Dans ce texte, Éric Anceau, historien du politique à Sorbonne Université et membre du comité de rédaction de notre revue esquisse le bilan des six ans qui viennent de s’écouler avant d’annoncer, pour très bientôt, un autre où seront données les voies possibles pour sortir de la crise…
Comme nous l’écrivions dès 2017, les Français élisaient alors un président qui avait su séduire une partie d’entre eux parce que brillant sujet, présentant bien et présenté comme neuf, mais à la personnalité déjà inquiétante, immature politiquement et sans connaissance réelle du pays et de son peuple.
Différents épisodes de ce premier quinquennat dont le plus grave et inédit dans notre histoire récente, celui des Gilets jaunes, ont ouvert certains yeux, mais encore insuffisamment.
Cas sans précédent depuis l’instauration de l’élection présidentielle au suffrage universel direct en 1965, l’élection de 2022, comme nous l’avons également souligné maintes fois sur le moment, a été « volée » aux Français en raison de la guerre en Ukraine et de la volonté du candidat sortant de ne pas mener campagne pour ne pas avoir à défendre son piètre bilan devant les Français.
Face à la faiblesse de la concurrence il a été réélu, mais les Français lui ont fait payer très cher cette réélection si particulière en lui refusant la majorité absolue.
Que devait-il faire alors ?
Gouverner sagement, reformer dans la concertation et renoncer à ce projet de réforme des retraites – a minima pour un autre plus juste.
II en a été incapable. Ici, il n’y a pas une faute que lui et son gouvernement n’ont commise.
La réforme mal pensée, a été mal préparée, mal négociée, mal expliquée, mal votée, mal validée et, cerise sur ce mauvais gâteau, mal promulguée.
Elle l’a été immédiatement, fermant les dernières issues et brutalement, à une heure habituelle depuis que le JORF est devenu électronique, mais qui a surpris le commun des mortels chauffé à blanc et qui nécessitait donc, elle aussi, une pédagogie préalable minimum qui n’a même pas eu lieu.
Rien que de très légal ici même si on peut être sceptique sur la procédure législative et sa validation par le Conseil constitutionnel. Passons.
La légitimité de l’affaire alors que le peuple seul souverain dans notre République rejette massivement cette loi est évidemment en cause. Le dévoiement des institutions est manifeste. L’esprit n’en a pas été respecté ces derniers temps. Le président a fermé successivement toutes les portes de sortie honorables que lui offrait la Constitution pour s’éviter, et éviter au pays dont il a la charge, la crise gravissime que nous annoncions plus que probable et dans laquelle nous sommes maintenant.
Car ne nous y trompons pas, président, gouvernement et voix de la majorité ont beau pratiquer la politique de la langue de bois et sans doute même pour certains, et non des moindres, de l’autruche, nous sommes bel et bien dans la crise la plus grave de la Ve République. Ce ne sont pas nos institutions qui sont en cause mais l’entêtement inédit d’un président et la succession inouïe de ses erreurs qui nous y ont conduit….
La suite s’appellera « Que faire ? » et vous ne l’attendrez pas cent jours.
Eric Anceau
Historien du politique à Sorbonne Université