Le terrorisme, quelle que soit la dénomination qui lui soit attribuée, est aussi vieux qu’existe une Histoire écrite. Pour le moins ! En fait, il est concomitant à l’existence de l’humanité, sans qu’il y ait de cause à effet prouvée.
Cependant, avec le XXe et le XXIe siècle, le terrorisme connaît un regain d’existence. Le terme même provient de la fin du XVIIIe siècle et des guerres de Vendée, sans que l’on sache exactement si, pour la première fois, ce terme a été employé par les Blancs ou les Bleus afin de signifier une méthode ou un système politique. Quoi qu’il en soit, il devient un moyen de lutte commun à la fin du XXe siècle et au XXIe débutant. Et le terme devient d’un usage courant.
C’est aussi l’arme du pauvre contre le riche, quoi que puisse prétendre le riche. Le but du terrorisme est d’aboutir à une victoire que la force des armes ne peut obtenir grâce à une armée régulière. Et éventuellement d’arriver à créer un État reconnu dans l’arène internationale, quitte à continuer la lutte si cette finalité n’est pas la fin suprême souhaitée.
À cet effet, le terrorisme s’affranchit unilatéralement des règles coutumières internationales ou nationales, visant la conduite de la guerre. L’abomination devient la règle, la barbarie est alors monnaie courante. Comme il est impossible de tenir dans la discipline les troupes régulières à l’encontre d’un adversaire employant le terrorisme, le déroulement des opérations est marqué par un cycle ascendant d’atrocités que rien ne vient réprimer. Le commandement est impuissant, en admettant même qu’il ne fasse pas de ce cycle d’atrocités un moyen de lutte dont il s’approprie l’ampleur. L’Histoire est là pour démontrer que la course à la violence n’est pas la solution victorieuse, mais il est très difficile d’atténuer la violence du terrorisme pour l’amener à néant. Généralement, le moyen de force est insuffisant, non qu’il soit inutile, mais, en lui-même, il ne résout pas la cause du conflit. Or, s’en prendre à cette cause revient à en chercher l’origine, et comme toujours, on en arrive à une valeur politique. La force nécessaire, mais alliée à une argumentation politique, c’est-à-dire à la cause première. Réprimer le terrorisme en employant ses méthodes est une erreur, car il s’agit de savoir quel est le but poursuivi par les démocraties. La défense du droit ne s’accommode pas des mesures employées par le terrorisme, à savoir la sauvagerie et la barbarie, au détriment de ces mêmes règles démocratiques.
Dans la première décennie du XXIe siècle, les guerres symétriques, c’est-à-dire entre adversaires de même structure et visant des objectifs approchants, ont tendance à disparaître. Le conflit entre armées symétriques devient d’autant plus gigantesque, implique d’autant plus de moyens définitifs, développe des perspectives d’autant plus irrémédiables, que de part et d’autre, on cherche à l’éviter. La guerre, « ultima ratio regis, le dernier argument du roi », effectivement, reste le dernier et ultime argument, d’autant plus qu’il est épouvantable puisqu’avec l’arme nucléaire, les nations ont trouvé le moyen d’anéantir l’humanité dans une action inconsidérée qu’est l’emploi de l’arme nucléaire.
Avant toute autre analyse, il est indispensable de définir, aussi exactement que possible, le terrorisme ainsi que les méthodes employées à son service. Ensuite, l’explication s’attache aux vulnérabilités de l’Europe et les méthodes employées jusqu’en juin 2016 pour lutter contre les systèmes terroristes. Pour finir, il s’agit d’examiner les limites de l’action des organismes européens dont découlent les modalités souhaitables d’obtenir des États voisins.
La situation et l’état de fait
Il y a lieu de s’interroger sur la fréquence de ces attaques terroristes. Elles pourraient être plus violentes et à un rythme prononcé plus répétitif. Mais alors pourquoi ? Le climat d’inquiétude créé n’est-il pas suffisant ? Augmenter ce rythme est-il d’une quelconque utilité quant au déclenchement d’une panique ? N’est-il pas suffisant en l’état en 2016 ? À quoi bon exacerber le danger et la mise sur pied de mesures de rétorsion ?
Les attentats mettent en lumière une lacune dans la défense de l’Europe et, en réaction, induisent des mesures de défense dont une part se révèle valable. Il est donc contre-indiqué de multiplier de façon inconsidérée les attentats. Il suffit amplement de provoquer des mesures défensives, sans aller au-delà du nécessaire et de provoquer un état de tension qui, trop exagéré, serait négatif à l’égard de la cause djihadiste. Il s’agit de trouver un seuil convenable créant et nourrissant un état fébrile, une inquiétude permanente, à la limite une xénophobie anti-islamique mais dans des degrés acceptables. Aller trop loin risque d’entraîner des contre-mesures non souhaitées. C’est donc un seuil qu’il est indispensable de trouver.
Dans ces cas, les extrémistes islamiques doivent être muselés, faute d’être raisonnés. Il est plus difficile d’encadrer les masses islamiques. Mais alors, il doit être possible de raisonner les membres influents, certes minoritaires – mais comment en serait-il autrement – qui mènent les masses. Sont visés les imams et les contributeurs à la formation de l’opinion publique des masses islamiques. Cela explique en partie la multitude de règlements de compte, dont les investigateurs européens ne comprennent pas la raison. Faute de mieux, ces investigateurs mettent ces règlements de compte dans le chapitre des échanges crapuleux du type du marché occulte de la drogue.
C’est ainsi que de nombreux ministres européens réunis le 22 mars 2016, n’y dérogent pas, à la suite des attentats de Bruxelles. Il en est ainsi à l’égard de frontières intelligentes, en correspondance avec les accords de Schengen, d’interopérabilité des bases de données européennes et internationales et de traitement du renseignement en matière de lutte contre le terrorisme. Par frontières intelligentes, les spécialistes européens entendent un système de filtration efficace, basé aux frontières délimitées par les accords de Schengen, filtration qui ne s’en prendrait qu’aux suspects. Ce système fait appel essentiellement aux organismes de renseignement communs à l’ensemble des États européens et à la sagacité de ceux chargés de les mettre en œuvre. Cette salve de mesures – d’une teneur assez faible, il faut le reconnaître ! – témoigne cependant de la vivacité d’une Union qui prend en compte la réalité d’une menace terroriste. Cependant, la parade à cette menace en est demeurée au stade des bonnes intentions. Il a fallu attendre 2016 et l’augmentation massive des attentats pour que les parades évoquées soient matérialisées. Certains chiffres, par eux-mêmes, sont angoissants et se passent de commentaires.
Selon le ministère de l’Intérieur français, 8 250 signalements de radicalisés ont été recensés depuis avril 2014 – et à la fin 2015 – dont 20 % sont des mineurs, 30 % sont des femmes et 40 % des convertis.
L’étude démontre que l’ensemble du territoire est concerné, de même que toutes les catégories socioprofessionnelles. Il y a néanmoins une majorité de chômeurs ayant subi des condamnations et n’encourant que des peines de faible durée. Par ailleurs, les interrogatoires font ressortir que la majorité mise en cause est donc désœuvrée, mais peu n’en vient que progressivement à l’islamisation, après avoir subi des influences de propagandistes adroits.
L’action de certains imams est prépondérante. Il est proprement stupéfiant que des prêches professés en arabe dans certaines mosquées fassent l’apologie ouverte du djihad armé. Le but du recrutement et de l’envoi sur les terrains de lutte réside dans la disposition de combattants valables, très naturellement, mais aussi d’effectifs qui, de retour en Europe, sont formés. S’il y a des pertes en ligne par désertion, ce n’est pas grave. En effet, la lutte par attentats ne réclame pas d’effectifs trop nombreux. Que l’on considère que pas plus de trois djihadistes en 2015 se sont révélés suffisants pour opérer une action comptant quarante-neuf tués et une cinquantaine de blessés au Bataclan, une salle de concert à Paris.
Les attentats de Bruxelles ont fait plus pour l’Europe qu’une série de réunions ministérielles. Après les attentats de Paris des 7 et 9 janvier 2015 à l’encontre de Charlie Hebdo et d’un supermarché casher, suivis de ceux du 13 novembre 2015 à Paris, ce sont des « Foreign Fighters » qui ont été incriminés.
Il serait fastidieux et de peu d’intérêt de dresser la liste in extenso des attaques terroristes islamistes. Tout au plus, peut-on étudier une telle nomenclature et en tirer, comme conclusion, que l’Europe n’est pas le seul champ opérationnel de l’islamisme terroriste, loin de là. Cependant, il peut être utile de se cantonner à l’Europe occidentale et à une actualité récente, c’est-à-dire à l’année 2016, ne serait-ce que pour se pénétrer du danger et de disposer d’un élément d’analyse pertinent.

Au plan européen, l’année 2016 s’ouvre par l’attaque d’un islamiste marocain, le 7 janvier. Il portait une fausse ceinture dissimulant un couperet à viande pour s’en prendre à des policiers. Il est abattu. Le 11 janvier, un adolescent turc âgé de quinze ans agresse à la machette un enseignant juif. L’assassin énonce avoir agi « au nom d’Allah » et de Daesh. Au bilan, un blessé. En Afrique subsaharienne, au Mali à Bamako, le 22 février, un attentat contre un hôtel où s’était installée la mission de l’UE, entraînant l’armée malienne est déjoué. Un des assaillants a été tué ; les autres ont pu s’échapper. En Belgique, le 22 mars, Daesh frappe. Deux attentats-suicides ont eu lieu à l’aéroport de Bruxelles. Une troisième bombe explose dans la station de métro de Malbeck. Ces attentats sont revendiqués par Daesh. Au bilan, 32 tués et 340 blessés. Le 13 juin, un double meurtre est perpétré à Magnanville, dans la banlieue parisienne. Un gradé de la Police nationale et sa compagne sont assassinés à leur domicile par Larossi Aballa qui se réclame de Daesh. Un repérage minutieux a été opéré par l’assassin et ses complices. La filière est remontée. Le 14 juillet, date symbolique s’il en est en France, à Nice, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, au volant d’un camion trace un sillon sanglant dans la foule sur la Promenade des Anglais, tuant 86 personnes et en blessant 286, avant d’être finalement abattu par les forces de l’ordre. L’enquête permet d’identifier et d’arrêter la filière. Daesh revendique l’acte.
Le 18 juillet en Allemagne, entre Trenchtlingen et Wurtsbourg en Bavière, à bord d’un train régional, un migrant afghan agresse des passagers avec une bâche et un couteau, faisant cinq blessés. Il est abattu par la police, après qu’il ait refusé de se rendre. Un drapeau de Daesh est retrouvé dans la chambre de sa famille d’accueil. Daesh revendique l’attentat, le lendemain. Toujours en Allemagne, un attentat-suicide à la bombe endeuille le festival d’Ansbach, le 25 juillet. L’auteur est un réfugié syrien qui a prêté allégeance à Daesh qui le reconnaît. Retour en France, le 26 juillet, lors de la messe dans l’église de la bourgade de Saint-Étienne-du-Rouvray, dans la banlieue de Rouen, deux islamistes, à l’arme blanche, prennent en otage plusieurs personnes. Le prêtre célébrant la messe est égorgé et un fidèle blessé. Les deux terroristes sont tués par les forces de l’ordre après avoir catégoriquement refusé de se rendre. Ces deux terroristes se réclament de Daesh qui revendique l’attentat par l’intermédiaire d’Amaq, agence de presse qui lui est proche. Passons en Belgique, le 6 août : deux policiers sont attaqués à la machette à Charleroi. L’assassin crie « Allah Akhbar », Dieu est grand. L’enquête détermine la piste terroriste de Daesh, ce qui est reconnu par la revendication de l’État islamique, le 6 août.
La Russie n’échappe pas à la vague. Le 17 août, dans la banlieue de Moscou, un poste de police est l’objet d’une attaque à l’arme blanche. Le lendemain, Daesh revendique l’attentat par l’intermédiaire d’Amaq, déjà citée plus haut.
Et encore, il ne s’agit que de l’Europe et cette nomenclature est close à la fin d’août 2016. La majorité des attentas se situe au Moyen-Orient. La contagion gagne l’Europe à travers des frontières éminemment poreuses.
La phobie de l’attentat atteint en France des degrés extrêmes. Le samedi 19 septembre, est annoncé un attentat à la bombe contre une église, préparé par Daesh. C’est un jeune musulman qui a donné l’alerte. La publicité et la crainte, voire la panique, se répandent. Enquête faite, il s’avère deux jours après qu’il s’agit d’un fantasme. Le jeune musulman a monté une mystification, pour se rendre intéressant et se glorifier sur internet d’avoir fait déplacer de très gros contingents de forces de l’ordre. Daesh peut se réjouir : son action prend, et jette le désordre voulu.
S’il y a bien contrôle systématique aux frontières de l’espace Schengen, ce contrôle est plus symbolique qu’effectif, faute de fichier adéquat. D’autre part, ce même contrôle ne s’intéresse que faiblement aux Européens : erreur profonde. Quant à la détention d’armes à feu, sa surveillance est tout à fait inopérante, car elle est impossible en réalité. En outre, les attentats peuvent être commis à l’arme blanche, ainsi que démontré en juin 2016 contre deux agents de l’État dans la banlieue de Paris, attentat opéré par un djihadiste isolé.
L’affaiblissement d’Al-Qaïda, à la mort de son chef, quoi que l’on dise, conduit au renforcement de Daesh, le califat musulman qui a un projet plus clair, mais mène une lutte entachée d’erreur. En effet, vouloir « territorialiser » un espace pour y construire un État et, ainsi, jouer dans la cour des grands, est une erreur majeure. Tous les nouveaux révolutionnaires ont succombé à la tentation : posséder une capitale, construire un embryon d’État qui correspond, d’ailleurs, à la dénomination de « Daesh, État islamique ». Quelques-uns ont réussi, le Viêtnam entre autres, de nombreux autres ont échoué, en Afrique subsaharienne notamment. En effet, la construction même d’un embryon d’État avec des structures naissantes, conduit de la part d’un État antagoniste, mais établi, à attaquer un système qui alors est symétrique. La victoire dans ce genre de lutte appartient à l’État établi, bien que cela soit l’ambition du terrorisme. En effet, la séquence chronologique est parfaitement connue. De l’attentat terroriste, la transition passe au maquis et à la guerre subversive. De là, on aboutit au contrôle d’un territoire, puis à la reconnaissance diplomatique et à la victoire. Daesh prétend, in fine, instaurer son califat sur l’ensemble du monde musulman ! Pour mener cette lutte, il est nécessaire de se procurer des fonds, mais pas trop. Ce n’est pas la peine et distrait de l’objectif premier qui reste la lutte armée. Il en découle que le contre-terrorisme ne peut employer un quelconque argument financier. La proposition devient fausse dès que Daeh s’assoit sur un territoire.
Le pillage des œuvres d’art est suffisant. Ne prenons qu’un exemple, celui du pillage des œuvres d’art perpétré par Al-Qaïda en Irak, ou celui exécuté par Daesh en Syrie. Des instances comme « Tracfin » n’ont aucun mal à repérer les circuits de financement et de remonter aux sources tant de l’émission que de la réception, en passant par les intermédiaires. Le circuit ne tarde pas à être démantelé. Faut-il encore l’entreprendre ! L’intérêt d’une telle traque réside dans sa quasi-clandestinité, si ce n’est son absolue discrétion. L’essentiel est de s’en prendre à l’origine, à la découverte de la source, un amateur éclairé d’œuvres d’art ou le conservateur d’un musée prestigieux. L’amateurisme et le désir l’emportent sur l’honnêteté. Mais il est indispensable de frapper sans rémission et de faire abstraction de la notoriété du réceptionnaire qui ne manquera pas de trouver de hauts commanditaires, se voulant intouchables et qui le croient de bonne foi à l’origine. Restent les faux dont les États terroristes se font aussi une spécialité. C’est une affaire de renseignement.
Autre source de financement, un État commanditaire. C’est là, l’opportunité la plus grave car l’État commanditaire n’hésite pas à soutenir le mouvement révolutionnaire – Daesh ou Al-Qaïda – tant financièrement que matériellement. Les exemples sont fournis, entre autres, par l’Arabie saoudite et le Qatar, selon certaines accusations, peut-être pas infondées.
Comment peut-on expliquer que Daesh exploite sereinement le pétrole syrien, sous l’œil bienveillant des Américains, tout du moins de certains et durant un certain temps ?
La solution appartient à une unité européenne mettant en chantier des moyens policiers et militaires communs. On retombe dans la rhétorique de l’Europe, bouc émissaire.
En effet, l’Europe sécuritaire reste bien embryonnaire. Il y a là une vision idéologique, juridiquement et politiquement impossible à conduire à bonne fin. Pour s’exprimer crûment, il faudrait mettre sur pied une force européenne, un FBI européen et une Agence européenne de renseignement : la quadrature du cercle !
L’armée européenne, de même qu’une police européenne ? Il est inutile de gloser sur ce sujet. Le FBI et l’Agence de renseignement européenne demandent la révision des traités. Alors que le « Brexit » défraie la chronique, il est inutile de nourrir l’utopie d’une nouvelle conférence chargée de l’œuvre de la révision d’un traité.
L’Europe, et l’exemple est pertinent, n’est pas compétente en matière de renseignement. Le deviendra-t-elle seulement ? On peut en douter, quelle que soit la matière, la finalité du renseignement. C’est que les différentes branches du renseignement se chevauchent. Et ne serait-ce qu’un échange de données revient à livrer ou permettre de découvrir une source. Ceci est inacceptable pour un État. Il serait suicidaire.
Daesh, terrorisme, état terroriste autoproclamé
Le Qatar et l’Arabie saoudite ont financé les systèmes terroristes du type Al-Qaïda est le plus connu, si ce n’est par son action sur les Twin Towers après 2001. Les pétromonarchies subventionnaient et subventionnent les extrémismes religieux pour avoir la paix. Ils achètent une non-belligérence à leur égard. En admettant encore que ces États ne soient pas mus par une idéologie.
L’Europe est la cible privilégiée de Daesh, parce qu’elle est le foyer principal de son action et de ses capacités. Par ailleurs, les États-Unis seraient certainement une cible de premier ordre parce qu’ils luttent contre le terrorisme en de multiples lieux sur la planète avec une ardeur décuplée et une relative impunité. En effet, les États-Unis sont loin des bases de Daesh qui ont du mal à s’en prendre à eux. C’est ce qui est répété à foison. Renouveler l’exploit du 11 septembre 2001 n’est pas facile, mais pas impossible. En attendant, l’Europe – et notamment la France – demeure une cible privilégiée. Néanmoins, rien n’est plus faux que de penser que la distance protège les États-Unis.
En effet, l’Europe compte une très forte émigration musulmane – vivier par excellence d’un recrutement intéressant, inutile de se leurrer – valable non seulement pour alimenter le nombre de terroristes, mais aussi pour dégager des effectifs déjà au fait des habitudes de la population. Il ne faut donc qu’inculquer aux volontaires les préceptes de la lutte armée terroriste. De plus, ces terroristes en herbe sont déjà imbibés par le substrat de la population, dans lequel ils ont vécu et se sont plus ou moins fondus.
Le personnel ne suffit pas. Il possède un armement léger, ce qui est bien suffisant pour mener une action terroriste ou une guérilla armée. Par contre, Daesh s’est doté d’armement lourd, ce qui est assez étonnant. Cependant, posséder uniquement de l’armement lourd n’est pas satisfaisant ! Faut-il encore savoir le servir techniquement et tactiquement.
Daesh a trouvé le moyen de se fournir en chars, avions et missiles avec le personnel correspondant, apte à servir ce matériel sophistiqué. Aucun État occidental ne s’est avisé de céder ce matériel. Il provient de prises, de désertions de l’armée syrienne libre qui tire ses origines des adversaires de Bachar el Assad et de transferts en provenance des monarchies pétrolières. En outre, il y a bien lieu de voir là, la cécité de plusieurs États occidentaux, les États-Unis en premier, en ce qui concerne les transferts d’armes et de technologie. Daesh a réussi en 2016 à récupérer 40 kg d’uranium de qualité militaire, volés grâce à des complicités qu’il aurait été facile de contrecarrer pour peu que les responsables s’en donnent la peine. Il reste à savoir ce que Daesh compte faire de cet uranium ! Fabriquer une arme nucléaire ? Absurde ! Le négocier alors ?
Les États-Unis se trouvaient, en 2016, dans la situation paradoxale d’être à la recherche d’éléments contre Daesh, alors qu’ils ont indirectement ou directement contribué à créer et à fortifier des ennemis de leur cause. Il faudrait même déterminer si, dans leur naïveté politique et diplomatique, les Américains ne continuent pas à armer leurs futurs adversaires, les leurs et ceux de leurs alliés. Washington maintient un front contre Bachar el Assad et ses Syriens alaouites contre vents et marées, en dépit de tout bon sens politique. Bachar el Assad n’est pas plus tyranneau que bien d’autres potentats alliés des Occidentaux.
Daesh, de son côté, maintient un système de dialogue et de prêche, cherchant à gagner des adhérents à son idéologie. Le résultat est intéressant quant à la population immigrée en Europe sans grand pouvoir visant à manier le terrorisme ou au plan intellectuel à convaincre des adeptes. Il est bien inutile, en Europe, de déclencher un terrorisme de masse : ce qu’il est pertinent d’entretenir est l’effroi. La contagion finira par gagner les masses et, espèrent les idéologues analystes de Daesh – l’effroi gagnant les masses – l’appareil étatique adverse se disloquera de lui-même. Ceci a déjà été mentionné et représente la finalité suprême.
Daesh table sur le terrorisme pour déclencher des paniques à répétition, en visant au premier chef la population musulmane immigrée. À constater les résultats, l’impact est faible sur la classe moyenne où qu’elle soit implantée et nul vis-à-vis de la classe supérieure. L’attentisme est la règle générale. L’attitude des populations d’origine occidentale n’est pas tellement différente.
Les Européens, les Français en premier, sont pratiquement incapables de soutenir un dialogue avec les islamistes. Lorsqu’il y a dialogue, on pénètre immédiatement, de part et d’autre, dans la langue de bois, incompréhensible pour les uns et pour les autres et objets de railleries réciproques.
Le comble est atteint lorsqu’un imam, un docteur en théologie islamique donc, vise à convaincre un Occidental, du fondement des thèses qu’il défend. L’Occidental lui rétorque que le monde a évolué depuis la disparition du Prophète Mahomet. Ce à quoi il lui est répondu que l’argument de force n’en prend qu’une vigueur redoublée.
La défense des droits de l’Homme, le premier arc-boutant de l’Occident, demande à être vigoureusement entreprise et, au premier chef, expliquée et explicitée. Par ailleurs, les Occidentaux, eux qui s’en font les défenseurs acharnés, devraient être les premiers à les respecter. Or, comment se prétendre à la fois gardien du camp de Guantanamo et défenseur des droits de l’Homme ?
L’Europe a connu déjà au cours de son histoire le terrorisme sous ses multiples formes : l’invasion des barbares détruisant le système politique et territorial gallo-romain ; la guerre des Albigeois ; les Écorcheurs de Charles V ; les mercenaires de la guerre de Cent ans ; les Cévenols protestants et les catholiques ; les révolutionnaires de 1793 et leur suite ; les Vendéens et les petits anarchistes de la fin du XIXe siècle. Or, voilà que le terrorisme renaît en Europe, sous l’influence d’un islam guerrier et vengeur qui n’a d’autres ressources que l’action armée terroriste. En dehors d’y trouver la ressource politique et humaine recherchée, il y trouve une satisfaction déterminée. En effet, grâce au terrorisme, l’islamisme arrive à s’adjoindre une présence qu’autrement il serait bien en peine de découvrir comme mobile à son action.
La prévention
Créer un FBI européen ou une Agence européenne exige de réviser les traités : une œuvre titanesque qui demande du temps et de multiples négociations. Il pourrait y avoir comme solution celle de doter Gilles de Kerchove, le coordinateur de la lutte contre le terrorisme – poste créé en 2007 au niveau de l’UE, à la suite des attentats de Madrid de 2004 – de moyens aptes à lutter contre le terrorisme international. Il est cependant inutile de s’abandonner à des illusions. Ce poste, pas plus que les cinq autres, est inopérant, faute de volonté étatique de le pourvoir en moyens humains et financiers. Tout au plus, Europol dispose de 800 agents, chargés de coordonner le partage d’informations entre les différentes polices nationales et de surveiller les menaces criminelles graves en Europe. S’agit-il encore de s’entendre sur le terme de « menaces graves ». Comme indiqué précédemment, l’organisme est pratiquement inopérant.
De tous les systèmes mis en place, celui qui fonctionne encore le mieux est le « mandat d’arrêt européen », opérationnel au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.
La procédure de ce mandat est adoptée pour faciliter l’extradition, d’un État-membre à un autre, de personnes inculpées pour fait de terrorisme. Son fonctionnement est aléatoire. En effet, d’une part, il est nécessaire d’avoir l’accord de l’État, objet de l’extradition, d’autre part, l’inculpé peut s’opposer à son extradition durant un certain temps en faisant jouer différents artifices de procédure.
Le caractère inopérant de tous ces systèmes est mis en lumière par Frontex, dont le siège est à Varsovie. L’organisme a pour mission de renforcer la sécurité des frontières de l’UE en assurant la coordination d’une coopération opérationnelle entre les États-membres, notamment les États ayant une frontière externe à l’espace Schengen. Or, il a été prouvé par les interrogatoires de personnes inculpées pour des liens avec Daesh qu’elles franchissaient allègrement les frontières incriminées, notamment pour se rendre en Syrie, via la Turquie.
En effet, si l’agriculture ou la concurrence sont très intégrées, voire trop, il n’en est pas de même de la sécurité énergétique, de la défense, de la cybersécurité ou encore de la lutte antiterroriste qui relèvent avant tout de la sphère nationale. Dans le contexte du Brexit, c’est proprement inapproprié.
En premier lieu, il n’y a aucun rapport européen sur l’évolution de la menace terroriste. Or, c’est par là qu’il faut commencer. En revanche, il y a foison de rapports nationaux, mais personne, aucun « monsieur Europe » ne s’est avisé d’en faire une synthèse. Les égoïsmes nationaux et les préventions nationales ont joué leur jeu : l’Europe des 28 et a fortiori si l’on y joint le Monténégro, aucune instance étatique ne veut transmettre les rapports nationaux de peur qu’ils ne soient exploités sans réciprocité, ce qui est loin de ne pas être faux. D’autre part, il y aurait divulgation des sources, ce qui serait catastrophique et les tarirait instantanément.
Comble de contradiction, le coordinateur pour la lutte antiterroriste, en 2016, Gilles de Kerchove, synthétise parfaitement la situation en signifiant que l’UE n’est pas compétente en matière de renseignement. Pourquoi ? Aucune réponse ! Ce domaine est celui des États indépendants. C’est évidemment assez court comme explication, mais c’est ainsi, d’autant plus qu’une telle affirmation recueille l’accord des États européens, maîtres des données du renseignement.
Sur le plan stratégique et opérationnel, l’idée de créer une Agence de renseignement adéquate ressort perpétuellement, sans autre résultat.
Le défi consiste à faire fonctionner l’existant plutôt que de surajouter une structure supplémentaire qui ne tardera pas à s’avérer superfétatoire.
Le déficit n’est pas celui de l’UE mais des États européens qui se refusent obstinément à toute coopération sérieuse. Il y a cependant un défaut majeur de l’UE : l’aveu répété de sa faiblesse.
En France, il y a une lutte feutrée du renseignement entre les différents services pour qui la coopération est très simplement contre nature, semblerait-il. En Belgique, les attentats de Bruxelles ont mis en exergue le manque de coopération internationale.
Les Européens réclament et ne comprennent pas que l’UE ne prenne pas des mesures de défense efficaces, en même temps que spectaculaires. Il faut nécessairement un aspect dramatique dans cette lutte antiterroriste. En effet, les terroristes jouaient à donner un aspect théâtral basé sur l’insufflation de la terreur et de l’épouvante. Il s’agit de frapper les esprits au plus profond. La riposte doit être de la même eau et frapper terroristes et apprentis terroristes au plus profond d’eux-mêmes, de les épouvanter, de les persuader qu’ils ne s’en tireront pas indemnes. Le mot d’ordre non dit, mais qui vient de la terreur de 1794, est « terroriser les terroristes ».
À cet effet, l’UE a adopté quatre lignes directrices stratégiques afin de les mettre en œuvre dans la lutte contre le terrorisme de Daesh.
La première des rétorsions adoptées consiste à bloquer le recrutement et la radicalisation des adeptes terroristes. Il est clair que faute de combattants, la lutte s’épuise. Mais ceci est vite dit et encore plus vite pour mener à des impasses. En effet, on aboutit très vite à un duel de propagande et à une guerre de culture. Cette lutte est une version modernisée de l’embuscade, des attaques par surprises et surtout des attaques inopinées contre des cibles marquantes pour les opinions publiques. Il s’agit bien de marquer les opinions publiques par la terreur. Que les Maghrébins soient l’objet de la vindicte des Européens pour aucun autre motif qu’ils aient la peau basanée et un faciès nord-africain ! Cela aboutit à lancer insidieusement des « ratonnades » ce qui amènera des contre-mesures inéluctables. La politique d’assimilation, déjà bien en peine, en prendrait un coup supplémentaire.
La lutte préventive est ardue. Elle consiste à calmer la soif de vengeance inévitable et surtout que ne s’engage une lutte de mesures à l’encontre de contre-mesures, que ne s’engage la lutte fatale de la spirale ascendante de la guerre civile, marquée par la révolution et la contre-révolution.
L’essentiel de la guerre préventive passe par le renseignement : c’est lui qui livre la clé des complots à venir, tant il est vrai qu’il est difficile à un individu de lutter isolément. Il faut qu’on lui désigne une cible. Il doit posséder une arme dont il lui faut apprendre à se servir, ce qui n’est pas évident, surtout à l’heure où on a supprimé le service militaire, mais guère difficile. Se procurer des munitions n’est également pas évident. Cependant, il a été mentionné précédemment qu’il n’était pas très difficile d’entrer en possession d’une arme de poing et encore moins d’une arme blanche. Un couteau de cuisine est largement approprié pour commettre un attentat. Quant à une filière pour agir et disparaître en toute discrétion, l’œuvre n’est pas aisée et exige des complicités bien rodées. En somme, un assassinat « au petit bonheur la chance » pour une raison banale n’est pas compliqué ! Dès qu’il s’agit d’un meurtre préparé, cela représente une affaire plus complexe. Le meurtrier doit être caché et exfiltré, ce qui avec les contrôles aux frontières n’est pas trop difficile, mais exige une organisation. Or, celle-ci, par définition, est vulnérable, ne serait-ce que par ses inévitables communications. Il faut utiliser une très stricte discipline, telle que celle employée par les conjurés du 11 septembre 2001, pour ne pas se faire repérer à l’avance.
Les exemples ne manquent pas d’attentats par explosifs à bord d’avions. L’explosif n’est pas difficile à concevoir et à fabriquer. Tous les ingrédients sont disponibles dans le commerce. Une organisation adéquate, composée de peu d’effectifs et correctement compartimentée, permet de préparer un attentat réussi. Faut-il disposer d’un personnel suffisamment instruit, du niveau « Bac » ! Or, au XXIe siècle, tout au moins en France, quelque 80 % de la population atteint ce niveau « Bac ». Il n’y a donc aucune difficulté à recruter les djihadistes nécessaires parmi une population de cinq millions de musulmans, sans compter les convertis, parmi lesquels se comptent les plus fanatisés.
Les objections, cependant, ne manquent pas.
Un système, semble-t-il plus simple, déjà mentionné, est d’éviter au maximum l’emploi d’armes à feu, facilement repérable, encore qu’un attentat, autrement que par voie aérienne puisse être mis sur pied afin d’éviter les contrôles à l’embarquement. Est aussi utilisable, dans le but d’encourir une moindre vulnérabilité, l’usage d’un explosif artisanal et l’employer dans une voiture suicide. Faut-il encore savoir fabriquer cet explosif artisanal et son détonateur à temps, mais cela s’apprend. Ne serait-ce que là, est exigé une organisation ainsi que pour la suite de l’opération, à moins que l’on ne trouve un candidat au suicide. Quels que soient les avantages procurés au candidat suicidaire, tant pour lui que pour sa famille, il faut encore rechercher et former ce candidat. Ainsi, on retrouve la nécessité d’une organisation structurée, plus structurée que pour un candidat unique, ce que l’on appelle le loup solitaire, procédant à un attentat isolé. Le djihad n’est pas une opération aussi facile qu’il le paraît et demande toute une préparation qui, à chaque étape, la rend vulnérable.
Le deuxième volet de la lutte est défensif. Il s’agit d’assurer la protection des citoyens. C’est le premier devoir de l’État : la défense des citoyens faute de quoi, ils s’armeront eux-mêmes en milices et procèderont à des « ratonnades ». Ce spectacle est connu et a eu cours à chaque guerre civile.
Il s’agit également de protéger les frontières extérieures. Complication supplémentaire, l’UE s’est dotée d’un espace « Schengen » qu’il s’agit de préserver, de défendre et d’en empêcher le viol.
Le danger est dans la défense de chaque frontière, afin de la rendre infranchissable à tous les suspects. En dehors d’être une utopie, un tel système ramène à la destruction de l’espace Schengen, l’une des réussites vraisemblablement la plus marquante de la construction européenne.
Par ailleurs, il est indispensable de protéger les cibles éminemment vulnérables, telles que la vie des citoyens. Donc, tous les moyens doivent être consacrés à cette prévention. Il s’agit bien de prévention : connaître le projet d’attaque de l’adversaire djihadiste avant qu’il ne prononce son attaque. On en revient au renseignement.
Le danger évident est dans cette défense par anticipation en engageant une lutte mortelle qui fasse naître une atmosphère de suspicion à travers le pays.
Ensuite, une telle lutte ne se conçoit pas sans l’accord de tous les États de l’UE. Faut-il donc obtenir cet accord, à défaut l’acquiescement. Le mieux est d’aboutir à une coopération coiffée par un état-major commun, absolument exempt de fuite, ce qui certainement est le plus difficile.
La protection et la poursuite
La protection des citoyens, déjà évoquée, est, au même titre que la prévention, le premier devoir de l’État qui a à sa charge la protection de ses ressortissants. Plus même encore. Cette protection passe par le premier sas qui est la prévention.
Au premier chef, cette défense s’attache à la défense des protections extérieures, la protection dans les transports, y compris à pied, la protection des cibles stratégiques, qui inscrivent en première ligne les installations nucléaires productrices et de transport d’énergie.
Ces infrastructures, du fait de leur étendue et de leurs emplacements quasiment imposés pour des raisons techniques sont extrêmement vulnérables. Lorsque l’on songe à l’extraordinaire vulnérabilité d’un pylône électrique isolé en pleine campagne, on en frémit. Les conséquences d’un sabotage sont incommensurables, et il est hors de question d’assurer la garde de chaque pylône, disséminé à travers l’espace européen. Une attaque à leur encontre, même si elle est circonscrite, aurait un retentissement médiatique énorme, à la mesure des conséquences encourues et du peu d’efforts à déployer pour un sabotage effectif. Leur défense doit être entreprise de main de maître, passer au stade de défense nationale de premier ordre, ce qui est hors de proportion avec les efforts indispensables à cet effet, notamment en matière d’effectifs.
L’UE élabore, en 2016, une législation concernant un recueil de données des dossiers passagers (PNA) à des fins de prévention. Mais ces données ne visent que des passagers par voie aérienne. Certes, ce sont les plus vulnérables, tant au niveau des passagers que de l’infrastructure éminemment fragile qu’est l’avion et d’une manière générale le transport aérien. En effet, dans la nomenclature des vulnérabilités figurent tous les contrôles, les réservoirs de kérosène et évidemment les aéroports avec leurs entassements humains. La moindre alerte sur ces objectifs déclencherait une panique monumentale.
La poursuite ne doit certes pas être négligée. Le but est de s’attaquer au financement du terrorisme et à le priver de ses moyens d’organisation et de communication.
En mai 2015, le Conseil et le Parlement européens ont adopté de nouvelles règles visant à contrecarrer le blanchiment d’argent et plus généralement le financement du terrorisme par une lutte acharnée et méticuleuse contre son financement. Cette mission est à la charge du Conseil Ecofin.
La stratégie de chaque nation de l’UE et, entre autres, celle de la France, étant liée à celle de l’ensemble de l’UE, ensemble et chaque nation prise une à une, un front commun est indispensable. Le déploiement même à l’échelle mondiale est une obligation absolue. Le premier élément est de commencer par dialoguer avec les pays tiers européens, le deuxième est de poursuivre ce dialogue et de le lancer à travers les continents et les frontières. La coopération passe à travers les Balkans occidentaux, le Sahel, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, la Corne de l’Afrique, l’Amérique du Nord et l’Asie.
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Le premier élément et le plus sérieux de la lutte contre le terrorisme est la prise en compte de l’importance de cette lutte et de la nécessité absolue de la mener avec acharnement au plan international – et d’abord européen.
C’est une affaire de volonté politique. Organiser des cérémonies en l’honneur des victimes, à l’exemple de celle du 19 septembre 2016 aux Invalides, est un devoir de mémoire indispensable. En outre, ne le cachons pas, ce devoir de mémoire participe de la lutte antiterroriste, ne serait-ce que sous cet angle quelque peu cynique.
Les attentats interviennent, certes épisodiquement. Par ailleurs, ils sont peu coûteux en vies humaines, comparés aux pertes encourues lors d’une guerre ouverte symétrique ou asymétrique. Pourtant, il est nécessaire de se rendre compte de la perte en matière psychologique. Les pertes ne se chiffrent pas là en nombre, mais en matière. En effet, que sont 2 973 personnes tuées dans l’effondrement des Twin Towers comparées aux batailles de Verdun ou de Guadalcanal ?
Ces pertes sont cependant intolérables et il faut le répéter inlassablement, il est du devoir impératif de l’État de protéger ses citoyens. C’est même la raison d’être de l’État, de son existence. L’État risque de se disloquer sous les coups des terroristes. C’est bien le but poursuivi par Daesh et parfaitement atteignable.
La vague terroriste qui ravage l’Europe en 2016 n’est pas sur sa fin et dénote une crise de société.
Il a été question du désœuvrement consécutif au chômage qui est le principal moteur de la crise d’une population d’immigration récente ou non. Le terrorisme rejoint ainsi une crise sociale et sociétale qui est à prendre dans son ensemble.
Cette crise tire son origine, comme chacun le sait, dès l’école. On passe à une autre dimension.