Honte à la LREM qui interdit
de facto aux handicapés de vivre en couple et aggrave leurs difficultés !
Ainsi donc, jeudi dernier, le gouvernement a pour la énième fois refusé, par la voix de sa majorité, de deconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés (AAH), c’est-à-dire de désindexer cette prestation des revenus du conjoint.
Aujourd’hui, en France, lorsqu’une personne handicapée qui ne peut pas travailler se met en couple, elle voit son allocation diminuer, voire disparaître, en fonction du revenu du conjoint. Attention, on parle de sommes colossales : le montant de l’AAH à taux plein est de 903 euros – une fortune ! – et l’allocation commence à décroître dès que les ressources du conjoint dépassent 1 020 euros.
Sachant que le seuil de pauvreté, en 2021, s’établit à 1 063 euros, comment qualifier cette situation ?
C’est sordide. Il n’y a pas d’autres mots.
Quand on sait à quel point la vie des personnes handicapées est compliquée, sur le plan matériel bien sûr, mais aussi sur le plan moral et amoureux, comment appeler autrement une disposition qui introduit dans cette vie une nouvelle couche de difficultés, financières et relationnelles ?
En effet, un handicapé qui trouve une âme sœur se voit contraint de vivre à ses crochets. Le fait de se mettre en couple le prive soudain de ressources propres, lui assigne un statut d’assisté, presque de mineur. Tout cela pour des sommes très réduites, en deçà, je la rappelle, du seuil de pauvreté !
Alors oui, c’est sordide. Si sordide que tout le monde le reconnaît. La deconjugalisation de l’AAH est réclamée par toutes les associations liées au handicap, par toutes les oppositions, de la FI aux Républicains, par la Défenseure des droits, et même par l’ONU !
C’est une évidence : cette situation est anormale, elle rend les personnes handicapées, déjà très fragiles, encore plus dépendantes de leur entourage (avec des conséquences parfois dramatiques, notamment pour les femmes), les prive de dignité et, je n’en doute pas une seconde, brise bien des relations et sans doute des vies.
Mis à part le petit intérêt comptable – 270 000 bénéficiaires en couple -, quels arguments la majorité et le gouvernement ont-ils à opposer à tout ce chœur qui les supplie de déconjugaliser l’AAH ?
À vrai dire, ils ont tellement de mal à justifier leur position que leurs réponses sont courtes, gênées et confuses. La seule chose qui en ressort, c’est l’idée que l’AAH serait un minimum social et que, tous les minima sociaux étant liés aux ressources du foyer, il doit en aller de même pour l’AAH. Au nom du principe de « solidarité familiale ».
On se pince.
Et une fois encore. Elle est belle, la solidarité !
D’abord, l’AAH n’est pas un minimum social, mais une compensation individuelle, qui relève du code de la sécurité sociale.
Ensuite, quand bien même elle en aurait été un, vu les conséquences que le dispositif conjugalisé engendre pour les personnes handicapées, la plus élémentaire décence, la plus simple humanité devraient amener les politiques à faire preuve de souplesse.
On est vraiment devant une manifestation de la langue orwellienne, où les mots – en l’occurrence, celui de solidarité – sont vidés de toute substance, retournés en leur contraire.
D’ailleurs, mesdames et messieurs les macronistes, pourquoi alors ne pas aller plus loin ? « Au nom de la solidarité familiale, supprimons les retraites ! » Mais oui, la solidarité familiale devrait amener les enfants à s’occuper de leurs parents âgés. »
Au nom de la solidarité familiale, ne soignons pas les gens ! » Mais oui, les autres membres de leur foyer peuvent bien se cotiser pour leur payer une opération à coeur ouvert.
Mais c’est peut-être l’objectif politique final de la macronie ? Que tout soit privatisé, à commencer par la santé et que la France devienne une insupportable jungle sociale ?
Bref, l’indigence des arguments ferait rire si les drames humains, derrière, ne donnaient pas plutôt la nausée.
Je pense aujourd’hui à mon ami Balthazar, gravement handicapé, hélas décédé avant d’avoir rencontré l’amour. Je pense à lui et je me dis que, fier comme il était, s’il avait eu à choisir entre amour et indépendance, ce choix lui aurait été insupportable.
Je pense à lui et aux centaines de milliers de personnes handicapées qui continueront à être exposées à ce choix.
Le gouvernement commet, une fois encore, une faute grave. Oui, l’AAH doit être déconjugalisée. Évidemment. Totalement et sans délai. C’est un principe de civilisation !