Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
La renoue-vation, mercredi 6 mai
D’une manière ou d’une autre, sortir de cette pandémie nécessitera de renouer. De renouer, soi avec soi, soi avec l’autre et soi avec la Nature.
Pour rappeler ce si joli mot inventé par les guadeloupéens : la profitation, mettons la sortie de crise, fût elle temporaire, sous le sigle d’une “renoue-vation” essentielle.
L’impact du Covid sera durable, le confinement, puis la distanciation sociale, auront des effets contraires, voire paradoxaux, en apparence. La période est à une confrontation avec soi-même, sans le dérivatif de l’autre. Tout devient indécis, au moment même où il faudrait que quelque chose soit dit. Par une autorité. Norbert Wiener disait que le premier devoir de la Loi est de dire ce qu’elle veut.
C’est cela l’autorité. Mais, cette autorité doit, aussi, permettre que s’instaure un sas de décompression qui permette une reprise du jeu qui soit naturel, en phase avec la nature et dopé d’humanité.
Le respect d’un rythme de reconstruction patiente conditionnera la capacité de transformation.
Il instaurera la pause nécessaire pour faire appel, à l’intelligence et à la sensibilité, face à la facilité de la pseudo-protection d’une autorité autoritaire. Les sportifs appelleraient ça : souffler !
Digression de confiné : ayant la chance d’un lieu de confinement dans une ferme familiale et rustique des Pyrénées, je poste de courtes vidéos de paysages qui sont surtout des allégories de la Nature avec les oiseaux comme musique de film. On m’en sait gré. L’écoute des oiseaux est devenue, même au cœur des métropoles, un repère nouveau. Ils sont la version joyeuse face aux masques, des symboles de cette crise.
Cela se produit si vite !
Mais la Nature est, aussi, un référent piège. Elle peut être une justification de causalités hardies et de conclusions politiques hâtives.
Alors que c’est une chance qu’elle devienne, dans ce contexte, un curseur d’arbitrage. A aller dans l’excès d’exploitations opportunistes, ce sera le retour des vieilles lunes et on aura gâché une belle occasion, d’une grande réconciliation en mouvement.
La Nature est génie. Mais, comme on le sait, il existe de bons génies et de mauvais génies.
C’est la face de Janus du mauvais génie qui nous bouleverse d’avoir fait des choix du mauvais objet (anthropocène, injustice, mépris, puissance etc.). La Nature nous l’éclaire mais ça ne peut être sous le mode pratique de la culpabilisation. Elle ne dit qu’une chose : qu’elle est à la fois le bon et le mauvais génie, qu’elle est, aussi et surtout, ce qu’on en fait.
Nécessairement, le romantisme moderne ne s’étant pas déployé, il faudra bien que la société retrouve la maturité d’un discours politique qui prenne en charge ces troubles existentiels tout en réamorçant une espérance collective instruite par la pandémie.
L’autorité n’interdit pas de renverser sa représentation pyramidale, pour peu que l’on accepte d’en constituer, ensemble, un autre processus de délégation s’il autorise un fonctionnement consistant, pacifié et fédérateur.
Avis aux nombreux profileurs, diplômés en inconscient social, le futur politique s’écrira soit avec ce rythme de retrouvailles et ses scansions soit par la soumission, accompagnée de violences fortes mais sporadiques face à un Etat bien préparé.
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste