Lorsque, ce vendredi 15 octobre 2021, l’écho des tambours se répercutera sous la colonnade de la cour des Invalides pour accompagner la marche du cercueil d’Hubert Germain, les phrases écrites par André Malraux, il y a cinquante ans, pourront surgir dans nos mémoires, avec les gisants de la Chevalerie morte écoutant crépiter le bûcher de Rouen : « Des archers d’Agnadel aux clochards d’Arcole, de la Garde impériale jusqu’aux trois cent mille morts du Chemin-des-Dames, des cavaliers de Reims et de Patay aux Francs-Tireurs de 70, montera le silence séculaire de l’acharnement. Avec la phosphorescence des yeux des morts, ceux qu’on ne verra plus veilleront notre dernier Compagnon ».
Ultime survivant des 1 038 Compagnons de la Libération, Hubert Germain avait accepté que son corps aille reposer au Mont Valérien, dans le neuvième caveau de la crypte du Mémorial de la France Combattante. Il y rejoindra trois soldats morts pour la France en 1940, sept autres morts pour la France entre 1942 et 1945, deux fusillés par l’ennemi en Bavière et au Laos, un sergent FFI tombé au Vercors, une résistante déportée puis décapitée et deux autres Compagnons de la Libération, l’un fusillé et la seconde femme inhumée dans la crypte, Berty Albrecht.
Fils d’officier, né à Paris le 6 août 1920, Hubert Germain fut l’un des tous premiers engagés dans la France Libre au début de l’été 1940.
Affecté comme aspirant à la 13ème demi-brigade de Légion étrangère, il s’illustra pendant la bataille de Bir Hakeim, du 27 mai au 11 juin 1942 et fut cité à l’ordre de l’armée pour ses « très belles qualités de chef ». Blessé en Italie le 24 mai 1944, il reçut sa croix de la Libération en juin, des mains du général de Gaulle. Sous la Cinquième République, il fut membre du cabinet du ministre des Armées Pierre Messmer, son camarade de Bir Hakeim, avant de devenir député de Paris. Georges Pompidou en fit un ministre des Postes avant de le charger des relations avec le Parlement.
Hubert Germain a vécu ses dernières années dans la quiétude de l’Institution Nationale des Invalides où, le 26 novembre 2020, jour des obsèques de son camarade Daniel Cordier, le Président de la République lui avait promis qu’il ne serait jamais seul, porté par le souffle et la bravoure de ses camarades. Vendredi, lorsque les honneurs militaires lui seront rendus, on pourra croire à la vérité des mots d’André Malraux : l’ombre étroite allongée lentement sur la France aura encore la forme d’une épée. Puis, le 11 novembre prochain, le dernier cortège d’Hubert Germain quittera l’Arc de Triomphe et chacun pourra se souvenir du discours prononcé par Charles de Gaulle le 11 novembre 1945, au départ des 16 cercueils qui allaient gagner le Mont Valérien, le haut lieu d’où, pour toujours, ils veilleraient sur la capitale « symboliques de tant et tant d’autres qui ont choisi la même gloire dans la même humilité (…) escortés par les ombres de tous ceux qui, depuis deux mille ans, donnèrent leur vie pour défendre le corps et l’âme de la patrie ». L’exemple d’Hubert Germain sera alors un ferment de plus invitant les Français à lever « vers l’avenir les regards et les cœurs d’un grand peuple rassemblé ».
Charles-Louis Foulon,
Historien
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