Dans le Lot et Garonne Jean-François Blanchet et Didier Benedetti, président et vice-président de l’Umih 47 (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) appellent à la mise en place d’un plan Marshall pour sauver l’industrie touristique au bord du gouffre.
La filière CHRD en Lot et Garonne représente 651 entreprises pour un chiffre d’affaires de 190 millions d’euros et 2 225 emplois, soit 63 % des emplois directs du tourisme dans le 47.
Comme partout en France, toutes ces entreprises sont aujourd’hui à l’arrêt et sous perfusion de trésorerie. Cela ne peut pas perdurer car nous allons nous retrouver face à des faillites en séries. 40 % des hôtels et restaurants risquent de ne pas surmonter la crise économique.
C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place un plan de sauvegarde d’urgence ainsi que de définir un plan de relance pour réinventer le « tourisme d’après.
Le plan d’urgence
Aujourd’hui les hôtels et restaurants sont confrontés à un grave problème de trésorerie. Difficile pour beaucoup de payer leurs salariés, c’est pourtant ce que nous demande l’Etat en attendant le chômage partiel dont la procédure s’avère chaotique.
A peine 50 % des entreprises ont obtenu les codes leur permettant de demander l’indemnisation. Difficile aussi de payer les charges, les emprunts garantis par l’Etat sont une charge supplémentaire et ne sont pas une solution idéale. D’abord parce qu’il faudra les rembourser alors que nos entreprises ont déjà été fragilisées par des mois de « Gilets jaunes » et des grèves. Ce qui risque donc d’handicaper les investissements, les réparations éventuelles, les embauches…. ce sont donc des charges supplémentaires que ne pourront pas absorber nos entreprises.
La seule bonne solution serait de mettre en place un fonds d’indemnisation avec la reconnaissance par l’Etat de catastrophe sanitaire permettant de subvenir en urgence aux graves pertes d’exploitation que subissent nos entreprises.
Ce fonds pourrait être alimenté par les compagnies d’assurances, l’Etat, une partie des recettes futures des taxes de séjour mutualisées au niveau national et par une contribution des OTAs (Booking, Expédia, Air bnb…..).
En France, selon le cabinet Pro-Tourisme, les pertes ont atteint 4 milliards d’euros pour l’hébergement touristique sur le seul mois d’avril et 10 milliards d’euros si on rajoute la restauration, les transports, les sites de visites, les agences de voyages….
En 2018 les assurances ont réalisé 12 milliards d’euros de bénéfice et elles proposent de donner seulement 200 millions d’euros au fonds de solidarité. C’est d’un cynisme inacceptable !
On ne veut en aucun cas ruiner les assurances mais nous souhaitons que l’Etat leur demande de verser une partie de leurs dividendes dans un fonds d’indemnisation mutualisé permettant de sauver des milliers d’entreprises et d’emplois. Nous attendons, maintenant, des mesures fortes pour rembourser une partie de nos pertes d’exploitation comme cela a été décidé en Allemagne. Car même lorsque nous déconfinerons, nous ne retrouverons pas nos chiffres d’affaires.
Le problème, c’est qu’en cuisine ou en salle, tous les postes sont nécessaires si vous voulez travailler correctement. On ne peut donc pas rouvrir avec trop de contraintes en limitant la clientèle. Le gouvernement a choisi la stratégie du confinement il faut qu’il trouve maintenant les moyens de cette stratégie.
Le tourisme d’après Covid-19
L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) estime que cette crise va faire perdre entre cinq et sept ans de croissance au secteur et provoque une diminution des recettes comprises entre 300 et 450 milliards de dollars.
Cela va accélérer les mutations vers un tourisme plus « vert » plus « durable ».
Les établissements devront prendre en compte la volonté de distance sociale avec des espaces plus grands et ouverts. Il va falloir maintenant gérer une évolution en termes sanitaires, mais les acteurs du tourisme aujourd’hui n’ont plus les fonds propres pour adapter l’offre à cette nouvelle demande.
Il faudra un plan Marshall pour aider à franchir ce cap qui pourrait intégrer les propositions suivantes :
- Création d’un fonds d’investissement porté par l’Europe, l’Etat, les Régions et les Départements qui soutiendra nos entreprises et les aidera à s’adapter à la nouvelle demande.
- Création au niveau national d’une véritable agence de voyages en ligne (OTA) pour commercialiser la « destination France » et concurrencer efficacement les OTAs tels que Booking. Cette agence pourrait être portée par une structure mixte (public-privé) et financée par une partie des recettes des taxes de séjour, qu’il faudra faire remonter au niveau national, et les commissions prises sur les réservations.
- Développer le tourisme en mettant en avant les richesses de nos terroirs, en simplifiant la gouvernance tourisme au niveau local, et en réduisant le millefeuille territorial (Office de tourisme, CDT, et CRT) l’offre touristique gagnerait en efficacité, en compétitivité et en visibilité.
- Mettre un terme au commerce illégal qui ne respecte pas les obligations législatives et règlementaires.
- Agir pour le développement durable en soutenant la proximité entre producteurs locaux et restaurateurs et en trouvant des solutions locales moins onéreuses pour accompagner les établissements dans la mise en place du tri, de la collecte et de la valorisation des déchets.
- Promouvoir l’apprentissage en collaboration avec nos centres de formation qui sont indispensables à l’évolution de nos entreprises.
- Développer la création de formations innovantes de courte durée, afin de pouvoir disposer d’un personnel qualifié dans nos métiers de services.
- Pour l’instant, notre secteur d’activité est toujours dans l’expectative. Emmanuel Macron l’a annoncé, pas de redémarrage pour nous-mêmes le 11 mai, alors que dans le même temps il autorise la réouverture des écoles et des cantines. Où est la cohérence ?
- Nous ne savons rien non plus du plan de relance (« de rebond », dit Gerald Darmanin) que le gouvernement prépare. De son contenu et surtout de son montant dépend la vie de milliers de nos entreprises qui, pour l’heure, s’avèrent être plus que les autres les vraies victimes de la crise économique du coronavirus.
Jean-François Blanchet Didier Benedetti
Président l’Umih 47 Vice président de l’Umih 47
Image : Pierre-Olivier, Shutterstock