Depuis les années 1980, l’exception culturelle française a servi de bouclier symbolique et juridique face à la marchandisation globale de la culture. Face aux plateformes dominantes, elle affirmait que les œuvres de l’esprit ne sont pas de simples biens de consommation. Aujourd’hui, la guerre mondiale des intelligences impose une seconde exception : une exception cognitive et scientifique, au croisement de la culture, de la recherche et de l’IA.
A côté du phénomène majeur de la crise climatique, deux grands facteurs viennent sonner à la porte de la parole publique : la diffusion massive de l’IA, le choc démocratique actuel devant les axes politiques de Trump et de Musk.
Deux impulsions récentes et convergentes, ce n’est pas si fréquent, révèlent un besoin français et européen de prendre en charge ce débat qui ne fait que s’ouvrir :
- François Hollande et Eric Berton (le président de l’Université Aix-Marseille) conduisent au dépôt d’une proposition de Loi par l’ancien président de la République visant à créer un statut de « réfugié scientifique » et à accueillir en France les chercheurs menacés pour leurs travaux dans leurs pays en partenariat avec l’Université d’Aix Marseille.
- Emmanuel Macron, dans un appel international convie le 5 mai 2025 « les chercheurs du monde entier à choisir la France et l’Europe » pour construire une souveraineté scientifique et éthique face aux puissances de contrôle idéologique et technologique.
J’ai proposé dans ce contexte, sous les noms de code de Hope lang/ Hope Land, les contours de ce qui pourrait devenir une exception cognitive européenne. Il s’agit de protéger et promouvoir la création, la recherche et la critique comme piliers démocratiques face aux IA propriétaires, aux censures algorithmiques, et à l’exil intellectuel.
Hope land est dans cet esprit, un contre espace.
Hope Land est peuplé de ceux qui entendent encore le bruissement du sens là où d’autres n’entendent que des datas dotées d’un pouvoir magique mais souvent déshumanisé. Là où la plupart modélisent les comportements visibles, ses habitants écoutent les fractures symboliques, les loyautés affectives, les narrations étouffées. Ils n’interprètent pas les seules données objectives ou statistiques, celles d’une dictature par les nombres, chère à Alain Supiot, ils les relient au langage, à l’histoire, aux imaginaires collectifs.
Là, l’intelligence artificielle n’est pas une finalité en soi mais une lentille. Un miroir qui, mal orienté, déforme. Bien orienté, révèle. Une observation fine avant des diagnostics orientés et des traitements normatifs.
Rien d’un IA-phobe dans ce propos mais au contraire le souhait d’en faire le progrès partagé cher aux Lumières ;
C’est ici que peut naître la deuxième exception culturelle.
La première était celle de la culture, considérée en France comme un bien public, un vecteur de lien social, une affaire de symboles et non seulement de marchés.
La seconde exception culturelle à revendiquer aujourd’hui, concerne le traitement des données symboliques, des récits, des émotions collectives, dans l’univers de l’IA.
Elle dit ceci : il existe des régimes d’intelligibilité du monde qui ne peuvent être traduits uniquement en variables numériques. Des affects qui ne passent pas dans les réseaux de neurones. Des récits qui ne se résument pas à des chaînes de tokens. Des silences qui valent plus que des mots.
Elle postule que l’architecture de nos désirs, de nos conflits, de nos adhésions ne peut pas être captée sans une écoute active, interprétative, située et sans une intelligence humaine augmentée par la méthode, par l’expérience et par une IA résiliente à l’humain.
C’est ce grand projet de souveraineté et de soft power retrouvé en Europe dans un cloud souverain open source.
C’est la reconnaissance : d’un besoin d’IA capable non pas seulement d’apprendre, mais d’entendre, d’un dispositif qui ne cherche pas seulement à optimiser des réponses, mais à dévoiler des tensions, des ambivalences, des figures symboliques actives dans une société donnée.
C’est l’idée que, dans un monde saturé d’IA productivistes, nous avons besoin de lieux, d’outils, de métiers qui reconnectent l’analyse aux affects, aux récits, aux imaginaires. Et que cette reconnaissance doit s’inscrire dans une stratégie nationale, européenne ou plurielle, qui préserve la capacité à penser autrement, à produire du sens là où d’autres ne cherchent que l’efficience.
Pour autant, il ne faut pas voir dans ce projet un repli frileux et apaisant. C’est, au contraire, un axe essentiel et complémentaire de dissuasion. Donc c’est un acte de résistance et de combat. C’est pourquoi les recherches militaires et civiles doivent être profondément imbriquées pour acquérir à la fois la puissance et le caractère discriminant de l’imaginaire, de la culture européenne qui passe par son langage.
Elles ne sont les armes que d’un commun qui s’écrit comme une nouvelle espérance (Hope).
Ce que nous proposons, ce n’est pas une niche de repli ou de déni, c’est une nouvelle fonction dans la société numérique, une fonction politique, poétique, stratégique.
Elle ne se code pas. Elle se compose. Elle ne sollicite pas, elle doit susciter le désir et enthousiasmer sur la base de nos pulsions de vie pas de références à nos rentes.
Si je me laissais aller à cette liberté que cette société ne promeut pas, y compris ici ou cette ambition est dépeinte, j’oserais que :
Lorsque les blocages semblent former un barbelé infranchissable et qu’il ne manque que des miradors, un tel chemin est le seul possible hors de la résignation et de la dépression. La santé mentale n’a-t-elle pas émergé comme cause de l’année ? La deuxième émergence est la réussite de ce qui est maintenant reconnu comme l’exemplaire démonstrateur : « Notre Dame de Paris reconstruite ».
Mais je sens bien que je me dois à quelques spécifications technico-politiques.
Décrivons trois piliers de la nouvelle exception cognitive :
- Création d’un “Statut Républicain du Chercheur Libre”
- Visa scientifique prioritaire pour chercheurs empêchés.
- Statut de résident cognitif pour les intellectuels menacés.
- Accès facilité aux centres de recherche publics/privés et aux plateformes de débat.
- Lancement de la Hope Langue comme plateforme nationale
- IA linguistique open source, multilingue, transparente.
- Outil d’émancipation cognitive et de débat pluraliste.
- Intégration aux universités, centres de recherche, médias publics.
- Initiative européenne “Agora Science & Démocratie”
- Réseau de laboratoires d’accueil des chercheurs en exil (inspirés des programmes “CARA” en Allemagne ou “Scholars at Risk”).
- Création d’un Fonds de protection des savoirs critiques.
- Refonte de la diplomatie culturelle autour de la recherche et de l’éthique scientifique.
Rôle de la proposition de loi F. Hollande (proposition 2025)
La proposition de loi Hollande poserait les fondements juridiques et budgétaires de cette deuxième exception :
- Reconnaissance institutionnelle du droit à la recherche libre.
- Encadrement des IA dans l’espace public, pour éviter la censure invisible et la désinformation automatisée.
- Rattachement du projet Hope Langue à une autorité publique indépendante, en lien avec les chercheurs.
Ajout au projet d’exception cognitive : un fonds public-privé
Il devra financer un statut d’intermittent de la recherche et de la pensée critique.
Inspiré du modèle des intermittents du spectacle, ce dispositif vise à créer une sécurité cognitive et économique pour ceux dont le travail intellectuel, artistique ou prospectif ne trouve plus les protections et libertés qui seront exigées dans le Hope land.
Objectifs :
- Financer un statut d’intermittent de la recherche, de la pensée critique et de la création cognitive.
- Soutenir les chercheurs indépendants, les intellectuels en exil, les auteurs de pensée longue, les prospectivistes, artistes-chercheurs, journalistes d’investigation scientifique, etc.
- Favoriser les ponts entre création artistique et industrielle
- Garantir un socle de stabilité pour ceux qui produisent du savoir dans un monde où les institutions traditionnelles se contractent.
Ainsi se poursuit mon chemin pour un nouvel espace critique au travers de la Hope lang et du Hope Land… ce n’est qu’un début…
Hope land est bien un contre espace et un commun d’une espérance retrouvée.
Pierre Larrouy