Le 25 novembre, le Conseil d’Etat a confirmé la dissolution de BarakaCity et la fermeture de la mosquée de Pantin. Réaction de Raphael Piastra.
Eureka ! Le Conseil d’Etat (CE) n’a pas rejoint le chœur des vierges effarouchées de notre République (et il y en a !) qui nous bassinent à longueur de temps sur les droits de l’homme dont pourraient bénéficier les islamistes radicaux. Par le nécessaire réalisme, cher au regretté David Kessler, dont il fait montre depuis un certain nombre d’années, le CE a pris la mesure du danger. Il n’a pas voulu s’engager dans une sorte de « voie de la collaboration » avec l’islamisme radical comme les « sages » de la rue Montpensier. Ainsi le Conseil d’Etat a confirmé la dissolution de l’association humanitaire BarakaCity, ainsi que la fermeture de la mosquée de Pantin, le mercredi 25 novembre. Dans les deux cas, il a rejeté les demandes de suspension. Etudions ses décisions positives pour notre démocratie et parlons des autres nuisibles.
La protection
D’abord un mot de l’association BarakaCity (cité de la chance en anglo-arabe !). Elle était une ONG internationale musulmane de droit français ayant existé de 2008 à 2020. Fondée par Idriss Sihamedi, l’association était censée venir en aide aux populations musulmanes démunies dans plusieurs pays du monde. Son fondateur Driss Yemmou, dit Idriss Sihamedi, très actif sur les réseaux sociaux, se décrit comme un musulman orthodoxe. Mais il multiplie les provocations sur Internet. Il est visé par deux enquêtes judiciaires à cet égard. En octobre dernier, il est même placé en garde à vue à deux reprises puis sous contrôle judiciaire, soupçonné d’avoir lancé des campagnes de cyberharcèlement contre une ex-journaliste de Charlie Hebdo (tiens, étonnant ?) et une chroniqueuse de RMC, toutes deux engagées dans la lutte contre l’islamisme.
L’association BarakaCity avait été dissoute en Conseil des ministres le 28 octobre. Le décret prononçant sa dissolution lui reprochait notamment de propager « des idées prônant l’islamisme radical ». « Par l’intermédiaire du compte personnel Twitter de son président, ainsi que des comptes Facebook et Twitter de l’association, elle diffuse et invite à la diffusion d’idées haineuses, discriminatoires et violentes », poursuivait le décret. Les avocats avaient saisi le CE en référé.
Quant à la mosquée de Pantin, infestée de salafistes, elle avait été fermée pour six mois sur arrêté préfectoral à la demande du ministre de l’Intérieur dans la foulée de l’assassinat de Samuel Paty. Cette fermeture avait été contestée par le recteur de ladite mosquée M’hammed Henniche (plutôt proche des radicaux) devant le tribunal administratif de Montreuil puis devant le CE.
Sur ladite mosquée de Pantin, le juge des référés du CE s’est montré très pragmatique sur la base d’une analyse en trois temps (cf site CE pour plus de détails)
Il estime tout d’abord que la diffusion, le 9 octobre 2020, sur le compte « Facebook » de la Grande mosquée de Pantin, d’une vidéo exigeant l’éviction d’un professeur d’histoire parce qu’il avait dispensé quelques jours plus tôt un cours sur la liberté d’expression au travers notamment de caricatures, ainsi que d’un commentaire mentionnant sur ce même compte l’identité de ce professeur, M. Samuel Paty, constitue des propos provoquant à la violence et à la haine en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme, de nature à justifier la fermeture administrative d’un lieu de culte en application de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure. Le Conseil consacre une fois encore la liberté d’expression, honnie par les islamistes de façon générale.
Il relève ensuite en particulier que l’imam principal de la mosquée a été formé dans un institut fondamentaliste du Yémen, que ses prêches sont retransmis, avec la mention de son rattachement à la « Grande mosquée de Pantin », sur un site internet qui diffuse des fatwas salafistes de cheikhs saoudiens et qu’il est impliqué dans la mouvance islamiste radicale d’Ile-de-France. Tous les ingrédients du fondamentalisme islamistes sont ainsi constitués. Le CE a également observé que la Grande mosquée de Pantin est devenue un lieu de rassemblement pour des individus appartenant à la mouvance islamique radicale dont certains n’habitent pas le département de Seine-Saint-Denis et ont été impliqués dans des projets d’actes terroristes. Il estime dès lors que ces éléments établissent la diffusion, au sein de la Grande mosquée de Pantin, d’idées et de théories incitant à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme, justifiant également la fermeture administrative du lieu de culte en vertu de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure. La démonstration est encore faite de la radicalisation d’une mosquée, comme il en existe tant sur notre territoire. Dès lors sa fermeture est légitime.
Enfin, dans un troisième temps le Conseil d’Etat précise que la fédération pourra demander la réouverture du lieu de culte lorsqu’elle estimera avoir pris les mesures de nature à prévenir la réitération des dysfonctionnements constatés, notamment par le choix des imams autorisés à officier, l’adoption de mesures de contrôle effectif de la fréquentation de la mosquée et des réseaux sociaux placés sous sa responsabilité. Il est fort à parier que, d’ici là, rien ne sera fait. Ou alors pour faire semblant. Malheureusement, une fois réouverte le processus de radicalisation reprendra… Au nom même de la liberté religieuse. Mais d’une seule religion, l’Islam.
Sur l’association BarackaCity (cité de la chance en anglo-arabe !) là encore le CE procède selon une analyse très pragmatique en deux temps (cf site également)
Il relève tout d’abord que les propos tenus par le président de l’association, reconnu comme son principal dirigeant, responsable de sa communication, adressés indifféremment à partir de ses comptes personnels ou de ceux de l’association sur les réseaux sociaux pouvaient être imputés à l’association. Nous dirions sont imputables du fait du président (qui a demandé asile en Turquie, comme par hasard…)
Le CE juge ensuite que certains de ces messages, notamment ceux appelant à des « châtiments » sur les victimes de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo ou exposant à la vindicte publique des personnes nommément désignées, constituaient des discours incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence, de nature à permettre la dissolution de l’association sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Il juge également que les nombreux commentaires haineux, antisémites ou appelant au meurtre suscités par les messages du président de l’association ont pu également être pris en compte en l’absence de toute action récente visant à leur suppression et à la mise en garde des abonnés aux comptes. Les procédés de cette association salafiste sont connus. Ils vont à l’encontre de tous nos principes démocratiques. Le gouvernement a eu raison d’ordonner la dissolution de celle-ci et le CE l’a, bien légitimement, confirmé.
Par ces deux décisions, il est incontestable que le plus haut juge administratif français a très bien jugé. Il a démontré que, tant le responsable de la mosquée incriminée que celui de l’association mise en cause, avaient, sur la base d’un islamisme radical avéré, menacé gravement nos droits et libertés. De ce fait les pouvoirs publics avaient pu légitimement et même légalement, les mettre hors d’état de nuire (temporairement pour ce qui est de la mosquée salafiste) tant par la fermeture que par la dissolution.
L’exposition
Alors quid de nos conseillers constitutionnels ? Eux ont décidé, au nom de nos droits et libertés bien entendu, de nous exposer. Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 18 juin dernier, la proposition de loi contre la haine en ligne, portée par la députée La République en marche (LRM) de Paris, Laetitia Avia, et soutenue activement par le gouvernement. Adoptée le 13 mai, le texte controversé devait entrer en application au 1er juillet, mais le CC l’a privé de l’essentiel de sa substance. En effet il a censuré sa disposition-phare, l’obligation faite aux réseaux sociaux de supprimer, dans les vingt-quatre heures, sous peine de lourdes amendes, les contenus « haineux » qui leur sont signalés sur Facebook, Twitter, Snapchat, YouTube…
Pour le Conseil constitutionnel, ce mécanisme risquait de porter « une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».
Or, c’était « le cœur du texte », comme l’affirmait Mme Avia, en mai 2019. Vous ne voyez pas trouble, cher lectorat, le CC a estimé qu’on le veuille ou non, que les contenus haineux, notamment ceux des islamos-nazis (qui pullulent sur le net), participaient de la liberté d’expression et de communication inclues dans la Déclaration de 1789. Désolé, messieurs les conseillers, mais en matière de menace salafiste, il ne peut plus être question d’adaptation ou de proportion. Au nom de toutes les victimes du terrorisme, il vous fallait au maximum valider le texte, au minimum procéder à de strictes réserves d’interprétation (ce qu’on appelle les feux orange clignotants donnés à une loi). Un peu de réalisme sur l’état de notre société ne vous aurait pas nui. Bien au contraire. Dans un cas comme dans l’autre c’eut été une position aussi inédite que courageuse.
Autre épisode la loi du 27 juillet instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine. Un article est majeur dans le contexte que l’on connait. La mise en place, attendue, d’un régime de sûreté spécifique pour les personnes condamnées pour terrorisme à leur sortie de prison. Saisi, le Conseil constitutionnel, estime loisible au législateur de prévoir des mesures de sûreté à l’encontre d’auteurs d’actes terroristes mais ces mesures doivent respecter les droits et libertés reconnus constitutionnellement. Ces mêmes droits et libertés dont les terroristes s’affranchissent à chacun de leur méfait. En outre, les conditions de leur mise en œuvre et leur durée doivent être adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Toujours le même laïus, adaptation et proportion même pour les ennemis de notre République et de notre liberté !
Les « Sages » ont en outre estimé que le législateur a bien poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. On admirera la petite concession. Mais le CC a cependant noté que « la mesure contestée permet d’imposer, le cas échéant de manière cumulative, diverses obligations ou interdictions portant atteinte à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.» Et « alors que la mesure de sûreté ne peut intervenir qu’à l’issue de l’exécution d’une peine d’emprisonnement, il n’est pas exigé que la personne ait pu, pendant l’exécution de cette peine, bénéficier de mesures de nature à favoriser sa réinsertion. Les renouvellements de la mesure de sûreté peuvent être décidés aux mêmes conditions que la décision initiale, sans qu’il soit exigé que la dangerosité de la personne soit corroborée par des éléments nouveaux ou complémentaires ». Vous avez encore bien lu cher lectorat le mot « réinsertion ». Réinsérer des terroristes !… Qui peut croire sérieusement à ce qui relève presque de l’antinomie ?…. La majeure partie d’entre eux n’ont qu’une hâte c’est ressortir pour recommencer et assouvir leur unique objectif : mourir en héros.
En conséquence, le Conseil a donc censuré l’article 1er de la proposition de loi qui instaure des mesures de sûreté.
Alors pour conclure force est de constater que le CE a très positivement accompli son œuvre juridique. Avec le nécessaire réalisme qu’implique la situation sécuritaire en France. Il n’en va pas de même pour le CC. Se sentant gêné aux entournures, il a fait monter au créneau son président (devoir de réserve cher M. Fabius ?) actuel et son icône d’une autre époque, M. Badinter. Pour les résumer d’une phrase. Rien n’est au-dessus de nos droits et libertés ! Pas même les victimes passées et à venir du terrorisme ?… Comme un pied de nez, nous donnerons le dernier mot à J.-E. Schoettl (ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel) qui dénonçait dans les colonnes récentes de Valeurs Actuelles : « Le fondamentalisme droit-de-l’hommiste est le pire ennemi de l’Etat de droit qu’il prétend défendre, car, par ses excès, il conduit chacun à se demander si l’Etat de droit n’est pas devenu un carcan empêchant l’Etat de défendre la société. »
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public à l’Université Clermont Auvergne