Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
Un mouvement A-viraliste ?, vendredi 27 mars
A mon tour, je vais participer à l’antienne. Rien ne sera, donc, plus comme avant en sortie de cette pandémie. Soit ! Mais il est souhaitable de s’engager un peu plus loin sur ce chemin de consensus.
Deux axes de profonde transformation se présentent à cette bifurcation chère à Gilles Deleuze. Celui du modèle économique. Celui des valeurs, philosophiques, politiques et, partant, psychosociologiques.
Terra Incognita est une invitation à s’aventurer dans des projections qui ne sont, en rien, des prévisions.
Comme il faut bien partir d’un point zéro, je veux choisir, pour celui-ci, la crise de la mondialisation que, pour la circonstance, je nommerais la crise de la viralité.
Quelles questions, quelles réponses pour un mouvement A- viraliste planétaire ?
En effet, l’épidémie du coronavirus semble agir comme un révélateur des dérèglements du libéralisme mondialisé.
Il s’installe une viralité symétrique à celle de l’épidémie : celle d’une mise en cause de tout le lexique de la mondialisation. C’est une viralité de la perception, du ressenti, mélangeant allègrement de l’objectif et de l’irrationnel. Comme si le feu couvait (crises sociales dans le monde, urgence climatique, montée des inégalités et injustices…) et n’attendait qu’un souffle complice.
C’est la logique de la mondialisation des réseaux, des algorithmes qui est interpellée. Les réseaux ont pour spécificité la diffusion de messages, en temps réel, écrasant la perspective et jouant ainsi un rôle implicitement normatif.
Entre subjectivité et données objectives, c’est la rhétorique politique qui est éclairée dans une ruche foisonnante de doutes, de critiques, de révélations : frontière, identité, souveraineté, chaîne de production, relocalisation, localisme versus mondialisation, injustice, universalisme.
Il s’agit donc d’une mise en cause du fondement même du modèle du libéralisme mondialisé.
Mais s’expose, simultanément, le sentiment d’impuissance face à l’ampleur de la question.
Peut-on tenter de mettre en place une viralité du débat face à la viralité de la crise ? L’objectif est d’ouvrir le débat à la créativité et non d’exposer un prêt à porter intellectuel qui a ses propres logiques de conception et de diffusion.
Peut-on réparer la planète, ses aspects climatiques et écologiques, tout comme ses dérives humaines et sociales ?
C’est l’espace fractal de Terra Incognita dans lequel gambadent les notions clés d’identité, d’autorité, de justice, de responsabilité et de créativité, de liberté et d’émancipation, de laïcité, bien sûr, et, donc d’éducation.
Entre repli nationaliste et nouvelle ambition universaliste, prospectons… D’abord sur les valeurs car le modèle économique de l’ “après-guerre” ne peut-être que la conséquence de ce qu’elles diront.
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste