Les chaînes d’approvisionnement des hydrocarbures et du blé sont perturbées depuis le début de la guerre en Ukraine. Si l’inflation est plus faible en France que dans le reste de la zone euro, les prix n’en finissent pas d’augmenter.
Ce contexte invite nos décideurs à renouveler leurs efforts pour préserver le pouvoir d’achat des Français. Parmi ces derniers, le leader de la NUPES multiplie les annonces-choc, réactualisant un fameux théorème politologique qui veut que l’inflation monétaire s’accompagne (quasi) invariablement d’une hausse des discours démagogiques.
Dans un document diffusé sur les réseaux sociaux, le candidat à la fonction de premier ministre du président Macron soutient deux mesures particulièrement populistes dans le contexte actuel : le blocage des prix et l’augmentation du SMIC. En quête désespérée d’un regain de popularité pour son nouveau mouvement à l’aube des élections législatives, Jean-Luc Mélenchon n’ignore sans doute pas les effets pervers que ses imprécations simplistes auraient sur la société française si elles étaient appliquées.
L’enfer est pavé de bonnes intentions et les injonctions dogmatiques n’échappent pas à cette règle. En effet, un blocage des prix pénaliserait d’abord les plus modestes. C’est une mesure non-redistributive qui avantage en premier les plus gros consommateurs.
Pire : une telle mesure ferait payer la facture de la hausse générale des prix aux entrepreneurs et aux agriculteurs, en les incitant à dégrader la qualité de leurs produits et à réduire leurs revenus pour compenser la rigidité des prix imposés sur leurs produits.
Ainsi le leader de la NUPES est-il prêt à mettre en avant des initiatives inégalitaires, qui font peser la charge de l’inflation sur les épaules des travailleurs en première ligne, pour peu que leurs conséquences soient contre-intuitives.
Du blocage des prix au blocage de l’économie, il n’y a qu’un pas. Dans le contexte actuel, celui-ci serait franchi par une hausse des salaires. L’annonce serait très belle à entendre, mais ce type de solution se répercuterait immédiatement sur les prix (qui partiraient encore plus à la hausse) et surtout… sur le niveau de l’emploi (moins d’embauches, plus de licenciements). Une telle décision provoquerait une spirale inflationniste entraînant un ralentissement immédiat de l’économie : la stagflation.
Pour éviter cet écueil et relancer le pouvoir d’achat sans creuser les inégalités, plusieurs mesures peuvent être prises immédiatement. Pour protéger les travailleurs modestes, des mesures ciblées comme la distribution de chèques alimentaires/chèques énergie permettront aux foyers à faible revenus d’équilibrer temporairement leurs comptes. Ainsi en va-t-il aussi de l’indexation des retraites et des prestations sociales sur l’inflation pour les publics seniors et étudiants.
Mais déployer des filets sociaux ne suffira pas à sortir de cette crise par le haut, si cette action ne s’accompagne pas d’une batterie de mesures permettant de retrouver le chemin d’une croissance dynamique. Il faut répondre au choc d’inflation par un choc de croissance. Comment ? En libérant le travail à travers la défiscalisation (totale) et la désocialisation (totale) des heures supplémentaires pour les salariés. Et en investissant au maximum dans l’émergence de l’industrie du futur.
Les nouvelles technologies sont désinflationnistes et pourvoyeuses de bons emplois.
Mais peut-on combattre la démagogie par l’impopularité ? Peut-on encore plaider pour la croissance sans prendre en compte ses conséquences sur le climat et la santé ? La croissance n’est qu’une mesure de la richesse créée. Il revient aux pouvoirs publics de l’orienter pour adopter des modèles de production et de consommation écologiquement soutenables.
Décarboner l’économie n’est pas un vœu pieux ou un « mythe » : des solutions sont en train d’être développées en France, notamment à travers l’usage de l’hydrogène, le reconditionnement des véhicules et des smartphones, le développement d’algorithmes permettant d’optimiser notre consommation d’énergie… C’est par l’innovation technologique que les émissions de gaz à effet de serre peuvent être réduites. C’est par l’innovation technologique que notre économie parviendra à se passer des énergies non-renouvelables importées et donc à conjurer les chocs énergétiques futurs analogues à celui que nous traversons actuellement, tout en relocalisant la croissance et l’emploi sur notre territoire national.
Loup Viallet
Auteur, spécialiste en économie politique et géopolitique
Directeur de l’Agence PUBLIC(S)