“Crise grave”, “mensonge”, “duplicité”, “rupture de confiance”, “mépris”… Notre ministre des Affaires Etrangères, JY Le Drian (quid du président ?), n’a pas eu de mots assez durs pour traduire l’attitude des Etats-Unis et l’Australie dans la vente de sous-marins qui avait été contractée. La France a même procédé au rappel de ses ambassadeurs de ces pays « alliés ». Il serait temps selon nous de se retirer à nouveau de l’OTAN. Mais cette fois-ci définitivement.
« America first » clamait D.Trump (qui voulait quitter l’Organisation d’ailleurs). C’est particulièrement vrai par rapport à l’Europe et surtout la France. Pour ce qui nous concerne, nous sommes persuadés que la défiance américaine vient du choix courageux qu’avait fait J. Chirac de ne pas nous entrainer dans cette guerre aussi dangereuse qu’inutile en Irak. En effet le 10 mars 2003, le chef de l’Etat annonce solennellement, aux 20 Heures de TF1 et de France 2, qu’il opposera son veto à toute résolution de l’ONU autorisant la guerre contre l’Irak. Ce « non » cinglant fit l’honneur et la grandeur de la France. Il fut adressé au président américain George W. Bush, qui rêvait d’abattre le régime de Saddam Hussein à Bagdad. S’ils veulent la guerre, Bush et ses alliés, Tony Blair en tête, seront donc contraints de la mener en toute illégalité internationale, faute du feu vert onusien. Et les faits donneront raison au dernier grand président français : la guerre de Bush entraînera, certes, la chute du raïs irakien (tombé en un rien de temps faute de troupes dignes de ce nom), mais seize ans après, le Moyen-Orient est plus instable que jamais. Et bien ce choix de J. Chirac, les Etats-Unis ne l’ont jamais compris, ni admis.
On dit que ces derniers sont nos alliés. Cette alliance s’est forgée notamment par le sacrifice de vie des soldats américains lors du D Day. Personne ne niera l’importance de cela. Mais nous sommes de ceux qui relativisent cette action américaine. D’abord la France avait soutenu avec succès la guerre d’indépendance américaine, parvenant à expulser les Britanniques et obtenir ladite reconnaissance grâce à l’intervention de troupes de Rochambeau, La Fayette, Grasse, et Suffren. Il fallait donc bien un rendu après un prêté !
Sans notre action, rien n’eut été possible.
Ensuite le rôle de la Résistance, dans le sillage de de Gaulle, a facilité de façon substantielle l’action des troupes venues nous aider. Rappelons le rôle clef joué par la 1ère armée du général Leclerc (2è DB) en Provence dans l’Est et en Allemagne. Également, même s’il était majoritaire, le contingent américain fut aussi complété par nos amis britanniques et canadiens.
On dit que les Etats-Unis sont venus combattre pour la démocratie et la liberté. Soit. En 1945, c’est en grands vainqueurs qu’ils abordent l’après-guerre, sûrs de leur force symbolisée par le monopole de l’arme nucléaire, confortés dans leur rôle de première puissance mondiale. Ils s’imaginaient les rois du monde. Mais très vite, ils doivent se rendre compte de l’avènement de l’Union soviétique comme grande puissance mondiale qui leur interdit désormais de retourner à leur isolationnisme traditionnel. Et puis cet altruisme américain ne fut pas dénué d’intérêt. En effet, ils nous « imposent » d’abord le plan Marshall. Dès 1947, 16 pays européens acceptent l’aide des Américains. En 1949, ils seront rejoints par la République Fédérale Allemande. L’URSS, légitimement, refusera. Au total, le plan Marshall représente 13 milliards de dollars (l’équivalent de 150 milliards d’euros aujourd’hui) de prêts, mais surtout de dons, en nature ou en argent. La Grande-Bretagne, qui en récupère 26 %, et la France 23 %, en sont les principaux bénéficiaires. Mais il ne faut pas penser que ce plan fut l’alpha et l’oméga. Comme le souligne notre collègue Pierre Grosser : “On entend parfois dire que c’est le plan Marshall qui a permis le redressement de l’Europe occidentale au lendemain de 1945. Il a facilité la reconstruction, certes, mais il est faux de dire que c’est lui et lui seul qui nous a redressés. Dans la réalité, c’était plutôt de l’huile dans le moteur : l’essence, c’était le travail des Européens.” L’occupation de l’Allemagne coûte cher, et les États-Unis ont besoin de partenaires commerciaux outre-Atlantique. Ce plan a acté la bipolarisation de l’Europe en renforçant indirectement le bloc communiste. Qu’on le veuille ou non, il a posé les bases d’un Rideau de fer économique qui scinde l’Europe en deux et fait basculer le Vieux Continent, à peine sorti des brumes du nazisme, dans la Guerre Froide. Et bien sûr, ce plan a permis d’importer moult produits américains en Europe. En proposant cette aide, les Américains y voient également l’opportunité d’user de leur “soft power” dans une Europe incertaine (menace soviétique). Enfin, le remboursement des prêts se fera bien plus tard et la France achève de rembourser ses 225 millions de prêts à la fin des années 1960. Avec des intérêts énormes !
Sortir de l’OTAN, disions-nous. Avec ce qu’ils nous ont fait à propos de ces contrats, ce serait un acte fort. Un acte pour l’histoire. Partant du constat qu’ils ont scindé l’Europe en deux (notamment par méconnaissance de l’Histoire), les Etats-Unis décident donc de créer, à Washington, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (O.T.A.N.). Douze pays sont signataires du Traité : États-Unis, Canada, Belgique, Danemark, France, Pays-Bas, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Royaume-Uni et Portugal. Sur son site, l’OTAN se définit ainsi :
L’OTAN est un acteur de premier plan sur la scène internationale et contribue activement à la paix et à la sécurité. Elle s’emploie à promouvoir les valeurs démocratiques et est attachée au règlement pacifique des différends. Néanmoins, en cas d’échec des efforts diplomatiques, elle a la capacité militaire d’entreprendre des opérations de gestion de crise, seule ou en coopération avec d’autres pays ou organisations internationales.
Posons-nous la question de l’utilité et de l’efficacité de l’OTAN (Alliance Atlantique). Il ne faut pas nier une évidence. Depuis la chute de l’Union soviétique, l’Organisation cherche une raison d’être et une finalité pour une alliance qui était fondamentalement conçue contre l’Union Soviétique. Ces dernières années, la remontée en puissance de la Russie et ses opérations hybrides aux portes de l’Europe ont apporté un peu de souffle à l’Alliance en raison des craintes légitimes des ex-pays d’Europe de l’Est. Toutefois, ceci est bien peu de chose en comparaison de la puissance de la menace soviétique d’antan pour donner du sens à l’Alliance atlantique et, plus encore, à l’organisation qui la met en musique. Certes, le monde n’est pas sans danger, mais la prédominance américaine au sein de l’OTAN ne saurait masquer l’absence de consensus entre les nations de l’Alliance sur la nature des menaces à gérer en commun ou sur l’ordre des priorités entre celles-ci. Il est légitime de se demander quel est le sens aujourd’hui de cette alliance et quelle est l’utilité de l’OTAN, notamment quand les menaces sont de moins en moins de nature strictement militaire. Par exemple contre la guerre que nous ont lancée les djihadistes, elle ne sert à rien. Une question mérite d’être posée : les nations de l’Alliance partagent-elles toujours les mêmes enjeux et les mêmes objectifs ?
De nos jours, l’OTAN doit se résumer essentiellement à une simple caisse de résonance des attentes des États-Unis. Quid de la France dans tout cela ?
Le 21 février 1966, lors d’une conférence de presse à Paris, Charles de Gaulle rend public le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, tout en réaffirmant l’alliance avec les États-Unis. Il précise que la France se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements « intégrés » et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’OTAN. Et le général motive l’essentiel de ce choix sur l’indépendance nucléaire dont il a doté notre pays.
Malheureusement, la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord est annoncée par le président Sarkozy (américanolâtre s’il en est) au Congrès à Washington le 7 novembre 2007. À l’Assemblée nationale, cette politique donne lieu à une motion de censure le 8 avril 2008 et à un vote de confiance le 17 mars 2009. Les deux votes sont favorables au gouvernement et le vote de confiance entérine le retour. Ce retour devient effectif lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg-Kehl les 3 et 4 avril 2009.
Lors des crises les plus graves, comme celles de Berlin ou de Cuba, et plus récemment au sujet des euromissiles ou après les attaques terroristes du 11 septembre, la France a toujours manifesté cependant sa solidarité atlantique. Notons qu’il a fallu attendre le lendemain desdites attaques terroristes, pour que le Conseil de l’Atlantique nord invoque pour la première fois de son histoire l’article 5 du traité de Washington, en déclarant que l’attaque contre les États-Unis était une attaque dirigée contre eux tous (France comprise).
Depuis les années 1990, les sujets de désaccord se sont toutefois faits moins fréquents et la France est redevenue un (le ?) contributeur majeur aux actions politiques et militaires de l’Alliance.
Mais la politique extérieure de la France la conduit à être fréquemment en désaccord avec les propositions américaines, quitte à se retrouver isolée au sein même des pays européens. Mais peu importe, serait-on tenté de dire. Y a-t-il d’ailleurs une politique extérieure européenne ? Quant à une politique militaire, c’est celle dictée par l’OTAN, c’est tout. On le sait, la France est le seul pays d’Europe à pouvoir revendiquer une indépendance militaire et nucléaire. Il n’échappe à personne que nos plus proches voisins européens savent que c’est d’abord vers nous qu’ils se tourneraient en cas de menace. Il existe une sorte de parapluie militaire (notamment de dissuasion) français qui serait à coup sûr plus efficace que celui de l’OTAN.
Alors la France n’aurait rien à perdre, selon nous, à quitter une alliance qui a perdu de son utilité et qui nous coûte plus cher qu’elle ne nous rapporte. Nous plaidons pour une sortie définitive et totale.
Un tel retrait aurait, dit-on, des conséquences au niveau européen. Quitter l’OTAN ne ferait qu’isoler la France en Europe. De façon objective, militairement et diplomatiquement, qu’est-ce que l’Europe aujourd’hui ? De ces points de vue, la France vaut plus que l’UE elle-même ! Quitter le commandement militaire intégré de l’organisation, en revanche, ne changerait pas grand-chose, tout au moins au plan politique, de même que notre retour en son sein [en 2009, NLDR] ne nous a pas énormément apporté. Car, soyons lucides aussi, l’influence de la France dans l’OTAN reste très négligeable. Nous pouvons toujours dire non, refuser des décisions, mais nous ne pouvons être force d’initiative au sein de l’OTAN. Ce sont les Etats-Unis qui décident, ce sont eux qui contribuent à hauteur de 65% à l’effort de défense au sein de l’Alliance atlantique.
Ne pouvant couper le cordon ombilical avec sa genèse, l’OTAN fait montre d’une russophobie viscérale de plus en plus déplacée. Elle a tendance à survaloriser la menace russe tout simplement pour conforter son existence, ce qui n’aide pas au dialogue, à la résolution du conflit ukrainien et surtout place l’organisation dans une position qui peut être interprétée comme offensive et non uniquement défensive. Mais il ne faut surtout pas non plus survaloriser l’OTAN. Vous enlevez les Etats-Unis et la France, il n’en reste plus rien !
Alors, suite à l’affront majeur qui nous a été fait, partons. L’OTAN n’est au fond qu’une administration : ceux qui décident, voire font la guerre, ce sont les Etats membres et non l’OTAN elle-même. Alors que devenez-vous, M.Macron ? Qu’attendez-vous ? Vous auriez dû déjà réagir. Il n’est pas trop tard pour être grand ! L’histoire vous tend les bras. Renvoyez M. Biden à ses moments de lucidité et l’OTAN à son déclin ! Allez, vous auriez même tout à y gagner alors que se profile devant vous une certaine échéance ! Rappelez-vous le plus illustre de vos prédécesseurs : La France ne peut être la France sans la grandeur.
Raphael PIASTRA, Maitre de Conférences en droit public des Universités