Ron DeSantis, gouverneur de Floride, a choisi en juin 2024 de supprimer les aides publiques à la culture. Il a ainsi, comme on pouvait s’y attendre, soulevé un véritable tollé au sein des milieux culturels de cet État1.
Ainsi le directeur artistique et cofondateur du Miami New Drama à Miami Beach, Michel Hausmann, s’interroge-t-il : « Ce qui me déconcerte, dit-il, c’est que la Floride essaie d’attirer des entreprises de New York, Chicago et Los Angeles (…). Allez-vous attirer des gens dans un État où les arts et la culture ne sont pas valorisés ? »2. Ainsi donc, on voit que même aux États-Unis, où il n’existe pas comme en France de ministère de la Culture, des professionnels de la culture estiment qu’il est du devoir des États de soutenir financièrement la vie artistique locale ou régionale. Or la culture n’a pas nécessairement besoin de l’État pour être « valorisée ». En divers lieux et à diverses époques, l’art et la culture se portaient fort bien sans que l’État eût à en s’occuper. (L’émergence et le développement des arts d’avant-garde en France dans la seconde moitié du XIXe siècle, parmi bien d’autres exemples que l’on pourrait prendre, nous rappellent cette leçon.) Moralement aussi, le principe de l’intervention de l’État dans le domaine de la culture est largement contestable : les subventions à la culture impliquent en effet de prendre aux uns, qui n’ont rien demandé, pour donner aux autres, qui, eux, ont tout intérêt à ce que de tels transferts de ressources se fassent.
On mesure les conséquences politiques néfastes de cette approche du financement de la culture : ceux dont la profession relève de ce secteur sont ainsi incités à voter pour des candidats proposant de maintenir, voire d’augmenter les aides publiques qui lui sont destinées.
Et en sens inverse, tout candidat qui afficherait son intention d’abaisser, à plus forte raison de supprimer ces aides, se heurterait à une franche opposition venant de ceux qui se sentiraient dès lors lésés par l’application de telles mesures.
Un des « arguments » avancés par les opposants à la suppression des aides publiques décidée par le gouverneur floridien consiste à dire que ces subventions représentent à peine 0,03% du budget de l’État – mais qu’elles bénéficient en revanche grandement à maintes associations ou organisations culturelles, dont la pérennité se trouverait sans elles remise en cause3.
C’est là un argument de type socialiste : pour la gauche politique et culturelle, la richesse nationale est vue comme un gros gâteau dont l’État devrait se charger de distribuer équitablement les parts, à travers toutes sortes de subventions, d’aides, d’allocations.
Or rappelons que la création artistique est avant tout affaire de rencontre entre un ou plusieurs créateurs et le public auquel ce ou ces créateurs s’adressent : dès lors que le droit est respecté, il n’y a a priori aucune raison à ce que l’État fasse office d’intermédiaire – ne parlons même pas des coûts engendrés par l’intervention de l’État en ce domaine puisque la collecte et la redistribution de fonds pour la culture implique qu’il y ait des fonctionnaires qui soient payés (grâce à l’argent du contribuable) pour assurer l’exécution de ces tâches.
Le financement par l’État de la culture « woke » est déjà injustifié en soi car l’État ne devrait pas s’occuper de culture en général dans une société libre et ouverte.
Il l’est encore plus lorsqu’on se rappelle que les tenants de cette fausse et pernicieuse idéologie qu’est le wokisme (qui part du postulat que tous les problèmes à l’échelle de la planète entière ont pour seule origine la figure du mâle blanc, occidental et capitaliste) entendent faire financer leurs projets par les contribuables… pour ensuite constamment rappeler à ces derniers que nombre d’entre eux seraient fondamentalement racistes, esclavagistes, ou néocolonialistes, et qu’ils devraient dès lors battre leur coulpe à jamais et se « déblanchir ».
Il est certes loisible à des individus de défendre cette idéologie et de créer leurs propres centres culturels, dès l’instant où ils parviennent à faire financer licitement ces derniers autrement que par la subvention étatique. Mais ils n’ont pas à exiger que l’État se substitue à eux, aux frais du contribuable.
L’Amérique est allée trop loin ces derniers temps dans la direction du wokisme. Tout comme il a fallu décommuniser dans les pays de l’ex-bloc soviétique après 1989, il faut aujourd’hui « déwokiser » dans les pays dits libéraux comme les États-Unis. (C’est d’ailleurs le titre du dernier livre du sénateur du Texas Ted Cruz, Unwoke, paru en anglais en 2023.) Un des moyens de le faire consiste déjà à supprimer les aides publiques destinées à des associations qui diffusent cette idéologie délétère.
Matthieu Creson,
Conférencier, enseignant, journaliste indépendant, revient sur la décision récente de Ron DeSantis de supprimer les aides publiques à la culture dans l’État de Floride.
1 https://www.theguardian.com/us-news/article/2024/jun/30/ron-desantis-florida-art-funding-cut
2 https://www.huffpost.com/entry/desantis-vetos-32-million-art-funding_n_6681b862e4b0b85bde42c447