La campagne électorale est la période précédant une élection, durant laquelle les candidats et leurs partis « font campagne », c’est-à-dire font leur promotion dans le but d’obtenir le plus grand nombre de voix possible.
Dans le tumulte de la campagne présidentielle qui se déroule en ce moment, il nous apparait important de préciser ce qu’il en est notamment des règles constitutionnelles. Particulièrement vu les choses erronées voire fantaisistes qui sont dites çà et là. Lesdites règles reposent sur l’article 7 de la Constitution. Elles seules fixent le cadre de la campagne. Nous nous proposons donc de rappeler le droit et notamment le rôle essentiel joué par le Conseil constitutionnel. On étudiera enfin le financement de la campagne.
Ce que dit l’article 7 C sur la campagne
« Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour du scrutin, il est procédé, le quatorzième jour suivant, à un second tour. Seuls peuvent s’y présenter les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.
Le scrutin est ouvert sur convocation du Gouvernement.
L’élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du Président en exercice.
En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les fonctions du Président de la République (…) sont provisoirement exercées par le Président du Sénat et, si celui-ci est à son tour empêché d’exercer ses fonctions, par le Gouvernement.
En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau Président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus, après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l’empêchement.
Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt des présentations de candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidate décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l’élection.
Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil constitutionnel prononce le report de l’élection.
En cas de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels, le Conseil constitutionnel déclare qu’il doit être procédé de nouveau à l’ensemble des opérations électorales ; il en est de même en cas de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats restés en présence en vue du second tour.
Dans tous les cas, le Conseil constitutionnel est saisi dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l’article 61 ci-dessous (…)
Le Conseil constitutionnel peut proroger les délais prévus aux troisième et cinquième alinéas sans que le scrutin puisse avoir lieu plus de trente-cinq jours après la date de la décision du Conseil constitutionnel. Si l’application des dispositions du présent alinéa a eu pour effet de reporter l’élection à une date postérieure à l’expiration des pouvoirs du Président en exercice, celui-ci demeure en fonctions jusqu’à la proclamation de son successeur (…) ».
Le 1er alinéa est consacré à l’élection présidentielle elle-même. Comme chacun et chacune d’entre nous l’a, en principe, déjà pratiqué, c’est une élection au suffrage universel direct à deux tours (depuis 1958 aucun président n’a été élu au 1er tour). Selon l’article 58 C. le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection, proclame les résultats et examine les réclamations.
L’article 7 al 4 prévoit le cas de vacance de la présidence. Le président du Sénat assure alors l’intérim. Ce fut le cas suite à la démission du général de Gaulle en 1969 et au décès de Georges Pompidou en 1974.
Le contexte actuel nous conduit à envisager à présent ce qu’il en est des candidatures. La date limite de dépôt de ces dernières a été fixée au 15 mars 2017. On rappellera que, depuis 1976, les candidats doivent recevoir les parrainages de 500 élus locaux :
- les députés, les sénateurs et les représentants français au Parlement européen ;
- les maires (maires, maires délégués des communes déléguées et des communes associées, maires des arrondissements de Paris, de Lyon et de Marseille) ;
- les présidents des organes délibérants des métropoles, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération, les présidents des communautés de communes ;
- les conseillers de Paris et de la métropole de Lyon ;
- les conseillers départementaux et régionaux ;
- les conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- les membres élus des Assemblées de Corse, de Guyane, de Martinique, de la Polynésie française, des Assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie et de l’Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna ;
- le président de la Polynésie française et le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Cette liste, qui représentait 47 413 élus en 2012, a été actualisée par la loi organique du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle pour tenir compte des dernières modifications apportées à l’organisation territoriale (ajout des présidents de métropole par exemple). Ce sont désormais environ 42 000 parrains qui doivent envoyer par voie postale le formulaire et l’enveloppe (remis par les services de l’Etat). Il n’y a plus de dépôt « physique » au siège du Conseil constitutionnel. Depuis 1962 les parrainages doivent émaner d’élus d’au moins trente départements ou collectivités d’Outre-mer différents, sans dépasser un dixième, soit cinquante pour un même département ou une même collectivité. Le 2 mars 2017 le Conseil constitutionnel a rendu public l’identité des premiers élus à avoir parrainé (le terme exact est présenté) un candidat à la présidentielle. Désormais le nom des élus ayant signé pour un prétendant à la fonction présidentielle est connu. Le Conseil constitutionnel valide un à un les parrainages aboutissant à une liste publiée deux fois par semaine (mardi et vendredi) sur le site web du Conseil (presidentielle2017.conseil-constitutionnel.fr).
A noter que le renoncement, évoqué par certains à l’encontre de François Fillon, n’est en aucun cas prévu dans la Constitution. De même il n’est en aucun cas mentionné qu’une « trêve judiciaire » ait lieu durant la campagne. C’est une simple coutume.
Egalement les partis représentés au Parlement peuvent recevoir des financements publics pour mener leur campagne. Enfin tout candidat qui dépasse les 5 % bénéficie d’un remboursement de frais.
Le rôle du Conseil constitutionnel sur la campagne
Toute la procédure de parrainage des candidats est placée sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Ce dernier établit tout d’abord le formulaire de « parrainage », qui dès la publication du décret de convocation des électeurs (assuré par le gouvernement), est adressé par les préfectures aux élus habilités à présenter un candidat. Le Conseil vérifie la validité (identité de l’élu, mandat détenu, etc.) et informe chaque candidat du nombre de parrainages valides reçus.
A la fin des opérations de contrôle des parrainages, le Conseil constitutionnel s’assure du consentement des candidats ayant franchi le seuil des 500 signatures et leur demande :
- une déclaration de patrimoine qu’il transmet à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Les déclarations de l’ensemble des candidats sont publiées sur le site internet de la HATVP au moins quinze jours avant le 1er tour et sont consultables jusqu’à la proclamation des résultats du 1er tour. En cas de second tour, seules les déclarations des deux candidats qualifiés demeurent en ligne jusqu’aux résultats définitifs (jusqu’à la loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, seule la déclaration du candidat élu était rendue publique à l’issue de l’élection) ;
- l’engagement de déposer, au cas d’élection, une nouvelle déclaration en fin de mandat. Cette nouvelle déclaration est publiée au Journal officiel. Depuis 2013, cette déclaration doit également être transmise à la HTVP.
C’est encore le Conseil constitutionnel qui établit autour du 20 mars la liste officielle des candidats à l’élection présidentielle, qui est publiée au Journal officiel. Précisons que l’ordre des candidats sur la liste résulte d’un tirage au sort. S’agissant de la publicité des parrainages, ses règles ont également évolué avec la loi du 25 avril 2016. Dorénavant, la publicité des auteurs de présentations est non seulement intégrale à l’issue du recueil des parrainages (contre 500 parrainages tirés au sort par candidat auparavant) mais a lieu également en continu (au moins deux fois par semaine) au fur et à mesure de la réception des parrainages contrôlé un à un. La liste actualisée en temps réel des parrainages est publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel le mardi et le vendredi pendant la période de recueil des parrainages (presidentielle2017.conseil-constitutionnel.fr).
La liste définitive des parrainages à la fin de la période de recueil est également publiée huit jours au moins avant le 1er tour du scrutin sur le site du Conseil et au Journal officiel.
Le financement de la campagne
La campagne électorale est financée selon deux modalités :
- un financement public, organisé par la loi organique du 6 novembre 1962, modifiée par les lois organiques du 5 février 2001 et du 5 avril 2006, et par les lois organiques concernant le financement des partis politiques de 1988, 1990, et 1995 ;
- un financement privé, provenant notamment des partis (cotisations), et des dons des personnes privées. Depuis la loi du 19 janvier 1995, les dons et avantages en nature des entreprises privées sont interdits. Les dons des particuliers sont, quant à eux, limités à 4 600 euros par donateur, tout don égal ou supérieur à 150 euros doit être obligatoirement effectué par chèque, virement ou carte bancaire.
Un certain nombre d’autres règles doivent être respectées :
- la tenue d’un compte de campagne qui retrace très précisément l’origine des recettes et la nature des dépenses engagées. Le candidat ne peut pas le gérer personnellement et doit nommer un mandataire financier chargé de cette tâche. Le compte doit être déposé à la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP) au plus tard le neuvième vendredi suivant le second tour de scrutin, afin qu’en soit vérifiée la régularité ;
- le non-dépassement d’un plafond de dépenses, dont le montant est fixé à 16,851 millions d’euros pour chacun des candidats présents au premier tour et à 22,509 millions pour ceux du second tour. Les plafonds, en principe réévalués tous les trois ans, n’ont pas été augmenté depuis 2012 (en raison du déficit des administrations publiques).
Un remboursement forfaitaire des frais de campagne est prévu :
- pour les candidats présents au premier tour, il s’élève au maximum, pour ceux ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés, à 4,75 % du plafond des dépenses du premier tour (soit 800 423 euros pour l’élection présidentielle de 2017) ; pour ceux ayant recueilli plus de 5 % des voix, à 47,5 % de ce plafond (soit 8 004 225 euros en 2017) ;
- pour les candidats présents au second tour, il s’élève à 47,5 % du plafond des dépenses du second tour (soit 10 691 775 euros en 2017).
Dans tous les cas, ces remboursements ne peuvent pas être plus importants que les dépenses déclarées par les candidats. C’est la CNCCFP qui contrôle en particulier le respect du plafonnement des dépenses. Des sanctions pécuniaires et pénales sont prévues en cas d’infraction. Ainsi un candidat ayant dépassé le plafond des dépenses doit verser au Trésor public le montant du dépassement.
Pour conclure il faut préciser que cette campagne 2017 est très différente de celles qui l’ont précédé. L’ « affaire » Fillon a introduit une sorte de « chienlit » incroyable. L’ancien premier ministre peine à décoller. A si peu de temps du 1er tour, un tel désordre ne s’est jamais vu non plus. Parmi les principaux candidats, Emmanuel Macron (40 ans) s’avère être le plus jeune depuis 1958. Il est, contre toute attente, deuxième dans les sondages. A l’heure actuelle ces derniers consacrent Marine Le Pen comme finaliste. Qui affrontera-t-elle ? Qui sera le prochain ou la prochaine locataire de l’Elysée ?
Raphael Piastra
Maître de conférences en droit public à l’Université Clermont Auvergne
Photo : Conseil constitutionnel