Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
Doxa ou épistémè ? la responsabilité de la gauche aujourd’hui, mardi 5 mai
Le rendez-vous est devant nous. La crise sanitaire anesthésie ou fausse le débat politique. Piégée entre une obligation de solidarité et une agitation ponctuelle pour exister, la gauche, en particulier social-démocrate, va-t-elle se dérober devant l’obstacle ?
Toute crise forte génère des débats acérés. Or, rien ne filtre de prises de place à hauteur. Pourtant, de manière plus ou moins explicite, la question est simple. Continuité ou transformation ? La radicalité de la question n’emporte, pour l’instant, que des débris légers de ce que fût une idéologie.
De Bruno Le Maire aux plus extrêmes, la conférence de consensus accouche d’un spectre attrape-tout. La question stratégique est reportée mais on sera différent, on aura compris, on sera responsable climatique, on renforcera la souveraineté, on sera plus proche, plus social… Les pâtissiers ont le choix de leurs spécialités, mais pour l’heure c’est la galette des rois partout et pour tous. Les meilleures présentations ou finitions suffiront pour installer une différenciation victorieuse.
Mais n’est pas un roi mage qui veut et la magie, non plus, ne suffira pas.
Ce sera simple comme une psychologie. L’ordre et le repli ou la rupture, nette.
La première génèrera un casting inédit. La seconde dépendra de l’existence d’une proposition d’espérance accessible sinon ce sera la violence.
Je reconnais aller un peu vite et de manière peu sophistiquée mais, au fond, ça ressemble et ressemblera à ça.
La galette des rois est un choix populiste. Chez moi, ce n’est pas un gros mot, a priori. Parce que, dans ces éléments de langage, tout est important.
Mais, s’il faut en référer au grec, la doxa n’est pas l’épistémè. Dans une période d’incertitude et de prise de risque, la rhétorique ne peut être celle de la doxa, c’est-à-dire du moins disant, en phase avec l’opinion. La gauche va-t-elle se rebeller et, quitte à se projeter dans le temps, choisir l’épistémè contre la doxa ? C’est-à-dire refaire œuvre idéologique, élaborée, réfléchie et qui affronte le réel.
Car, le choix n’existe pas sans ce courage disruptif.
Mais, quand on affronte la peur, il y a une autre nécessité qui est celle de rassurer, avec une autorité humaine et accueillante qui permet la réassurance et la renaissance. Sinon ce sera l’autorité tout court. Elle sera acceptable puis justifiera la force.
Pourquoi attendre ? Comme le souligne Jacques Lacan : ce qu’on ne peut nommer, sans doute, n’existe pas… mais perdure et fini par advenir.
Raccourcissons cette maturation.
On verra le casting mais il faudra de l’ambition novatrice, un autre rôle des territoires et de ses élus fers de lance, une autre approche du progrès et de porter les oriflammes de l’universalisme et du devoir climatique et de justice.
Et c’est tellement plus beau lorsque c’est inutile ! Mais cher Cyrano, pour l’heure, ce n’est pas inutile c’est un devoir du vivant et de l’humanisme.
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste