Yannick Jadot était l’invité du Grand Jury RTL ce dimanche. Une heure d’émission destinée à brosser l’ensemble des enjeux de la présidentielle 2022 à travers le programme du candidat EELV. Une heure d’émission qui a jeté une lumière crue sur la réalité, décevante, de l’écologie politique façon EELV.
A quoi ressemble l’écologie politique ? Quelles sont les perspectives que cette approche singulière du politique permet d’entrevoir ? Comment peut-elle répondre aux défis actuels de la France, et plus largement à ceux que ce XXIe siècle commençant a d’ores et déjà posés sur la table ? Autant de questions auxquelles les Français soucieux d’environnement, sensibilisés à l’urgence écologique, espéraient des réponses en écoutant Yannick Jadot ce dimanche. Déception. Certes, l’interview n’est pas tombée au niveau des sapins de Noël new-age du maire de Bordeaux, et elle n’a pas non plus dérivé vers le sectarisme anti-tour de France du maire de Lyon, mais elle n’a pas convaincu pour autant. Yannick Jadot se tient loin des délires du totalitarisme vert, et c’est heureux, mais on attendait de cette séquence qu’elle ouvre une porte. Ou plutôt, qu’elle confirme une intuition : L’avenir de la gauche française n’est plus ni rose ni rouge, mais vert. Lorsqu’en 1841, année où la première loi interdisant le travail aux enfants de moins de 8 ans fut votée, l’espérance de vie d’un ouvrier n’excédait pas 35 ans – 27 ans parfois, comme au Creusot – l’urgence était alors éminemment sociale ! Aujourd’hui que la Terre brûle, l’urgence est écologique ! A moins d’être sceptique, il n’est plus possible de nier cette réalité. Qu’on soit de droite ou de gauche ne fait rien à l’affaire, le constat s’impose à tous. La question est : Quelle politique pour y remédier ?
Or, en tentant de répondre à cette question, Yannick Jadot a commis à peu près la même erreur stratégique qu’Eric Zemmour en matière de civilisation : poser et reposer un constat sur lequel tout le monde s’accorde sans être à même d’expliciter la pertinence, voire la supériorité, des solutions qu’il propose.
Tout comme Eric Zemmour le fait à droite, Yannick Jadot a répété pendant près de 25 minutes qu’à gauche, c’est lui qui était en position de rassembler, sans jamais démontrer cependant en quoi son programme pourrait englober, voire dépasser, celui du PS, et surtout celui de LFI.
Il est vrai que la première partie de l’émission était fastidieuse, car les journalistes ont lourdement insisté sur la situation de la gauche française, dispersée façon puzzle. Mais l’auditeur attendait de Yannick Jadot qu’il objective le débat, qu’il l’élève au-dessus des considérations tacticiennes, qu’il offre à entendre quelle rupture paradigmatique l’écologie politique est capable d’impulser, ou bien pourquoi c’est d’une écologie sociale dont la gauche a besoin désormais, et non d’une version socialisée du capitalisme vert. Il attendait qu’il critique le mythe de l’abondance, façon Paul Ariès, la société technicienne, façon Jacques Ellul, ou qu’il nous parle, avec Jean Giono, de l’universalité du problème paysan. Bref, qu’il incarne une vision. Qu’il emmène le pays avec lui. Mais rien.
La seconde partie de l’interview, consacrée au programme, n’a pas plus réussi à convaincre que la première. Un sentiment d’étroitesse de vue domine. Pire, un sentiment parfois d’aberration. Petit extrait : Benjamin Sportouch questionne Yannick Jadot au sujet des centrales nucléaires, y compris des plus anciennes qu’il faudrait peut-être fermer. Jadot refuse de les fermer. Sportouch s’étonne, à juste titre, et lui demande de se justifier. L’auditeur s’attend à une réponse technique axée sur les centrales et l’énergie nucléaire. Raté ! Yannick Jadot répond : « rénovation des logements. » Marion Mourgue tentera de le ramener sur les centrales, en vain ; il persiste. L’auditeur se résigne et s’interroge : Bon, ok, mais alors, rénovation pour tous les Français ? Non, répond Jadot : « pour les deux millions de familles, les plus précaires ». A la louche, ça fait à peu près 10 millions d’individus. Quid des 57 millions restant ? Sportouch s’inquiète : « Ça coûtera combien à l’Etat ? » Jadot : « trois, quatre, ou cinq milliards… » Chiffre démesuré pour une fraction si réduite de la nation. Mais Jadot insiste : « Vous savez, c’est rentable, car lorsque l’Etat français emprunte de l’argent aujourd’hui, c’est quasiment à taux zéro… Et pour les ménages concernés, c’est cinq cents, six cents, sept cents euros d’économie par an ». Soyons honnêtes : On frôle la pitrerie ! Le reste de l’interview sera issue du même tonneau : quelques réponses imprécises sur les éoliennes offshores, le photovoltaïque, les éoliennes terrestres dont on ne sait où il souhaite les implanter, quelques critiques diffuses contre le libéralisme, passage obligé même pour celui qui refuse d’envisager le principe (pourtant essentiel en matière d’écologie politique) de la décroissance. Et, pour terminer, une petite pique adressée à Emmanuel Macron, qualifié de « président de l’inaction climatique ». Conclusion : Yannick Jadot, situé autour de 7% dans les sondages, est largement surévalué.
Frédéric Saint Clair
Ecrivain, Politologue