Ce titre est emprunté à un récent N° du Point (2544, jeudi 20 mai).
Un dossier très précis et fouillé y est présenté sur un mal endémiquement français : le poids de la bureaucratie. Ce poids participe selon nous incontestablement du déclin de notre pays. Trop de fonctionnaires tue la fonction publique et le pays qui la nourrit. Le Point nous parle de 5,6 millions de fonctionnaires (contractuels compris).
Le chiffre, comme tous ceux donnés dans ce domaine, ne sont pas d’une exactitude absolue. Ainsi au début des années 90 Alain Juppé, alors Premier ministre, avait diligenté un recensement des fonctionnaires d’Etat. Ce fut tellement peu une sinécure qu’il n’y parvint pas ! Essentiellement parce que l’enquête n’a pu recenser tout le monde (notamment en raison des contractuels aux multiples statuts). On peut tomber des nues car, en principe, chaque agent est recensable ne serait-ce que par une fiche de salaire ! La difficulté vint de l’Education Nationale. Le site du Ministère éponyme dénombre 1162850 agents (2019-2020), soit 157,2 milliards du budget et 6,7 % du PIB. C’est le bataillon le plus important de toute la fonction publique française. « Dégraisser le mammouth » disait, fort à propos, Claude Allègre (le meilleur ministre que l’on ait eu à ce poste depuis des décennies)… Or le mammouth est toujours là !
Bureaucratie. Entendons-nous sur le terme d’abord. Il est pôlysémite. Le mot bureaucratie a été vulgarisé par Max Weber (1864-1920) et s’applique à toutes les formes d’organisation, même s’il est souvent associé aux pouvoirs publics. Ainsi la bureaucratie est l’ensemble des fonctionnaires ou plus largement des employés affectés à des tâches administratives. Ensuite le terme bureaucratie désigne surtout de manière péjorative une influence ou un pouvoir excessif de l’administration dans les affaires publiques ou dans la politique. La bureaucratie est alors caractérisée par sa lenteur, sa lourdeur, son manque de flexibilité, son incapacité à traiter les cas particuliers. Les décisions bureaucratiques sont difficilement compréhensibles, peu conformes au bon sens ou à la démocratie.
Enfin la bureaucratie désigne aussi une forme de régime politique dans lequel le pouvoir réel est détenu et transmis par l’administration.
La progression au sein de l’organisation n’est pas liée à l’efficacité, mais à la docilité, à l’appartenance à un réseau ou à un parti politique, souvent unique.
L’exemple de régime bureaucratique le plus souvent cité est celui de l’URSS avec une bureaucratie très hiérarchisée au service d’un régime autoritaire. On retrouve ce schéma dans la majorité des régimes totalitaires (autre ex : Chine).
« Je constituerai un gouvernement de quinze membres au maximum » avait dit le candidat Macron en mars 2017. A ce jour avec 42 ministres, ministres délégués et secrétaires d’État, le gouvernement Castex compte le plus grand nombre de ministres sous la Ve République, dépassant le record de 26 ministres dans les gouvernements Juppé I (1995) et surtout Rocard I avec 41 (1988). Le candidat Macron plaidait aussi pour un Etat agile. Est agile celui qui est d’abord leste c’est-à-dire léger de préférence. Avec celles et ceux qui sévissent dans les ministères (siège de la pire bureaucratie, celle des technocrates) depuis des décennies, on est très loin du compte. B. Le Maire (qui est le seul politique énarque à avoir démissionné de la fonction publique) estime dans son dernier ouvrage (L’Ange et la Bête) que : « le moindre conseiller ministériel a désormais plus de pouvoir que les élus du peuple, une délibération interministérielle à Matignon plus de poids que les délibérations de l’Assemblée Nationale ». Et il dénonce de façon pertinente une monarchie technocratique qui aurait remplacé la monarchie gaullienne. Autant nous sommes tout à fait d’accord avec la première monarchie décriée, autant nous ne le sommes pas avec la seconde ! Et nous profitons de l’instant pour faire ici un sort à celles et ceux qui dénoncent à qui mieux mieux une prétendue monarchie républicaine ou constitutionnelle sous la Vé. A-t-on déjà vu un monarque élu ? En aucun cas. A-t-on déjà vu un monarque être révoqué par le peuple comme peut l’être le président lorsqu’il se représente (VGE en 1981, N. Sarkozy en 2012) ou perd un référendum (de Gaulle en 1969) ? Jamais. A-t-on déjà vu un monarque passible d’une Haute Cour en cas de faute grave comme le prévoit le Titre IX de notre Constitution ? Non. Alors cessons avec ces vieilles lunes entretenues çà et là ! Il n’y a pas de monarchie présidentielle ou républicaine en France. Il y a un régime parlementaire qui est devenu présidentialiste de par l’élection du président au scrutin direct (qui voudrait revenir dessus ?) et par le fait majoritaire qui découle de son élection et des législatives (les parlementaires devenant peu ou prou des godillots). Quant aux périodes de cohabitation, elles transforment le président en arbitre et surtout pas en monarque.
Revenons à notre bureaucratie en logique macronienne. Dès le début du mandat le président appelle à une « transformation publique ». Va-t-il mettre en place le dégraissage annoncé durant sa campagne et dans son livre (Révolution) ? Il avait annoncé un objectif assez frileux : suppression de 120000 postes de fonctionnaires. Sur un peu plus de 5 millions c’est bien peu. Petite charge symbolique pourrait-on dire. Même si dès octobre 2017 E. Philippe, alors à Matignon, a lancé le Comité Action Publique 2022 (CAP 22) chargé de faire baisser les dépenses publiques (3 pts du PIB pour 2022), celui-ci a accouché d’un rapport (comme souvent, ceux dont on ne fait rien en général soit qu’ils n’en disent pas assez, soit qu’ils en disent trop !). En effet s’il proposait une économie notable de près de 30 milliards, il était politiquement incorrect (suppression des aides à la pierre, coupes sombres dans des aides sociales). Comme le souligne Christian Cazenave (M. Transformation publique auprès d’E.Macron) : « Nos propositions du CAP 22 se sont très vite heurtées aux pratiques habituelles avec des ministres qui nous disaient « Non on ne va pas ouvrir de tels dossiers ». Quand la bureaucratie ministérielle torpille, une fois encore, un projet… On le constate depuis des décennies, (mais ça s’est sur-développé depuis F.Hollande), une fois en place les ministres s’érigent jalousement en premiers agents de leur ministère. Il y a une sorte d’axiome majeur dans notre bureaucratieland : un ministre qui « réforme » (en vérité c’est très rarement lui mais « ses » énarques !) ou accepte de faire des économies, est vu comme ne défendant pas son ministère. La plupart du temps la bureaucratie sclérosante fait en sorte qu’il reprenne les multiples notes (souvent « « intordables ») de son administration.
Le moule des personnalités qui résistaient à cette bureaucratie ministérielle est cassé. Où sont les Chevènement, Charasse, Allègre, Séguin, Sarkozy, Villepin… ? Le film tourné Quai d’Orsay, réalisé en 2013 par le regretté Bertrand Tavernier sur ce dernier est un petit chef-d’œuvre en la matière !
La crise des gilets jaunes a eu deux avantages et un inconvénient.
Premier avantage ? Secouer le cocotier quant au prix des taxes notamment sur le fuel ainsi que celle sur le carbone. Ensuite permettre à Emmanuel Macron de découvrir le pays réel pendant son tour de France (et oui il n’a jamais été élu avant d’accéder à l’Elysée !) où tout était quand même prévu à l’avance (public, lieu visité). L’inconvénient ? L’insécurité générée par certaines manifestations. Mais là n’est pas notre propos du jour. Non, cette crise des gilets jaunes (qui sommeille, ne nous trompons pas) a contraint le gouvernement à mettre un terme à la mini réforme en cours (contrats aidés, continuation du gel du point d’indice des fonctionnaires, réformes des allocations logements). Terminé les suppressions de poste. Les effectifs de l’Etat devront seulement être « stabilisés ». Amélie de Montchalin , ministre de la Transformation et de la Fonction Publique (tout est dit dans l’intitulé) estime, à tort selon nous, que « les français ne demandent pas moins d’Etat mais un Etat qui réponde à leurs enjeux et à leurs problèmes, où qu’ils soient ». Mais bien sûr qu’il y a trop de fonctionnaires dans l’Etat. Le bastion de l’Education Nationale nécessite, on le sait bien, d’être « dégraissé ». Qu’en est-il au ministère des Armées ? Mme Parly, experte en matière budgétaire, ministre en charge de celui-ci ne peut pas ne pas se rendre compte qu’il y a pléthore d’effectifs notamment civils. On pourrait multiplier les exemples. On dit qu’il y a aussi un grand nombre d’agents de tous rangs au ministère des Affaires Etrangères. Que fait M. Le Drian ?
Moins d’Etat peut-être pas mais, comme on le dit souvent, mieux d’Etat. La crise du Covid a révélé tant de dysfonctionnements à cet égard. Que ce soit au niveau gouvernemental, préfectoral, collectivités locales (qui furent les plus promptes à œuvrer tout de même, notamment les régions). Grande question : qui faisait quoi ? Prenons l’exemple des ARS (Loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009 – « Loi HPST »). Elles sont chargées du pilotage régional du système de santé. Elles définissent et mettent en œuvre la politique de santé en région, au plus près des besoins de la population. Elles ont aussi en charge la régulation de l’offre de santé en région.
En 2014, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) dresse un premier bilan des ARS, « une innovation majeure, un déficit de confiance ». Les parlementaires pointent des dysfonctionnements dans le pilotage national de la politique de santé et une coordination insuffisante (fonctionnement en « tuyaux d’orgues »). La mission recommande d’équilibrer les pouvoirs autour du directeur de l’ARS, de donner plus d’autonomie et de faire confiance aux acteurs de terrain. Elle insiste sur la nécessité de donner plus de moyens financiers aux agences pour les soins de ville. Pour Claude Evin, ancien ministre de la Santé, le bilan des agences est plutôt positif. Le pilotage du système de santé au niveau régional a été renforcé. En revanche, cette nouvelle organisation n’a pas été prise en compte au niveau national. Pour achever la territorialisation de la politique de santé, il faut encore que les directions centrales du ministère de la santé évoluent « dans leur culture, leur organisation et leur fonctionnement encore très marqués par une démarche top down avec des services déconcentrés. » Un certain nombre d’observateurs estiment que ces ARS sont une bureaucratie bien loin des préoccupations de santé concrètes. « Combien de collègues vont s’y planquer pour gager du fric et ne plus voir un patient… » nous confiait un ami généraliste. Les médecins y sont avant tout des « fonctionnaires » dont l’approche est avant tout comptable. Ainsi les lits enlevés ici, remis là sans véritable autre logique que celle du chiffre. Le secteur psychiatrique est particulièrement affecté.
La pandémie a révélé que face à la pénurie de masques et de matériels, au manque de lits dans les hôpitaux, au retard dans le lancement des tests à l’absence de séquençages (nous ne sommes même pas 1%…) ; à ces égards les ARS ont, à raison, fait l’objet de vives critiques des élus, soignants et collectivités territoriales pour la gestion de la crise sanitaire. Notamment le fait de pratiquer de la rétention d’informations par rapport aux élus locaux et de s’imaginer omniscientes.
Les experts indépendants de la mission indépendante nationale sur l’évaluation de la gestion de la crise Covid-19, recommandent notamment de se pencher sur un point essentiel selon nous : « le manque de dialogue entre les ministères, l’organisation complexe des relations entre le ministère de la santé et les ARS et instances qui l’entourent, une difficulté d’articulation entre agences régionales de santé et préfectures. » Les maux bureaucratiques les plus « élémentaires » en quelque sorte.
Amelie de Montchalin estime : « Les faiblesses de l’Etat observées pendant la crise sanitaire viennent de ce que les préfets n’avaient pas assez de compétences autour d’eux, pas assez de moyens financiers ni de capacités d’initiative. Les administrations centrales n’ont pas fait leur aggiornamento. L’idée de notre déconcentration, c’est qu’elle leur lâche la bride ».
Cette crise Covid a révélé plein de choses. Et ce n’est pas fini ! … A notre sens c’est l’organisation du système de santé qui fait dès lors débat : faut-il aller vers plus de centralisation pour mieux lutter contre les inégalités territoriales ou, au contraire, faut-il décentraliser davantage vers des échelons de proximité ?
Alors cette réforme de la fonction publique voulue par E. Macron, passe-t-elle par la suppression de l’ENA et la remise en cause de la haute fonction publique ?
Pourquoi pas. Désolé mais, malgré quelques menues réformes (désolé M. le préfet Cultiaux !), cette école est devenue le symbole d’une haute fonction publique qui, une fois sur le terrain, se révèle totalement déconnectée des réalités. Dans mon Auvergne natale (vous y fûtes M. Cultiaux) nous pourrions citer moult exemples qui d’un préfet, qui d’un sous- préfet, qui d’un directeur de cabinet, ignorant tout ou presque du canton ou du département où ils se trouvaient. La technicité administrative des dossiers est parfaitement maîtrisée. Mais le principe de réalité (le seul qui compte désormais aux yeux de nos concitoyens) est totalement ignoré. Nous avons connu une exception (il se reconnaîtra s’il lit ces lignes) qu’il convient de citer car elle est parlante. Au début des années 2010 est nommé directeur de cabinet du préfet d’Auvergne M.A. Ce nom ne nous est pas inconnu. Renseignements pris, il s’agit bien d’un jeune haut fonctionnaire qui, avant cela, fut pendant une dizaine d’années professeur agrégé d’histoire-géographie dans un collège de Seine St Denis (Epinay-sur-Seine exactement) dit en zone sensible.
Nous nous rappelons à son bon souvenir et nous rencontrons. Son parcours vaut de s’y arrêter un peu. Ses dix années d’enseignant ne se sont pas passées dans un secteur facile. C’est le moins qu’on puisse dire. Mais il s’y est très vite fait, notamment grâce à ses compétences et son autorité naturelle (celles-ci nous ont même été confirmées par un neveu qui l’eut en cours !). Au bout de ces dix années, M. A postula à l’ENA au titre du concours extérieur. Il le réussit et s’engagea alors dans la préfectorale. Si nos souvenirs sont bons, il a donc son second poste à la préfecture auvergnate. Aux dires de certains observateurs (policiers notamment) son style trancha avec ses prédécesseurs. Ainsi il se rendit à plusieurs reprises, nuitamment, dans la banlieue nord de Clermont-Fd (sensible) avec chauffeur et policier. Et, au grand étonnement de ces derniers, il alla seul « au contact » de quelques énergumènes pour échanger. Lorsque vous avez fait la Seine St Denis, vous pouvez faire la banlieue nord de Clermont, non ?! Cette « prise de température » lui fut utile pour certains dossiers. Et cela évita aussi au préfet de s’y rendre… C’est là une sorte de principe de réalité que chaque (haut) fonctionnaire devrait désormais respecter.
La réforme impulsée par E. Macron (si elle passe) le permettra selon nous. Nous estimons que la fin de l’ENA est une étape essentielle vers le renouveau de l’Etat. Elle n’est qu’un premier pas sur le chemin de la reconstruction de l’action publique, critiquée pour ses pesanteurs et son impuissance décuplées pendant la pandémie de Covid-19. L’ENA se meurt, selon nous, d’un mal essentiel : une endogamie au stade terminal. Elle est morte ? Vive l’Institut du Service Public. Cette réforme a mis quasiment deux ans à venir. Le souci principal, c’est que nous sommes à moins d’un an de l’élection présidentielle et que l’ordonnance qui la consacre a été « revue » par le Conseil d’Etat (peuplé d’énarques). Le temps est plus que compté. A un an de la présidentielle, il reste qu’Emmanuel Macron a fait du remplacement de l’ENA le symbole d’une volonté réformatrice intacte. On ne peut que l’y encourager. Je pense qu’il est aussi attendu là-dessus par nos concitoyens.
De son côté, le Premier ministre a annoncé le 8 avril dernier un projet de suppression du corps préfectoral (et non les préfets), qui serait remplacé par un corps unique des « Administrateurs de l’État ». Une réforme destinée, notamment, à instiller plus de diversité dans le recrutement, ainsi que des parcours professionnels liés à la performance des préfets et non plus à leur statut. Là également nous souscrivons. Il est temps que la haute fonction publique soit constituée aussi de personnes qui ont un vécu, une expérience du terrain, des réalités de la vie quotidienne de celles et ceux au service de qui elle est. Cela concerne toutes celles et ceux que l’on dira issus de la société civile (police, justice, barreau, enseignement mais aussi milieu économique et social).
Nous ne sommes pas sûrs que ces deux grandes et nécessaires réformes puissent se faire « en même temps »… La plus symbolique serait selon nous l’ENA. La plus « faisable » aussi.
L’autre devra attendre. Les calendes grecques si E. Macron est battu. Immédiatement s’il est réélu.
« Quand j’ai refait ma baraque, j’ai voulu mettre les poignées de porte en hauteur pour que les gamins ne puissent pas ouvrir. Figurez-vous que c’est interdit. La poignée, elle doit être entre 0,9 et 1,3 mètres, c’est la loi qui le dit. De quoi elle se mêle la loi ? Chez moi en plus ! » (Cité par Gaspard Koenig).
Raphael PIASTRA, Maitre de Conférences à l’Université Clermont Auvergne, membre du Centre M. de l’Hospital
Pour prolonger sur cette bureaucratisation, il faut préciser que la France est dans le top 3 européen du coût de l’administration (30% du PIB) et de l’inflation d’emplois publics (30 % de l’emploi total). A noter que les bureaucrates envahissent aussi le niveau local. Ainsi si la France détient près de 94000 d’entités publiques, cela provient de l’existence d’un très (trop ?) grand nombre de collectivités territoriales. Combien de jeunes bureaucrates peuplent les cabinets qui du président de région, qui de celui du département et même les cabinets des maires. Ainsi les maires Vert élus récemment à la tête de villes comme Lyon, Strasbourg, Poitiers ou Bordeaux se trouvèrent fort dépourvus quand la gestion concrète des affaires fut venue… Et le recrutement de jeunes énarques ou diplômés des IRA est devenu tendance ! …
Si la bureaucratie est devenue si prégnante en France c’est en grande partie, comme le démontre très bien l’étude du Point précitée, en raison de l’inflation des normes. Il s’agit incontestablement d’un fléau. La France souffre depuis des décennies d’un excès de normes (loi, règlements…). Il est évident que la crise sanitaire a démontré que cette maladie française était loin d’être soignée. Bien au contraire dirons-nous. « Ce qui a dévoré notre action publique, c’est la culture de la norme », constate E. Macron. Il faut toutefois constater que l’énarque qu’il est n’est pas resté inactif. C’est sous son impulsion que le nombre de circulaires est passé de 30000 à 10000 grâce à un travail de suppression de textes désuets ou obsolètes. Il en va de même avec « les décrets autonomes » (pris en dehors d’une loi) qui sont descendus à une dizaine par an.
Pour ce qui est des lois, le Point parle d’ « un droit législatif bavard ». En 2006 les lois « bavardes », selon l’expression de Pierre Mazeaud, Président du Conseil Constitutionnel, sont toutes ces lois qui dénaturent même le principe de la Loi et en font le remède supposé de nos peurs et nos envies modernes et l’élément principal de communication politique. En 2020 on dénombrait près de 8 millions de mots dans ce droit législatif (pour environ 3 millions en 2002). Les Codes sont de plus en plus épais. En tête le Code de la Santé Publique (1,6 millions de mots), puis celui de l’Environnement (1, 02) et enfin celui du Travail et du Commerce (environ 1 million). Comment les citoyens usagers des services publics peuvent- ils s’y retrouver quand les juges eux-mêmes sont parfois déstabilisés par tant de normes ? …
Prenons l’exemple des lois. Bavardes, elles le sont. Depuis 2002 il y a eu près de 68% de textes de loi en plus (50 % pour les règlements). En 2021 on dénombre près de 90000 textes de lois (250000 règlements). Quid de cette frénésie textuelle alors que nul n’est censé ignorer la loi ? …
Le domaine des circulaires est aussi en cause. Mais il y a eu un effort depuis 2017. Ainsi est-on passé d’un peu moins de 30000 à environ 10500, début 2021. Edouard Philippe énonça que toute nouvelle circulaire devait « être compensée par la suppression ou, en cas d’impossibilité avérée, la simplification d’au moins deux normes existantes ». Et l’on découvrit en 2020 qu’environ 150 circulaires avaient été mises en ligne (2000 en 2012).
C’est en 2018 qu’ont été lancées les « Maisons France Services » (succédant aux maisons de services public) destinées à simplifier les démarches administratives des français et accessibles à moins de trente minutes en voiture (y compris via des bus spécifiques). On en annonce 2000 pour 2022.
Le 6 août 2019, dans une discrétion et une indifférence surprenante, a été adoptée la loi de transformation de la fonction publique. Elle prolonge AP2022. Cette loi va dans le bon sens, c’est incontestable. Ainsi elle modifie le cadre et les pratiques du dialogue social dans la fonction publique, élargit le recours aux contractuels (sur le modèle canadien). Il traite également de la mobilité et des transitions professionnelles des agents. Il renforce l’exemplarité des administrations en matière de déontologie et d’égalité professionnelle. Il revoit le cadre de gestion des ressources humaines. Certaines des mesures mises en place sont inspirées du droit privé, comme le comité social, le contrat de projet, la prime de précarité pour les contrats courts ou encore la rupture conventionnelle. Etonnamment, perdu dans les mains de quelques de bureaucrates des ministères compétents, on attend encore certains décrets d’application… Là aussi vaste problème que ces décrets d’application et/ou d’exécution. Leur absence ou leur retard empêche les lois de s’appliquer. Il faut parfois des mois (6 en moyenne) pour les avoir. Qui en a la charge ? Nos amis bureaucrates qui ont là un moyen idoine de freiner une réforme de l’Etat dont en (par ?) principe ils ne veulent pas…