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dans N° 1089, Politique

Repenser l’orientation scolaire ?

Annie DaburonParAnnie Daburon
23 novembre 2018
Repenser l’orientation scolaire ?

Imaginez une entreprise dans laquelle les PDG seraient débarqués non à cause de résultats insuffisants mais selon les convictions idéologiques des actionnaires. Imaginez que dans cette même entreprise les employés n’appliqueraient les consignes de la direction que s’ils le veulent et que les produits, dont personne ne vérifierait le bon fonctionnement, ne seraient pas forcément adaptés aux souhaits des clients. Une telle entreprise serait bien mal en point… Pas de chance, notre système scolaire – et l’orientation qui en découle – lui ressemble beaucoup ! Il existe pourtant des solutions faciles à mettre en œuvre. Voici quelques pistes très concrètes…

Pourquoi RE-penser l’orientation ? Parce que les problèmes d’orientation scolaire remontent à loin. Dès les années 30, les conseillers d’orientation apparaissent et de nombreux tests tentent de faire un lien entre aptitudes personnelles et compétences professionnelles. Bien plus tard, l’explosion du chômage à partir des années 70 allait rendre cette mission encore plus importante. Les réformes, créations de commissions et re-réformes se sont enchaînées depuis plus de 90 ans… et nous sommes toujours au même point : les jeunes Français sont souvent perdus dans le choix de leurs études.

Depuis 20 ans, des sites internet – souvent de qualité – se sont multipliés, ce qui rend toutes ces informations accessibles à tous. Mais trop d’information tue l’information et les jeunes sont encore plus perdus ! Et c’est à ce moment là que les familles me contactent : je suis devenue consultante privée en orientation scolaire en 2011, après 20 années passées en entreprise et 4 ans au sein de l’Apec. Pourquoi le secteur privé s’est-il développé dans l’orientation ? Toujours pour la même raison : les familles se tournent vers le privé lorsqu’elles ne trouvent pas de réponse à leurs besoins dans les services du public. Je travaille avec de nombreux autres consultants privés dans toute la France, et des mouvements de fond sont observés par nous tous, quels que soient la ville, l’origine de la famille, ou le type d’établissement fréquenté par le jeune.

Un premier point essentiel : la qualité de son orientation est souvent proportionnelle à la qualité de ses apprentissages, avec comme clé d’entrée, la maîtrise du français.

Selon l’enquête PISA (qui vérifie les compétences des élèves de 15 ans dans plusieurs domaines), le niveau en français depuis 2003 est alarmant : 7 % des Français sont illettrés, alors qu’ils sont allés à l’école jusqu’à 16 ans1. Comment comprendre les consignes d’un exercice de maths, ou répondre à des questions en histoire si la maîtrise de sa langue maternelle n’est pas acquise ? Lorsqu’un jeune ne sait pas encore flotter dans une piscine, on ne lui demande pas de passer dans la classe supérieure pour pratiquer crawl et papillon… Et pourtant c’est ce que nous faisons dans l’enseignement français. La maîtrise du français doit donc devenir la clé de voûte de l’enseignement. Le dédoublement de certaines classes de CP est une excellente décision qui a produit immédiatement des effets positifs. Mais qu’est-il prévu pour les élèves qui ont déjà fait leur CP dans de mauvaises conditions ?

Avant de découvrir que gérer son orientation est compliqué même pour de bons élèves, intéressons-nous un instant à tous ceux dont le dossier n’est pas à la hauteur des attentes de l’institution. Certains n’ont volontairement pas travaillé à l’école, et ce, malgré toutes les mises en garde. Des esprits chagrins pourraient leur dire alors « tant pis pour vous ! ». D’autres voulaient s’investir à l’école, mais cela s’est mal passé. Et ils perdent alors la main sur leur orientation.

Des orientations subies trop nombreuses

Nous allons évoquer ici deux groupes distincts qui représentent au total 20 % des élèves, soit près de deux millions et demi d’écoliers, collégiens et lycéens2. Ces élèves vivent un véritable parcours du combattant, car ils ne rentrent pas dans les cases. Alors même qu’ils peuvent être brillants, talentueux, passionnés… mais souvent laissés sur le bas côté de la route des études. Pour eux, l’orientation est le dernier domino qui s’écroule, après avoir vu et vécu plein d’autres chutes. Des solutions simples peuvent éviter ce gâchis.

Les « dys »

Les dyslexiques avec leurs difficultés d’apprentissage de l’écrit sont les plus connus. Mais de nombreux autres « dys » sont présents dans toutes les classes : les dyspraxiques (trouble de l’organisation des gestes), dysphasiques (trouble de la compréhension du langage), dysgraphiques (difficultés dans l’écriture), dyscalculiques (trouble du calcul lié à la non maîtrise du système numérique). Et souvent, des jeunes ont plusieurs troubles « dys » simultanément. Au global, on estime qu’il y a au moins 10 % d’élèves qui présentent au moins un de ces troubles.

En France, un temps souvent important s’écoule entre le début des difficultés d’apprentissage et le diagnostic.

Si des AVS (auxiliaires de vie scolaire) peuvent en théorie les aider, dans la réalité des faits, c’est rare car ces personnes ne sont pas assez nombreuses pour les besoins existants. Le tiers temps accordé pour les contrôles ou les examens ne résout rien si en amont l’acquisition des connaissances n’a pas été facilitée. Les « dys » ont quasiment tous un dossier scolaire bien en dessous de leurs capacités. Et également une estime de soi très basse. Cela fait des années qu’ils doivent batailler contre l’institution pour être à peu près comme les autres. Ils n’en peuvent plus, et ne se projettent plus sur une orientation de qualité.

Quelques solutions simples :

  • Former les professeurs pour repérer ces troubles et les prendre en charge au sein d’une classe : en France, un professeur fait en moyenne trois jours de formation par an, et elles ne traitent quasiment jamais de ces troubles. Une telle formation doit être imposée à tous (formation initiale et continue).
  • Autoriser systématiquement un ordinateur en classe : de nombreux professeurs s’y opposent prétextant que l’élève va jouer. Et même si c’était le cas, pourquoi le professeur ne pourrait pas l’empêcher de le faire, comme c’est le cas pour un jeu de « pendu » fait sur une feuille ?
  • Transmettre chaque matin tous les cours de la journée sur des fichiers informatiques : là encore de nombreux professeurs le refusent, en mettant en avant la défense de leur propriété intellectuelle. Cette excuse n’est pas honnête, elle masque une autre réalité : les professeurs formalisent très rarement leurs cours dans un document informatique, et ils n’ont pas envie de commencer à le faire. Déficit de connaissances informatiques ? Refus d’accepter les différences ? Quelle que soit la cause de ce refus, il n’est pas acceptable.

Les kinesthésiques

L’élève modèle pour l’Éducation nationale français est calme, assis sans bouger pendant des heures. Les professeurs reconnaitront sans doute l’élève qu’ils ont été dans cette description. Mais tout le monde n’est pas comme cela ! Vous avez aussi en classe des jeunes qui ne tiennent pas en place, qui laissent tomber à chaque instant règle ou stylo et qui vivent très mal de rester assis. Ce sont les kinesthésiques, ils représentent environ 10 % de la population dans tous les pays3. Ces élèves sont très toniques, apprennent en pratiquant l’activité, sont excellents dans les projets concrets, dans les travaux pratiques, dans le sport et toutes les activités basées sur la motricité. Lorsqu’il est passionné par quelque chose, un kinesthésique apprend facilement et s’en souvient toute sa vie.

Les adultes que nous sommes avons oublié que nos connaissances initiales se sont faites sous l’angle kinesthésique : nos parents ne nous ont pas donné un livre de 300 pages pour apprendre à parler, à marcher, à tenir un crayon ou à faire du vélo. Nous avons appris en pratiquant. Et un jour, on nous a demandé d’oublier ce mode d’acquisition, parce que le système scolaire français privilégie les canaux visuels et auditifs. De ce fait, les élèves qui comprennent mieux « en faisant » se trouvent lésés, ou désignés comme « moins intelligents », alors qu’ils n’ont fait que privilégier un mode d’apprentissage différent du mode visuel ou auditif.

Les pays qui sont en tête du classement PISA en maths, et notamment Singapour, proposent un apprentissage kinesthésique des maths.

Et ça fonctionne très bien !

Là encore, des solutions simples existent !

  • Former les enseignants aux différents modes d’apprentissage, car actuellement, les enseignants français ne privilégient que le visuel et l’auditif.
  • Réaliser, en début de chaque année scolaire, un test sur les mémoires, comme cela est fait couramment au Canada. Les enseignants connaissent ainsi la répartition des types de mémoire de chacun des élèves. Cela permet d’expliquer aux élèves comment mémoriser selon son profil, sans hiérarchiser les qualités de tel ou tel type de mémoire. Cela suppose également que les professeurs expliquent chaque leçon sous les trois modes (visuel, auditif et kinesthésique).
  • Expliquer pourquoi doit-on apprendre ça ? Car c’est la question que se pose en permanence un kinesthésique. Il a besoin de se projeter dans la vraie vie pour bien mémoriser : la notion à apprendre doit lui servir à quelque chose, sinon, il s’en désintéresse. Combien de professeurs font régulièrement le lien entre une notion et son utilité concrète ? Très peu. Pour une raison simple : dans leur vie, ils sont passés de l’école à l’école, sans jamais expérimenter leurs connaissances dans le monde du travail.

« Dys » et Kinesthésiques : mêmes conséquences pour l’orientation…

« On dit trop souvent d’un élève qu’il échoue parce qu’il n’est pas motivé, alors que dans la plupart des cas, il n’est pas motivé simplement parce qu’on n’a pas su le faire réussir », cette citation de Philippe Meirieu est particulièrement juste. Tous ces jeunes arrivent généralement en fin de classe de 3e avec un dossier scolaire trop faible pour pouvoir imposer un choix personnel. Les établissements expliquent alors aux familles qu’il vaut mieux faire des études courtes, et comme à 14-15 ans on ne peut pas aller loin du domicile familial, les affectations se font là où il y a de la place. Ces orientations imposées tombent rarement bien, et tout s’enchaîne : une étude de 2016 de la DEPP a indiqué que « l’orientation subie peut aussi jouer sur les chances de s’insérer professionnellement en développant une plus ou moins forte motivation dans la recherche d’un emploi correspondant à la formation ». Un gâchis qui peut durer très longtemps…

Or la voie professionnelle n’est pas forcément la bonne hypothèse pour tous, notamment pour un dyspraxique mal à l’aise dans la motricité. Les « dys » peuvent réussir en filière générale ou technologique, si les aides évoquées plus haut sont présentes. Les troubles « dys » diminuant un peu avec les années (notamment la dyslexie), il est important de leur laisser toutes les portes ouvertes pour des études supérieures.

Pour les kinesthésiques, les filières technologiques leur permettent d’avoir un excellent dossier pour le post-bac, et intégrer de belles écoles d’ingénieur ou de commerce par exemple, où leur sens du concret fera merveille.

Une véritable orientation scolaire (et professionnelle ?) à développer

Pour de nombreux autres élèves, les études se passent bien, mais les difficultés d’orientation sont aussi là : les parents n’ont pas forcément suivi les réformes de filières et s’accrochent à quelques valeurs qu’ils croient sûres. La plus classique : « le bac S ouvre toutes les portes ». Hé non, même ceci est faux ! Le logiciel Parcoursup accorde une grande importance à la moyenne générale et il a instauré en plus des quotas selon le bac d’origine dans l’accès aux filières post-bac. L’expérience montre qu’un bachelier technologique scientifique avec 11-12/20 de moyenne obtient plus facilement une bonne affectation qu’un bachelier S qui a la même moyenne.

De nouveaux métiers se développent chaque année tandis que parallèlement la crise d’adolescence complexifie les discussions familiales. Résultat : près de 50 % des jeunes se réorientent en post-bac : le taux de passage en deuxième année de fac tourne autour de 20 à 30 %, et de nombreux diplômés ne trouvent pas d’emploi correct à l’issue d’études parfois longues. La surnatalité des années 1999-2001 a submergé les classes alors que l’arrivée de tous ces jeunes était prévisible. Et la volonté politique que 80 % des jeunes aient le bac n’a rien amélioré.

Résultat : l’orientation ressemble désormais à une gestion façon grande distribution : on gère de gros flux, pas toujours dans le respect de tous les intervenants.

Les logiciels type APB ou Parcoursup ne font que matérialiser in fine les problèmes non gérés en amont.

Et si on repassait à une orientation plus respectueuse des individus et des besoins du monde du travail ?

Les acteurs institutionnels de l’orientation

Trois acteurs principaux interviennent actuellement dans la gestion de l’orientation d’un élève : les conseillers d’orientation psychologues au sein des lycées ou CIO, appelés désormais psychologues de l’Éducation nationale (PEN), les professeurs, et la famille (parents et jeune). Chacun d’entre eux doit apporter sa pierre à l’édifice, mais dans les faits, c’est bien compliqué.

Petit tour de la situation et des améliorations à apporter.

Les PEN sont comme le nom l’indique des psychologues. Si ces psychologues peuvent être très importants dans des situations graves (phobie scolaire, addictions, décrochage, etc…), quel est l’intérêt de ce profil pour tous les collégiens ou lycéens, bien dans leur peau, mais avec simplement peu de connaissances du monde du travail ? Un élève qui cherche à identifier son futur métier a-t-il des problèmes psychologiques ? Avoir une question en lien avec son orientation est-elle révélatrice d’une pathologie ? En France, nous avons des « professionnels » de l’orientation qui n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise, sauf job d’étudiant éventuel. Que peuvent-ils transmettre aux élèves ? Depuis des années, des rapports ont été demandés par le ministère de l’Éducation nationale : tous demandent instamment que ces fonctionnaires fassent chaque année des stages en entreprise. Ou mieux, qu’ils soient recrutés après une carrière en entreprise, indépendamment d’études de psychologie. Mais pour l’instant, on ne peut pas dire que la situation évolue beaucoup. Par ailleurs, pour les rencontrer, c’est selon des créneaux fixes, dans la journée : dans la majorité des cas, cela suppose que le jeune manque des cours pour faire le point avec eux. Les heures de présence sont tellement faibles, qu’ils ne peuvent pas aider 100 % des élèves. Et pourtant, un élève qui est sûr à 100 % du bien fondé de son orientation peut se tromper lourdement aussi… Lorsque vous demandez aux familles leur opinion sur cet accompagnement, c’est rarement très flatteur car très éloigné de leurs besoins.

Les professeurs sont des spécialistes de leur matière. Cependant, dans la réforme du bac 2021, de nombreuses heures seront consacrées à la question de l’orientation dès la seconde. Mais on peut multiplier les heures et les professeurs, cela ne changera rien : ils ne connaissent pas plus le monde du travail que les PEN ! Pour développer leurs connaissances, il serait sans doute utile qu’ils sortent de l’Éducation nationale pendant une de leurs semaines de vacances : chaque année, les professeurs pourraient faire un stage en entreprise. Ils découvriraient ainsi un autre monde professionnel, bien différent de leur quotidien. Ces stages volontaires pourraient être intégrés au dossier de notation du professeur.

Autre étonnement concernant le corps enseignant : en France, les professeurs ont un temps d’enseignement de 15 ou 20 heures selon leur niveau (hors heures supplémentaires). Ce nombre d’heures d’enseignement est faible (il est par exemple de 24 à 28 heures en Allemagne). S’ajoute à cela une absence totale de règlementation sur le temps de présence dans l’établissement (il n’y a que le cadre – très théorique – des 35 heures). Or de nombreux pays européens ont une règlementation précise sur les deux activités : l’enseignement et la présence. Ce temps de présence minimum dans l’établissement existe dans de nombreux pays : il est de 25 heures au Portugal, 30 heures en Espagne, 31 heures en Suède, 32 heures en Angleterre et 33 heures en Irlande. Inutile de dire que cette présence aide formidablement les élèves qui peuvent rencontrer et échanger tranquillement avec leurs professeurs, sur tous les sujets possibles, dont celui de l’orientation4. Pourquoi ne pas le faire en France ? Certains rétorquent que ce n’est pas possible car les locaux ne s’y prêtent pas, parce qu’il y a beaucoup de travail personnel à faire (préparation des cours et correction des copies). Pour ne pas insulter les professeurs étrangers, on supposera qu’on trouve aussi dans les autres pays des professeurs qui font ces deux activités. Quant aux locaux, toutes les classes ne sont pas occupées en permanence : des professeurs pourraient s’installer dans les pièces vides et accueillir les élèves… tout en corrigeant les copies. Certes, ce ne serait pas un bureau fixe, mais dans les entreprises, c’est aussi souvent le cas.

Les familles sont évidemment aussi partie prenante dans l’orientation. Actuellement, les collégiens font un stage d’observation d’une semaine en classe de 3e. Pas toujours intéressant, car statistiquement souvent fait dans l’entreprise d’un des parents. Or l’intérêt d’un stage, c’est justement de découvrir des choses qu’on ne connaît pas. Une piste à creuser : chaque année, lors de l’inscription administrative de l’élève, on demande la profession des parents. Cette information sert à quoi ? Sans doute pas à grand-chose. Il serait intéressant de codifier informatiquement (dans le respect de la Cnil bien sûr) fonction et/ou secteur d’activité des parents. Lors de recherche de stages, les élèves pourraient se connecter à cette base de données des professions des parents, et contacter directement le père ou la mère qui exerce la profession recherchée. Chaque parent s’engagerait moralement auprès de l’école à faciliter l’obtention de stages dans son entreprise ou activité.

La voie professionnelle

Quand on est attiré par le travail du bois, on sait rarement à 14 ans si on préfèrera être charpentier, ébéniste ou opérateur de scierie. Nous avons actuellement environ 200 CAP et 100 bac pros, dont la plupart sont souvent inconnus des familles. S’il y a eu anticipation dès la classe de 4e sur l’orientation vers la voie professionnelle, le jeune aura pu faire une classe de 3e prépa-pro, où des visites d’entreprises sont prévues. Mais pour tous les élèves de 3e qui découvrent à l’issue du conseil de classe du deuxième trimestre (voire du troisième trimestre !), qu’il n’est pas possible d’aller en lycée général et technologique, la panique est totale : que choisir ?

Les formations professionnelles sont actuellement trop pointues dès le démarrage des études : on quitte un enseignement généraliste pour entrer sans transition dans l’apprentissage d’un métier précis. Ce passage sans aménagement entraîne de nombreux décrochages avant la fin des études.

La réforme de la voie professionnelle qui envisage de faire un tronc commun par secteur ou filière au début de ces études est clairement une très bonne piste.

Cela permettra aux jeunes de faire un choix concret et réfléchi d’orientation.

Les stages et l’alternance

Si les stages sont fréquents dans la voie professionnelle, c’est le grand vide ailleurs (sauf exception dans la filière STHR). Pourquoi ?

De nombreux lycéens voudraient faire des stages pendant l’été, mais les établissements refusent en général d’établir une convention de stage au motif que ce n’est pas obligatoire, et qu’il n’y aurait pas de professeur référent pendant les vacances. Et pas de convention de stage, pas de possibilité d’entrer dans une entreprise ! Instituer un stage obligatoire chaque année scolaire dans les lycées généraux et technologiques est l’un des meilleurs moyens pour affiner ses souhaits d’orientation. Car choisir son orientation prend du temps, nécessite d’ouvrir et de fermer de nombreuses portes, pour être enfin sûr de sa décision.

L’intérêt peut être aussi très fort pour les entreprises si on simplifie un peu notre législation.

A-t-on besoin, en effet, d’un référent pédagogique (autrement dit d’un professeur) pour trois ou quatre jours passés dans un département marketing ? La vigilance des parents est largement suffisante. On estime actuellement que 400 000 postes ne sont pas pourvus alors qu’il y a 3 millions de chômeurs. De nombreux métiers sont sous tension et les entreprises qui peinent à recruter seraient sans doute heureuses de pouvoir transmettre aux lycées leurs propositions de stage, ou de les saisir sur un site national.

Autre frein à l’orientation : la gestion de l’alternance en France. Au-delà des contraintes absurdes liées à l’âge et aux conditions de travail, on sait que former un jeune en alternance prend du temps et de l’énergie. Les entreprises, notamment dans les secteurs concurrentiels, n’ont pas envie de former des jeunes qui les quittent parfois dès le lendemain de l’obtention du diplôme.

Là encore une piste simple, utilisée notamment en Allemagne : faire signer au jeune un engagement pour rester dans l’entreprise un certain temps à l’issue de la formation. Les entreprises regarderont alors l’alternance comme un vrai investissement sur l’avenir, pour leur avenir.

Filières et réussite

En France, il y a peu de lien entre les besoins du monde du travail et les personnes qui élaborent les contenus des études. Résultat, des filières qui ne mènent à quasiment aucun poste sont envahies d’étudiants (sociologie, psychologie, lettres, histoire de l’art, cinéma, etc.), pour lesquels l’avenir sera très compliqué.

Certaines études ont un numerus clausus (par exemple en médecine). Pourquoi ne pas l’instaurer pour toutes ces formations qui ressemblent plus à de la culture générale qu’à l’apprentissage d’un métier ? Si quelques dizaines de sociologues seulement arrivent à trouver du travail chaque année, pourquoi en former 2 000 ? Et pour les jeunes qui souhaiteraient malgré tout faire ce type d’études, dont les débouchés sont restreints, voire inexistants, on pourrait les accueillir, mais dans ce cas là, dans un cadre payant. Pour mémoire, le ministère de l’Éducation nationale a chiffré en 2016 le coût réel d’un étudiant à 13 873 € par an5.

Lorsqu’on évoque le coût des études, il faut aussi aborder la question des taux de réussite. En France, de nombreuses universités comptent des centaines d’inscrits qui ne viennent jamais aux cours, ou qui mettent trois ans pour valider leur première année. La dégradation de la qualité des études est aussi liée à cette population d’étudiants fantômes. Par ailleurs, ceux-ci bénéficient parfois de bourses. Selon le ministère de l’Éducation nationale, 3 % des 660 000 bénéficiaires de bourses – dont le montant annuel varie de 250 à 4 500 euros par an selon les échelons – sont déclarés non assidus. Parmi eux, 8 sur 10 sont inscrits à l’université.

Dans l’étude « L’Europe de l’éducation en chiffres 2018 », on découvre que l’Estonie a mis en place depuis 2013 un système tout simple : le montant des frais d’inscription est lié au succès. Si l’étudiant valide 30 crédits ECTS par semestre ou 60 crédits ECTS par an, la poursuite des études est gratuite. Si ce n’est pas le cas, les établissements ont le droit de faire payer des frais à l’étudiant au prorata des crédits non obtenus. À quand ce système en France qui favorisera ceux qui étudient avec sérieux ?

Les entreprises, « les grands absents » de l’orientation ?

Le décalage entre les postes non pourvus et la permanence d’un chômage très haut des jeunes montrent que l’orientation doit être repensée, et vite. Des freins omniprésents et l’ampleur de la tâche ont souvent découragé les responsables politiques successifs de lancer une réforme de fond. Pourtant, renverser toute la table n’est pas nécessaire, des ajustements simples peuvent être rapidement efficaces. Aujourd’hui, il n’est plus acceptable d’attendre une hypothétique baisse du chômage pour que l’orientation se passe mieux. Ce serait d’ailleurs inverser cause et conséquence.

Les entreprises, et donc le ministère du Travail, ont un rôle évident à jouer car les études sont faites pour accéder au monde du travail. Mais en France, on a encore une vision type siècle des Lumières, où le savoir est là pour développer notre culture générale. L’un n’empêche pas l’autre !

Identifier son orientation, c’est comme choisir sa destination de vacances : la Bretagne, les Alpes ou New York. En fonction du lieu retenu, le mode de transport le plus adapté (voiture, train ou avion) apparaît facilement. Dans l’orientation, le métier est la destination, et le cursus nécessaire pour y arriver est le mode de transport.

En France, on laisse les jeunes choisir d’abord le mode de transport (j’adore la littérature, je veux aller en fac de lettres) et ils s’inquiètent éventuellement à la fin des études de la destination (mais que faire avec cette licence ?). Cela n’est pas cohérent.

En Allemagne, par exemple, tout est différent : il existe une collaboration étroite et permanente entre l’Institut fédéral de la formation professionnelle (BIBB), qui définit les référentiels des formations, les Länder (régions) et les partenaires sociaux. Cela permet d’avoir des formations en lien avec les besoins des acteurs économiques ainsi qu’une pratique de l’alternance largement facilitée. Résultat, le taux de chômage des jeunes est de 6 %, quand il dépasse les 20 % chez nous6.

En France, les partenaires sociaux sont-ils prêts à jouer ce rôle ? La réponse sera sans doute très liée à leur positionnement idéologique. Ce serait pourtant un virage formidable à prendre afin de réserver le meilleur pour tous ces jeunes qui arrivent sur le marché du travail… grâce à une orientation enfin bien pensée !

Annie Daburon
Consultante privée en orientation scolaire

———-

  1.  « L’illettrisme, un mal français », Le Parisien, 9 septembre 2016. ↩
  2.  « Les chiffres clés du système éducatif français », site du ministère de l’Éducation nationale : il y avait 12 398 900 élèves (écoliers, collégiens et  lycéens) en 2016/2017. ↩
  3.  « Développer sa mémoire, techniques de mémorisation », Eduscol – ministère de l’Éducation nationale. ↩
  4.  « L’Europe de l’éducation en chiffres », édition 2018, site du ministère de l’Éducation nationale. Une lecture passionnante ! Ce dossier montre que de nombreuses solutions différentes de notre système existent… et fonctionnent très bien.  ↩
  5.  « Un étudiant français coûte 13 873 euros par an », Le Monde, 24 février 2016. ↩
  6.  « Le taux de chômage chez les jeunes en Europe », Eurostat, juillet 2018 – site www.touteleurope.eu. ↩

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