Traditionnelle soirée électorale. Comme toujours, les politiciens iront de plateau en plateau, chacun passé maître dans l’art de l’autosatisfaction. La France Insoumise claironne qu’à « peu de chose près » le score de la gauche, autrement dit la NUPES, talonne celui du RN …à la différence que la NUPES, n’en déplaise aux mélanchonistes, a explosé en vol. Chez les Républicains, on assure la main sur le cœur qu’on a compris la leçon. Les macronistes se réconforte en disant qu’une élection européenne ne fait pas le printemps et qu’on verra ce qu’on verra aux élections législatives du 30 juin et 7 juillet.
Enfin, chez la très mal nommée Reconquête !, confinée à l’extrême-droite, l’heure est ouvertement aux règlements de compte. Quant au RN gonflé à bloc, l’idée de devenir calife à la place du calife ne serait finalement pas une mauvaise idée, et, dans la foulée, prendre la place des Républicains.
Quelle stratégie derrière la dissolution ?
Il ne fallait pas être grand clerc pour savoir que le RN serait en tête. Mais de là à devancer Renaissance de plus du double des suffrages, voilà qui était à peine imaginable à l’Elysée. On peut supposer que la dissolution émise comme une « hypothèse probable »soit devenue une décision présidentielle. Sur les cinq dissolutions que la Vème République a connues seule celle de 1968 fut un coup de maître. Le 30 mai De Gaulle dissout l’Assemblée au terme de plusieurs jours d’émeutes estudiantines, d’une grève générale comme on n’en avait pas vu depuis 1936 et un moral au plus bas.
Résultat : un raz-de-marée gaulliste envoyé au Palais Bourbon, ce qui renversa totalement la donne politique mais pas le cours de l’histoire puisque le Général démissionna moins d’un an plus tard, le 28 avril 1969. Mais Emmanuel Macron n’est pas De Gaulle et la France de 2024 n’est pas celle de 1968.
Les macronistes « historiques » ne descendront pas les Champs-Elysées, d’abord parce que la macronie est trop jeune pour se revendiquer une Histoire ensuite parce que Rachida Dati n’est pas Malraux et Gabriel Attal n’est pas Pompidou. Autre temps, autre moeurs.
Julien Dray qui connaît bien son Macron dit avec raison que l’homme est joueur. La dissolution est une manœuvre extrêmement risquée qui peut soit rapporter gros à son auteur, soit lui faire perdre sa mise. Le fait est que le Président est dans la situation d’échec au roi. Il lui faut éviter la reine Marine et contrecarrer le fou Mélanchon. Et pour ne pas être mat il n’a d’autre possibilité que de sacrifier son cavalier Gabriel après avoir perdu sa tour Hayer. Situation parfaitement inconfortable.
L’islamisme en embuscade, LFI poseuse de mines anti-personnelles.
20 heures passées d’une dizaine de minutes. Q.G. de la France Insoumise. Manon Aubry s’empare du micro et harangue les militants en terminant son allocution par un « Macron doit reconnaître la Palestine » Il faut dire que juste derrière elle, la franco-palestinienne Rima Hassan veille au grain. A moins d’être sourd et aveugle, les Insoumis, sans le moindre complexe, feront campagne en caressant plus encore que dans le passé son électorat issu de l’immigration car il est désormais acquis que l’islamisme est devenu le véritable propriétaire d’une gauche qui a perdu ses valeurs, qui a oublié son combat pour la laïcité et qui met sous le tapis ses convictions pour une société plus tolérante envers les minorités. Manon Aubry, télégraphiste du Hamas, se moque du peuple palestinien. Pour les Insoumis ils ne sont que de la chair à élection.
L’extrême-gauche fait feu de tout bois. Aussi, cultive-t-elle à travers des manifestations « keffiesques » la haine de la démocratie rappelant ces « chères dictatures » où l’individu n’est rien, la foule tout
La gauche introuvable
Penser que communistes, Insoumis et écologistes puissent accepter les conditions imposées par Raphaël Glucksmann, notamment une rupture nette avec Mélanchon, c’est croire au père Noël. La question qui hante les états-majors, c’est comment garder son siège. La NUPES était leur couverture de survie. L’éventualité d’un « Front Populaire » saura-t-il la remplacer?
En d’autre terme, la gauche de 2024 est plus introuvable que jamais.
La droite et ses extrêmes
Les Républicains, désireux de sauver les meubles mais déterminés à aucune alliance avec le RN sont dans l’expectative. Certains voudraient une sorte de pacte de non agression entre candidats LR et candidats Renaissance ; d’autres, voudraient communiquer sur des thèmes comme l’immigration ou l’insécurité, autrement dit labourer sur les terres du RN.
Compte tenu de la fragilité politique du LR, les dirigeants auront bien du mal à conserver une discipline au sein de leurs troupes.
Sur un autre plan, les tractations entre le RN et Marion Maréchal sont à double tranchant. On pourrait y voir une Marion Maréchal allant à la soupe, emmenant avec elle un noyau dur de militants nostalgiques d’un Lepénisme d’antan, ce qui risque de porter ombrage à Marine Le Pen., désireuse de se refaire une virginité idéologique. Comme on le voit, à l’extrême-droite l’union des familles est loin d’être faite. En d’autre terme, soit Bardella entre à Matignon et il y a fort à parier que, à un moment ou à un autre, le bateau Marine-Jordan prenne l’eau, — car, en politique, il n’y a jamais la place pour deux chefs — soit il s’use « tout seul » à Matignon. Dans tous les cas de figure, Marine Le Pen s’installe dans le « wait and see »
Macron joue avec le feu
La campagne sera courte. Très courte. D’une manière générale les consultations législatives sont plus importantes aux yeux des Français que les européennes, il n’en reste pas moins que le raz-de-marée RN sera une réalité incontournable. Cependant, sur les 52% de votants dimanche dernier, beaucoup sont des militants ou des électeurs bien ancrés dans leur convictions politiques de telle sorte que le score du 9 juin est aussi un vote militant, à tout le moins partisan.
Pour autant, les législatives s’organisent selon le scrutin majoritaire à deux tours avec traditionnellement une participation bien plus forte. Autant dire que rien n’est joué dans un sens ou dans l’autre.
Macron cherche aussi à provoquer une législature sans réelle majorité. Cette éventualité peut conduire un éventuel gouvernement Bardella à chercher constamment des alliances. Nul ne sait vraiment comment les électeurs réagiront pour ces législatives. Mais une chose est sûre cette prochaine législature brillera par son ingouvernabilité.
Le monde a les yeux rivés sur la France
Aux États-Unis, à Pékin, à Moscou ou à Kiev on observe à la loupe cette « drôle de France». Trump ou Poutine, pensent, à tort ou à raison, que la France, en devenant ingouvernable sera d’autant affaiblie. C’est une façon de voir les choses. Les voies de la démocratie sont impénétrables, surtout à Moscou et à Pékin, deux capitales réputés pour leur mépris de l’opinion publique. A Kiev on va être dans l’expectative car Zelensky ne peut pas être certain que ce que les essais qu’il a marqués à Paris puissent être aisément transformés.A Tel-Aviv le clan de Benjamin Netanyahou se félicite de la victoire du RN à la différence prêt que 80% des Israéliens ne veulent plus de ce premier ministre.
Conclusions
Machiavel disait que, « en politique le choix est rarement entre le bien et le mal mais entre le pire et le moindre mal ». La dissolution illustre parfaitement cette pensée qui, à défaut de déborder de poésie nous rappelle que le gouvernement des hommes exige parfois une bonne dose de cynisme.
Savez-vous la différence entre un politicien et un homme d’État ? Le premier ne pense qu’à sa réélection, le second à l’avenir de son peuple. Qui sera politicien, qui sera homme d’État ? Réponse le 7 juillet 2024.
Michel Dray