L’Autorité Palestinienne n’aura vraiment d’avenir politique que le jour où ses dirigeants combattront sans merci le Hamas et l’idéologie islamiste qui le nourrit. Quant à Israël, il n’aura vraiment d’avenir le jour où ses dirigeants s’opposeront clairement et durablement aux ultra-religieux.
Tout serait tellement aisé si la paix entre les peuples pouvait se conjuguer au futur simple. Trop simple sans doute pour les exigences de l’histoire. Car, ce 7 octobre, c’est le présent qui s’est terriblement imposé, les rêves des uns s’envolant avec les illusions des autres.
Personne ne peut croire aujourd’hui à une solution de deux États. Même le chef de l’opposition israélienne, Yaïr Lapid n’y croit plus, lui qui, en septembre 2022 aux Nations-Unies considérait cette solution comme « une chose juste pour la sécurité israélienne, l’économie israélienne et le futur de nos enfants».
Certes personne de sensée oserait faire un parallèle entre le caractère ouvertement génocidaire du Hamas et les délires des ultra-religieux juifs essentiellement portés sur le rêve d’un « Grand Israël » rejeté d’ailleurs par une majorité d’Israéliens, foncièrement laïcs. L’imbécillité dangereusement abyssale du sous-ministre israélien Amichaï Elyhaou, appelant à lancer une bombe nucléaire sur Gaza ne représente fort heureusement que lui-même, mais en le suspendant au lieu de le limoger, Nétanyahou a abdiqué devant la pression que font peser les ultra-nationalistes et qui risque à moyen terme de lui être fatale.
Qu’Israël aujourd’hui se morde les doigts d’avoir cherché à diviser le Fatah en poussant le Hamas en 2005, voilà bien un point que, le moment venu, les ultra-nationalistes sauront rappeler au gouvernement parce qu’ils n’ont jamais digéré l’évacuation de Gaza par le gouvernement d’Ariel Sharon (Likoud). Quant aux Israéliens modérés, ils ne lui pardonneront jamais le massacre du 7 octobre dont pour la plupart, les victimes étaient plutôt dans la mouvance pacifiste. Mais on ne fait pas l’Histoire avec des « ah si on avait su on aurait agit autrement ». La réalpolitik c’est autre chose. Force est de constater que la bande de Gaza, depuis 20 ans formate, conditionne et fanatise une jeunesse familiarisée depuis le plus jeune âge au maniement des armes et qui, ayant atteint l’âge adulte, entièrement nourrie par la haine du Juif apparaît face à Israël comme l’ennemi le plus dangereux de l’État hébreu depuis 1948.
S’en tenir au cadre israélo-palestinien est une erreur. Le conflit est mondial et civilisationnel. L’Iran, centre nerveux de l’islamisme se fiche totalement du destin des Gazaouis.
Le Hamas, et plus encore le Hezbollah libanais ne sont que les produits dérivés d’un islamisme qui a su étendre sa zone de chalandise à l’ensemble de la planète. À la différence du panarabisme, doctrine politique d’inspiration nassérienne visant l’hégémonie égyptienne sur le monde arabe, l’islamisme reprend à son compte une idéologie d’inspiration nazie objectivant la destruction clairement affichée des valeurs de l’occident judéo-chrétien.
L’islamisme politique 1 d’une certaine mesure est une sorte de « coup d’État » contre les valeurs mêmes de l’islam. Gardons à l’esprit celui que l’Église a opéré sous l’empereur Constantin. Une fois installée comme religion d’État, le temporel a vite dévoré le spirituel pour faire de Rome le centre névralgique de la toute puissance papale. Puis, la philosophie des Lumières, le principe des nationalités et l’avènement du raisonnement scientifique ont tout fait basculé au profit du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ensuite le nazisme a tout brûlé, et les hommes et les valeurs. Quant au communisme, cette autre religion totalitaire, elle n’a pas été en reste.
L’islamisme n’est pas loin de ce « cursus historique » à la différence que nous vivons le temps à la vitesse grand V. Avec lui, point de Lumières, point de principes des nationalités et point de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
La gauche, prise dans une tradition historique qu’elle croit inscrite dans le marbre, demeure certaine d’être la gardienne du camp du Bien, opposé en cela au camp du Mal qui serait une droite, tout aussi figée parfois, dans l’intolérance et les ténèbres. L’islamisme profite avec un art consommé de la manipulation, et de cette gauche trop angélique et de cette droite qui, pour reprendre le mot de Talleyrand « n’a rien appris ni rien oublié ». Wokisme trempé dans la repentance victimaire ; conservateurs immobiles noyés dans la peur, sans oublier les extrémismes politiques que l’islamisme utilise selon les opportunités du moment, tel est notre occident dangereusement en déshérence.
La marche contre l’antisémitisme qui a eu lieu dimanche 12 octobre, n’est pas un geste anodin, c’est même un honneur pour notre pays, mais en aucun cas vraiment efficace.
Non seulement elle a montré toute la difficulté de mobiliser les Musulmans de France 2, mais elle a mis en lumière les fractures d’une société française incapable d’unité sur un sujet aussi sensible. Les Frères Musulmans, colonne vertébrale de l’internationale islamiste observent tout cela avec une certaine morgue. Ils fanatisent sans difficulté la « rue arabe ». Ils collaborent en sous-main avec l’Algérie, cette république islamique qui ne dit pas son nom ou avec la Tunisie tout aussi autoritaire que du temps de Ben-Ali ou encore ont table ouverte au Qatar, banquier incontournable « de la cause ».
Grands machiavéliques devant Allah, ils manipulent les Woke pour qui, bouffer du Blanc colonialiste est la meilleure façon d’appartenir au camp du Bien. Face à ces idiots utiles, les islamistes demeurent persuadés que les démocraties occidentales tomberont d’elles-mêmes comme un fruit mûr.
Avec un chômage endémique, une immigration que personne n’arrive à contrôler, des universités contaminées par la cancel culture, l’émergence des populismes qui menacent les partis républicains au bénéfice des extrémistes, pour qui, promettre ne veut pas dire tenir, nos valeurs occidentales font bien peu le poids face à un islamisme prêt aussi bien à occire l’infidèle qu’à cannibaliser ses propres musulmans s’ils ne se soumettaient à sa Doxa. Voilà plus de vingt ans que le monde est leur salle de shoot au sens où après chaque massacre, ils prennent leur pied comme le toxicomane après un fixe. Pour reprendre Nietzsche : « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou » 3. Il n’y a pas plus aveugle celui qui ne veut pas voir, plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Nous sommes comme ces médecins de Molière, qui, pour masquer leur impéritie, se gargarisent de latin, histoire d’endormir les angoisses du malade. Face à un islamisme rampant, nous ergotons, nous analysons, nous nous gaussons d’un vocabulaire tout aussi abscons que le latin de Monsieur Purgon. Au théâtre, ça s’appelle un comique de situation, dans la vie de la tous les jours un retard à l’allumage.
En 2006, dans son livre les Religions Meurtrières Elie Barnavi ancien ambassadeur d’Israël en France écrit : « La guerre pour quoi ? Eh bien je vous le dis, la guerre pour la sauvegarde de vos valeurs, de vos libertés, de votre mode de vie. Bref, de l’avenir de nos enfants » 4.
Dix ans plus tard, Boualem Sansal dans son essai Gouverner au nom d’Allah 5 autopsie avec une précision de médecin légiste les objectifs avoués et les intentions sous-jacentes d’un islamisme décidé à en finir avec l’occident. En 2023 dans un article intitulé de la Démocratie et de ses Principes, Kamel Bencheikh écrit Il n’y a pas de démocratie là où des femmes et des hommes sont bafoués, sous quelque prétexte ou sous quelque forme que ce soit. » 6 paru dans ces mêmes colonnes et intitulé « Les conditions de notre survie en tant que républicains » Presque vingt ans entre l’avertissement lancé par Barnavi et le dernier article de Bencheikh sans oublier les analyses prémonitoires de Sansal. Deux décennies durant lesquelles écrivains et journalistes d’investigation 7 n’ont cesser d’alerter une classe politique aux tendances lourdement autistes. Mais rappelons-nous surtout l’avertissement de Klaus Mann, fils de Thomas, qui, dans une lettre datée de mai 1933 écrit à son ami Gottfried Benn 8 : « On commence par gesticuler contre la civilisation — une posture qui, je le sais n’a pas trop d’attrait pour l’intellectuel ; soudain on en est au culte de la force et déjà on rejoint Adolf Hitler ». Il y a dans ces mots extrêmement puissants quelque chose qui nous renvoie à l’attrait que certains intellectuels nourrissent (encore) pour l’islamisme. »
Hier on appelait ça de la collaboration nazie, aujourd’hui on appelle ça de l’islamo-gauchisme.
Dans le livre d’Isaïe, on peut lire cette apostrophe brûlante d’actualité « Veilleur où en est la nuit ? » (Isaïe, 21, 11) Qu’ils soient romanciers, philosophes, journalistes ou les trois à la fois, ils posent tous quelle que soit leur langue la même et obsédante interrogation biblique.
Ce sont des sentinelles, des visionnaires. On les appelle « lanceurs d’alerte ».
Michel Dray
Historien
Ancien directeur-Général du Comité de Coopération culturelle Marseille-Provence-Méditerranée
Coordinateur de Zone Libre, lieu d’échange d’idées et de réflexions
- Il faut faire un distinguo entre islam et et islamisme. De ce fait, ajouter le qualificatif « politique » sépare l’islam culturel à l’islamisme idéologique. ↩
- Dans un communiqué du 10 novembre dernier, le Conseil Français du Culte Musulman déclare : « Cette marche qui a pour objectif de dénoncer l’antisémitisme sans un mot sur l’islamophobie n’est malheureusement pas de nature à rassembler ». Vision que l’iman de Drancy Hassen Chalghoumi ne suit pas en déclarant sur son compte X (ex tweeter) « J’espère que tous mes frères musulmans et tous mes amis et compatriotes répondront à cette marche et viendront soutenir nos frères français juifs dans cette épreuve. Aucun citoyen ne doit vivre sous la peur sur le territoire de la République. ↩
- Nietzsche « Ecce Homo » ↩
- Elie Barnavi « les Religions meurtrières » Flammarion, 2006. ↩
- Gouverner au nom d’Allah, Gallimard, 2016. ↩
- https://lematindalgerie.com/de-la-democratie-et-de-ses-principes/ (22 juillet 2023) On lira également avec profit son article ↩
- Notamment Mohamed Sifaoui et son ouvrage remarquable « les fossoyeurs de la république » édition de l’Observatoire, 2021. ↩
- Textes de Klaus Mann intégré dans un ouvrage intitulé « Contre la Barbarie » réédité dans la collection « points-essais » 2008. ↩