposer des pistes structurantes en faveur d’une politique efficiente et bienveillante des âges.
Il s’agit de tirer les leçons de la crise du Covid-19 pour porter une réflexion nationale autour de la future Loi Grand Age.
Avec le comité de pilotage, nous avons établi une structuration de l’ensemble, dans le but d’aboutir à la réalisation d’un rapport national articulé autour des trois enjeux majeurs : accompagner la transition démographique, s’engager vers une politique de santé adaptée au vieillissement, valoriser et développer les dispositifs adaptés.
Si parmi les contributeurs, des retraités, des aînés et des soignants se sont mobilisés, notre démarche n’a de sens que si les Français peuvent intervenir sur des propositions concrètes en vue de faire avancer la cause du Grand Âge. L’ensemble sera disponible sur le site dédié aux territoires, qui touche plus de 250 000 acteurs et élus locaux : https://www.lemagdesterritoiresnumeriques.com/etats-generaux. Il s’agit de voter mais aussi d’amender, si nécessaire, les propositions initiales et proposer d’autres pistes. Certaines des propositions retenues par la consultation citoyenne seront ensuite analysées par le site partenaire et Arnaud Segierman, directeur associé de l’Institut de sondages Via Voice.
Début mai, nous présenterons, sur le site dédié aux territoires qui touche plus de 250 000 acteurs et élus locaux, et, en fonction de la situation sanitaire, au cours d’un débat public, les propositions du collectif pour une politique de soutien au Grand Âge.
Par les propositions réformatrices et surtout novatrices, ainsi que la dynamique collective inédite que nous souhaitons faire éclore, il s’agit d’un projet collectif impliquant l’ensemble des citoyens et des générations en faveur d’une séniorisation de la société, efficiente pour tous et bienveillante pour le Grand Âge.
“À l’issue de cette consultation, les États Généraux de la séniorisation de la société seront le moyen de présenter le rapport définitif coconstruit avec les citoyens et les experts auprès de nos responsables politiques.
Chacun pourra alors découvrir la diversité des regards, des approches, des idées de la communauté que nous avons réunie.
Réussir la France des âges n’est pas une utopie, mais un rêve éveillé à condition de volonté et de désirs.
Serge Guérin, professeur de sociologie, Inseec GE, directeur du Msc Directeur des établissements de santé
Véronique Suissa, docteur en psychologie, Paris VIII
Dr Philippe Denormandie, chirurgien, conseiller médical Nehs