Recueil de contributions à un colloque, voici un ouvrage qui, pour être compris à sa juste mesure, doit être pris pour ce qu’il est : un ensemble de considérations d’ordre médical, épistémologique et juridique touchant à ce qu’on appelle vulgairement la ‘‘gestion’’ par les autorités publiques de la crise de santé publique qui a résulté des méfaits d’un virus touchant notre planète, gestion dont les dommages, selon la thèse des contributeurs, se font encore sentir actuellement. Il faut donc appréhender ces textes objectivement… c’est-à-dire en se plaçant dans l’état d’esprit de leurs auteurs, et, ainsi, rejeter tout procès d’intention polémique.
A l’échelon mondial, la science, grosso modo, s’est divisée en deux camps : les scientifiques, toutes disciplines confondues, qui ont estimé que la dangerosité du virus avait été exactement évaluée et qu’en conséquence, l’ensemble des mesures prises pour la freiner, grosso modo, étaient corrélées avec celle-ci ; et un second camp ne partageant nullement ce diagnostic.
Ainsi, en nous plaçant dans ce dernier schéma, nos contributeurs à ce livre montrent que nous sommes, selon ce constat de faits, de droit contrait de mettre en exergue les manifestes et grossières erreurs de droit commises par la puissance publique.
A. La psychologie des contempteurs de la politique publique en la matière [du traitement sanitaire et juridique de ladite crise du COVID] est celle de ‘‘résistants à l’oppression’’. A juste titre, Virginie de Araujo-Recchia, avocate, relève-t-elle que Georges Burdeau écrivait dans son Traité de science politique : « Le moteur de la résistance, ce n’est ni la foule ni la tribune, c’est l’individu qui a le goût politique et qui juge ; c’est le citoyen qui ne se laisse pas fasciner par ‘‘l’hypnose exercée par le Pouvoir’’ ; celui qui refuse d’être dupe. » « Au début du mouvement populaire, [il y a] une réaction des consciences individuelles ». [Si tel n’était pas le cas], « ce serait une émeute ou une révolte, ce ne serait pas, dans le plein sens du terme, ce refus d’accepter plus longtemps l’arbitraire des gouvernants qui caractérise la résistance à l’oppression ».
De la sorte, « la résistance à l’oppression n’est pas révolutionnaire. Au contraire, elle est de nature conservatrice, sa mission étant de défendre l’ordre constitutionnel établi et de contribuer au retour du statu quo ante.»
B. Selon notre contributeur, cette erreur manifeste d’interprétation d’une situation de fait [l’évaluation de la nature du virus, de sa dangerosité, de sa létalité etc] est à la fois cause et conséquence d’un non-respect de la hiérarchie des normes, la première de ces hiérarchies étant celle des différents modèles de recherche et des niveaux de preuves scientifiques. Par ordre croissant de pertinence et d’efficacité (fondé sur l’aptitude à contrôler les biais et à démontrer les causes et effets sur les hommes), voici cette pyramide des preuves. A la base de la pyramide, nous trouvons 1- les avis d’experts, études menées sur les animaux, études in vitro, puis 2- les rapports de cas -séries de cas, 3- les études cas-témoins, 4- les études de cohortes, 5- les essais cliniques randomisés, et, enfin, à la pointe de la pyramide, 5- les méta-analyses et Examens systématiques.
Les agences de santé de l’État et autres instances consultatives ou décisionnelles n’ont jamais respecté (ni même eu seulement conscience de la nécessité de savoir contraint par cette) logique épistémologique, les avis de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), par exemple, figurant au plus bas niveau de la hiérarchie des preuves scientifiques.
C. Il n’est peut-être pas superfétatoire, même ici, de mentionner la hiérarchie des normes du corpus juridique français, avec, à sa base, et dans un ordre croissant, le bloc réglementaire (décrets, arrêtés, circulaires), les principes généraux du droit (règles non écrites de portée générale), le bloc législatif (lois organiques, lois ordinaires, ordonnances), le bloc conventionnel (traités, accords, conventions internationales, pactes internationaux, droit de l’UE), et, enfin, en haut de la pyramide, le bloc constitutionnel (préambules des constitutions de 1946 et 1958, DDHC 1789, constitution de 1958 etc.) Force, selon les auteurs, est de reconnaître que cette hiérarchie n’a pas été respectée et/ou, plus exactement, qu’elle ne l’a pas été parce que « le principe à valeur constitutionnelle de protection de la santé a été érigé en principe suprême primant tous les autres, alors qu’une telle hiérarchie n’existe pas» (par exemple, et parmi beaucoup d’autres, par rapport au principe de la liberté d’aller et venir).
Subsidiairement (ou, plutôt, surabondamment), les auteurs montrent-ils que c’est la définition même, officielle et juridique, de la santé qui n’a pas été respectée celle-ci ne consistant nullement en la simple absence de maladie ou infirmité.
On a presque quelque gêne à écrire que, derrière ce vaste ensemble de malfaçons juridiques et judiciaires, se discerne une non moins vaste mauvaise appréhension et évaluation d’une situation de fait. C’est pourtant là bien un problème général et permanent que nous rencontrons au détour de chaque analyse de cas, de chaque commentaire d’arrêt : peut-on faire du droit, et du bon droit dès lors qu’en premier lieu, on ne s’est pas au préalable appuyé sur une appréhension/évaluation au plus près de l’espèce ?
Hubert de Champris
- Corruption et fraude dans la crise Covid – depuis 2020 – sous la direction d’Ariane Bilheran, Guy Trédaniel éditeur, 320 p., 22 €